Ganges, jeudi 10 novembre, nouvelle mobilisation à l’appel du collectif pour le maintien de la maternité. À travers le projet de fermeture de l’établissement, les citoyen.ne.s réalisent qu’on impacte directement leur liberté individuelle et qu’on assombrit les perspectives d’avenir de leur lieu de vie.


 

« Toute l’équipe de la maternité se réjouit de vous accueillir et de vous accompagner lors de cette aventure unique qu’est la naissance de votre bébé. La naissance d’un enfant est toujours un moment d’émotion privilégié dans la vie d’une famille  », lit on sur le site de la polyclinique Saint-Louis à Ganges. Sauf que le rideau est en train de tomber avec une fermeture programmée d’ici la fin de l’année.

L’accompagnement de qualité promis aux parents pour « protéger le lien entre mère et enfant, en respectant les besoins et les rythmes naturels du nouveau-né », ne pourrait plus avoir court à Ganges faute de personnel. Pour vivre l’« aventure unique » que représente l’arrivée d’un enfant dans des conditions de sécurité il faudrait désormais se rendre dans la métropole montpelliéraine…

« En venant nous installer ici nous avons fait un choix de vie, explique une femme mobilisée, on ne veut pas retourner dans des usines à bébés, comparable à la ferme-usine des 1 000 vaches ».

Pour le président du groupe Cap Santé dont dépend l’établissement, il n’est plus question de recourir aux « mercenaires » (les médecins remplaçants) pour des raisons de confiance et de sécurité et il est impossible de recruter le personnel nécessaire (gynécologues-obstétriciens). Dans un autre cadre, les principes de sécurité et de gestion avancés par le président de Cap Santé, justifiant la fermeture à Ganges et l’éloignement du service, auraient sans doute été validés par l’ARS qui compense le déficit de la clinique privée.

Mais dans cette affaire l’emploi du conditionnel reste de rigueur car la mobilisation exceptionnelle et déterminée de la population cévenole, soutenue par la plupart des élu.e.s locaux.ales, maires, conseiller.ère.s départementaux.ales et parlementaires, implique une prise en compte du problème à un autre niveau.

Sur place on remarque la solidité du tissu citoyen, visiblement les gilets jaunes sont passés par là. Un collectif citoyen fait pont, permettant à toutes personnes de s’exprimer. Sur une tribune improvisée se succèdent dans le respect porte-paroles de la démocratie directe et ceux de la démocratie représentative qui vont dans le même sens.

Leur approche se confrontent aux arguments avancés pour la fermeture qui relève d’un calcul des coûts à court terme. Cela n’est simplement plus recevable par la population. Les anciens sont là pour témoigner, comme ce généraliste octogénaire ayant réalisé un millier d’accouchements à Ganges ou l’ancien maire Jacques Rigaud désormais conseiller départemental dont tous les enfants sont nés ici. À leurs côtés, de jeunes femmes rappellent que l’enjeu ne concerne pas seulement la maternité mais aussi la disparition du centre IVG : « C’est le choix des femmes dont il est question. » Celui de l’interruption de grossesse ou encore de la volonté d’accoucher à domicile conditionnée par un éloignement d’une maternité de 30 mn maximum pour être assistée d’une sage-femme.

Les 500 personnes qui se sont mobilisées une nouvelle fois jeudi pour le maintient de la maternité s’en remettent désormais à l’État : « Si la clinique Saint-Louis ne peut pas assurer le maintient de la maternité qui est indispensable parce que cela relève du droit fondamental à la santé, c’est à l’État de le défendre. » Le passage de la structure dans le giron public au sein de la clinique privée est aussi la solution qu’envisagent les élu.e.s et Maires venu.e.s des quatre communautés de communes concernées. Les députés Michel Sala (Gard) et Sébastien Rome (Hérault) devraient défendre le dossier prochainement auprès du ministre de la Santé.

Ce n’est pas la première fois que l’on menace de faire disparaître la maternité implantée à Ganges depuis 1959. Le problème ne se résume pas à une question de recrutement, il est en lien avec la désertification médicale des milieux ruraux. Vu sous cet angle la fermeture n’est pas une solution — et elle en entraînera d’autres. Sur ce bassin de population de 45 000 habitant.e.s, l’esprit de résistance cévenole renaît. A Ganges et alentour on veut construire avec les bébés « un mur de lumière qui fusille de clarté.* »

Jean-Marie Dinh

* Extrait de la chanson Alertez les bébés de Jacques Higelin.

Mobilisation nocturne devant la maternité à Ganges le 10/11/2022. Photo altermidi
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.