Des précisions pour une meilleure compréhension de ces chroniques journalières : notamment pour celles et ceux qui rejoignent leur lecture récemment ou de façon discontinue. Le compte rendu précis et factuel des violences et violations du droit, faites par Israël, que compile Marsel quotidiennement dans un récit prennent leur source dans une observation documentée à la fois sur le terrain et à partir de différentes déclarations officielles ou médiatiques. C’est tout cela qui en fait un document essentiel.
L’emploi très fréquent dans ces chroniques du mot « martyr » fait référence au fait « d’être assassiné par la guerre », c’est à dire mort. En ce moment, journellement il y a entre 150 et 200 morts par jour dans toute la bande de Gaza.

 


 

Continuons à alimenter la collecte qui nourrit et protège les personnes déplacées de Gaza pour des sourires qui valent tous les encouragements du monde ! ICI

 

Abu Amir – 13 février 2024 par WhatsApp.

« Poursuite du projet de fourniture de repas aux déplacés dans la zone de Mawasi Rafah : Le samedi 10 février, notre équipe a servi une soupe de lentilles, très utile pour ces familles en raison du froid extrême. Le 11 février, nous leur avons servi des pâtes. Le 12 février, nous avons servi du mujaddara, un mélange de riz et de lentilles. Un tel déjeuner est fourni par l’équipe de l’UJFP à plus de 350 familles trois jours par semaine, et ce repas est considéré comme le repas le plus sain que les déplacés consomment tout au long de la journée et dont ils dépendent pour rassasier leurs enfants. »

« Lors de notre retour de notre travail dans la zone de Mawasi Rafah, où nous fournissons des repas aux personnes déplacées, nous avons constaté une forte affluence vers le nord, et le voyage de retour vers Nuseirat nous a pris plus de deux heures, alors que cette route nous prend habituellement une vingtaine de minutes, et ce parce que les personnes déplacées fuient vers Deir al-Balah et Nuseirat. »

Voici donc les vidéos et photos des distributions des 10, 11 et 12 février.
Les vidéos montrent de manière poignante que l’équipe se retrouve parfois à gratter les dernières marmites alors que de nombreuses personnes attendent encore, pour cette fois en vain.

https://drive.google.com/drive/folders/1r4ly30EfJV8zPIhNmGAukys8S8mJ8hZW?usp=drive_link

Vous trouverez les photos à l’adresse :
https://drive.google.com/drive/folders/1RmIjKXu5LFl8gZbiaMMQOvz_IT-pND1t?usp=drive_link

 

Abu Amir – 16 février – nous raconte l’installation du camp des paysans face à la mer de Khan Younis en envoyant une photo.

« Dans le cadre de la poursuite du projet d’établissement d’un camp pour les agriculteurs déplacés à Khan Yunis. Au quatrième jour depuis le début des travaux, l’équipe de travail a pu livrer aujourd’hui la cinquième tente aux fermiers, et nous avons ainsi pu fournir un endroit chaud à plus de 120 familles jusqu’à ce jour. Le travail se poursuit et nous vous tiendrons au courant de l’évolution de la situation. »

 

Des nouvelles de Marsel, en vrai, enfin par WhatsApp le 16/02 au soir.

« Bonsoir, camarades, je vais bien. Je suis désolé de vous avoir rendu anxieux. Je suis d’abord allé voir un médecin et il m’a prescrit un traitement que je ne trouvais pas. Ensuite, la maladie a doublé et je suis allé à l’hôpital européen. Ensuite, je suis retourné au domicile familial de ma femme, à l’ouest de Rafah, pour me rétablir. Cette zone n’a ni communication ni Internet.

Toi si tu es malade, tu vas acheter le médicament sur prescription médicale et prends-le à temps et tout ira bien et c’est tout, mais en temps de guerre, tout est difficile. J’essaie d’obtenir une petite boîte de médicaments. Peut-être que j’aurai de la chance et que je serai guéri. Ou peut-être que vous ne le trouverez pas et que cela sera la cause du doublement de la maladie ou de votre mort. Vous vous sentez malade alors vous allez chez le médecin. Il vous prescrit un traitement, puis vous vous rendez dans les pharmacies et constatez que ce sont des étagères vides devenues une maison de poussière. Vous trouvez certains des médicaments prescrits par le médecin, mais vous ne trouvez pas les autres types de médicaments. Cela se multiplie et votre maladie devient plus grave. Vous vous rendez au milieu du danger et des bombardements à l’Hôpital Européen. Vous prenez plusieurs doses intraveineuses du médicament après la détérioration de votre état. Guérir et obtenir les médicaments qui manquent dans les pharmacies est une tâche très ardue et difficile. J’ai souffert pendant plusieurs jours, mais des dizaines de milliers de personnes ont besoin de médicaments pour leurs maladies chroniques. Ils souffrent depuis longtemps et continuent de chercher toutes les heures et toutes les minutes, dans l’espoir de trouver parmi les tas de poussière une boîte. Un médicament pour les aider. »

 

À propos du campement des familles paysannes en face de la mer de Khan Younis. Abu Amir raconte le 17 Février.

« Des centaines de problèmes émergent sans cesse dans le camp, avec possiblement des bagarres. J’ai quitté deux fois le chantier. Quand je suis repassé à 7 heure ce soir, l’une des grandes tentes était détruite.

Une des causes de rage est la suivante : je considère que nous construisons les tentes collectives pour les familles qui n’ont rien et dorment dans la rue. Les familles qui parviennent à se débrouiller, qui peuvent construire elles-mêmes des abris, je les retire des listes.

Positif, un groupe de la famille Abu Taïma s’organise pour collecter et agir, ils ont demandé à l’équipe de construire une grande tente supplémentaire, et nous voulons maintenant construire des toilettes et un espace entrepôt pour poser les provisions.

Avec cette septième tente, nous avons fini, tous ceux que nous voulions prioritairement aider ont un abri au-dessus de leur tête. Donc tous ceux que nous avions sur nos listes sont abrités. Pour ceux qui ont pu faire de l’autoconstruction, certains n’ont pas pu réaliser de couverture, je leur ai dit qu’on leur en fournirait.

Parmi les possibilités supplémentaires il y a des tentes (15) données par le Qatar, pouvant abriter plusieurs familles. Il est arrivé 20 familles supplémentaires. Un groupe va regarder s’il est possible de trouver encore du terrain, pour nous on est complet. »

La distribution de repas
« Je considère que notre investissement doit être prioritairement avec les paysans, d’ailleurs c’est avec eux que nous continuerons les projets après la guerre. Donc j’ai prévenu les gens de al Mawasi que nous fournirons désormais les trois jours de repas ici, aux paysans. Nous commencerons dans deux jours. »

Le futur immédiat
« Demain nous avons le chantier toilettes + entrepôt. Ne croyez pas que la situation est calme. L’armée a attaqué aujourd’hui un des camp de réfugiés de Nusseirat (un demi kilomètre de ma maison), avec un tapis de bombes. 40 personnes ont été tuées. »

 

Compte rendu d’Abu Amir – 19 février – camp des paysans à Khan Younis.

19 février : « Nous avons fini de fournir les grandes tentes aux paysans hier et nous avons préparé de la nourriture pour eux dans la cuisine à l’intérieur du camp, où nous avons servi des lentilles. Aujourd’hui, nous avons également préparé et servi une soupe de pommes de terre. Aujourd’hui, nous avons également fait ce qui suit : 30 sacs de farine ont été distribués aux paysans pauvres qui ne peuvent rien acheter pour nourrir leurs familles à l’intérieur du camp. »

Vidéo du Repas le 18 février

Vidéo du Repas le 19 février

Action en direction des familles d’agriculteurs les plus démunies : distribution de sacs de farine ; 30 sacs de farine ont été distribués, et dimanche prochain, 30 sacs supplémentaires seront distribués.
Des photos de la distribution aujourd’hui

19 février : Aujourd’hui, nous avons recensé tous les problèmes dont souffrent les fermiers à l’intérieur du camp, et ensuite nous les étudierons pour trouver des solutions à ces problèmes.

Les problèmes tels que nous avons recensés :
Tout d’abord, le problème de l’eau, dont les agriculteurs ont besoin pour les installations sanitaires, la cuisine, la boisson, etc. Nous avons parlé de ce problème avec le propriétaire foncier, qui possède une pompe et des lignes de canalisations, et il a exprimé sa volonté d’aider, à condition de fournir un générateur et du gaz pour faire fonctionner le générateur.
Les agriculteurs ont accepté de fournir le générateur et le nécessaire pour le faire fonctionner.

Par ailleurs, certaines tentes présentaient des fuites d’eau de pluie, qui ont été réparées d’urgence. Les familles pauvres ont également été comptées et classées par ordre de priorité. Il y a aussi des tentes créées par les fermiers avec leurs propres efforts, qui présentent d’importantes fuites d’eau de pluie parce qu’ils n’ont pas acheté de couvertures neuves. Ces tentes ont besoin de 3 couvertures de toit, de taille 6 x 4 m, pour un montant total de 1 200 shekels1 [302,68 euros].

Les derniers problèmes rencontrés jusqu’à présent : Huit familles nombreuses ont été déplacées de l’école, toutes des femmes avec des enfants, qui ont perdu leur mari pendant la guerre. Elles sont allées séjourner à l’hôpital européen après avoir quitté l’école, mais les administrateurs de l’hôpital les ont expulsées après avoir passé trois nuits sur place.
J’ai essayé de les intégrer aux familles à l’intérieur du camp, mais les tentes sont bondées de familles. Pouvons-nous les aider ?

 

Des nouvelles de Marsel et des actions d’Ibn Sina le 18 Février au soir par WhatsApp.

« Je vais bien, ma santé est très bonne et les membres de ma famille aussi vont bien, alors rassurez-vous mes ami.e.s. Je voudrais vous exprimer ma profonde gratitude pour votre soutien et vos paroles pleines d’honnêteté et de chaleur, vos paroles sont un soleil qui vient quand l’obscurité s’intensifie autour de moi, un soleil qui s’illumine pour fondre avec ses lumières et ses rayons sur la noirceur autour de moi et me redonner espoir.

Je m’excuse pour mon absence d’Internet, mais j’ai investi mon temps dans cette période très dure pour terminer l’installation des kiosques restants des toilettes pour les personnes déplacées et nous sommes devenus un modèle à suivre pour les institutions en termes d’évaluation des besoins des personnes déplacées et de fourniture et d’appréciation d’alternatives et de solutions optimales pour les servir.

De plus, le programmeur avec lequel j’ai collaboré a conçu une vidéo pour le projet, nous avons travaillé pour créer le contenu vidéo avec une explication du problème des salles de bains, des zones de toilettes, des infrastructures d’égouts. Comme nous n’avons pas oublié l’importance de dénoncer les crimes d’occupation, de génocide et de bombardements, nous avons travaillé pendant cette période à la préparation de certains rapports et articles. Je vais bientôt commencer à traduire ces rapports et articles, puis je vous les enverrai. »

lien vidéo d’Ibn Sina du projet des sanitaires pour les personnes déplacées à Rafah

mise à jour le 20 février 2024.

(…)

À propos des témoignages

 

Juste avant l’attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023, une mission d’information devait se rendre à Gaza, depuis la France, pour informer de l’action de la société civile gazaouie, sur le terrain. Des relais essentiels en étaient Abu Amir Mutasem Eleïwa. Personnalité indépendante, très respecté dans la bande Gaza, il est l’animateur des Projets paysans. Il est aussi l’interlocuteur privilégié de l’Union Juive Française pour la Paix, qui soutient ce programme.

Ces Projets paysans (château d’eau, coopérative de production, autoproduction de semences, solidarité quotidienne — dont l’ouverture d’une crèche) visent à consolider l’autonomie du territoire et contrecarrer le désir de le fuir. Autre interlocuteur de choix : Marsel Alledawi, responsable du Centre Ibn Sina pour l’enfance, vouée au suivi éducatif et psychologique. C’est l’une des rares structures strictement laïques du territoire.

La mission d’information n’ayant pu pénétrer à Gaza, c’est ensuite par conversations téléphoniques, messageries Messenger et WhatsApp que ces acteurs gazaouis ont entretenu un lien quotidien avec leurs interlocuteurs français. Dont le Marseillais Pierre Stamboul, vice-président de l’Union juive française pour la paix (UJFP), Sarah Katz (International Solidarity Movement), et Brigitte Challande, militante montpelliéraine de la solidarité avec les Palestiniens.

Ci-dessous, ils rendent publique la matière de ces récits reçus quotidiennement depuis Gaza. Cela dans l’espoir de valoriser les ressources de solidarité, les capacités d’adaptation dans les pires situations, dont est capable de faire montre la société civile gazaouie ; tout ne se résumant pas au seul Hamas.

Pour une meilleure compréhension de ce suivi, il faut savoir qu’Abu Amir Mutasem Eleïwa (coordinateur des Projets paysans) s’était déplacé au Caire, à la rencontre de la mission française. Il s’y est alors trouvé bloqué jusqu’à son retour dans la Bande de Gaza à la faveur de la seule trêve humanitaire survenue à ce jour. Enfin, par souci de fluidité, les deux interlocuteurs gazaouis cités ci-dessous le sont le plus souvent sous leurs seuls prénoms (Abu Amir et Marsel). Le mode de retranscription de leurs récits alterne la reprise in extenso de textes et propos de ces deux personnes (alors entre guillemets et en italique), ou bien des synthèses reformulées en seconde main (par exemple en cas de retranscription après coup du contenu de conversations téléphoniques).

 


 

Depuis le 20 novembre altermidi publie les témoignages quasi quotidien du peuple Gazaouis, tels qu’ils nous arrivent directement du terrain.

Partie 1 du 20 novembre 2023 au 4 janvier 2024. À lire ICI.

Partie 2 du 8 au 17 janvier 2024. À lire ICI.

Partie 3 du 18 au 27 janvier 2024. À lire ICI

Partie 4 du 28 janvier au 13 février 2024. À lire ICI


 

Notes:

  1. Le shekel est la monnaie de l’État d’Israël.
Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.