C’est dans la joie et la bonne humeur que les habitant.es de Papus, quartier populaire de Toulouse du Grand Mirail, ont déambulé dans les rues de la cité, ce samedi matin, pour dire leur opposition à la construction d’une rue en lieu et place de deux maisons vouées à la démolition dans le cadre du Nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU).


 

Les deux maisonnettes Castors en question se situent 57 et 59 rue de la Vendée. Les propriétaires de l’une ont acheté en 1993 et sont très impliqués dans la vie de leur quartier. L’autre pavillon a été mis aux enchères. Récemment licencié de l’aéronautique, son acquéreur ne peut plus faire face à son crédit. Ce sont les terribles conséquences inhumaines que vivent des milliers d’autres salarié.es à Toulouse et ailleurs.

 

Plus de cinquante personnes se sont passées le mot, munies de leurs pancartes, fabrication artisanale, où l’on peut lire : « Trop de flux dans nos rues » « Sécurité 30 km/h » « Des rues à sens unique » ou encore sur un ton humoristique « Moudenc plus BTP que vert » et « Moudenc on va t’exproprier pour faire passer une route dans ta Côte Pavée ». Un clin d’œil adressé au maire qui ne voit aucun inconvénient de détruire la maison de gens modestes, acquise après des années de labeur, alors que l’édile vit dans un quartier favorisé de la ville qui n’a rien à craindre des décisions prises par des technocrates sans lien avec la vie réelle des populations des quartiers anciennement ouvriers et toujours populaires. Malgré les masques et le contexte particulier d’interdictions et de restrictions des libertés, les Papusiens et Papusiennes ne lâchent rien sur le cadre de vie qu’ils entendent préserver malgré le rouleau compresseur de la bétonisation chère à Monsieur Moudenc, via Toulouse Métropole Habitat (TMH).

Déjà en septembre de l’année dernière, ils et elles manifestaient rue de la Touraine et de la Bigorre pour des alternatives à la circulation parce que des centaines de véhicules et camions traversent chaque jour, aux heures de pointe, ce quartier verdoyant pour rejoindre la Rocade ou la Route de Seysses.

 

« La tranquillité pour mes enfants »

Venue avec ses trois petits enfants, Claire se plaît dans son nouvel environnement: « ça fait deux ans qu’on a acheté la maison. On préfère rester au calme, dans un endroit tranquille. S’ils ouvrent Tabar, plus de voitures vont rouler, je veux la tranquillité pour mes enfants ». Benoit Cazals, président du Comité de quartier Papus-Tabar-Bordelongue (Patabor), explique dans son intervention que ce projet de désenclavement du quartier Tabar a été réalisé sans études d’impact par la mairie et TMH. Ce qui entraînera la multiplication du trafic et donc la dégradation du bien-être et celui de la planète dans un milieu riche en espaces verts. Et de rappeler la diversité culturelle et générationnelle de Papus où il fait bon vivre. Le responsable associatif pointe du doigt une nuisance supplémentaire que représenterait cette ouverture de rue, dangereuse pour la sécurité des enfants qui se rendent dans les écoles de Papus depuis Tabar, avec en plus les problèmes liés au trafic de drogue. La coupe est pleine pour Monique et Gérard qui n’en peuvent plus des promesses non tenues par la droite municipale ; pourtant à une époque, ils y ont cru. Ce projet, pondu d’en haut, ne répond manifestement pas aux aspirations des habitant.es du coin qui ont des contre-propositions de circulation alternative vers la route de Seysses, et ce, sans détruire quoi que ce soit.

La démolition est à la mode à Toulouse, en France et dans le monde, de la part des équipes municipales et des États aux manettes.

 

Faire avec les habitants, pas sans eux

Nouvelle habitante de la rue de la Vendée, Régine se sent solidaire de ses voisin.es. « Même si on est nouveaux, on peut pas se foutre de ce qui arrive ». Un jeune couple est tombé amoureux de Papus en visitant une villa. « On a beaucoup aimé les petites maisons, les petites ruelles, l’ambiance de village, on connaît nos voisins. On a accès directement au centre ville et à la Rocade », témoigne Pierre qui a emménagé avec sa compagne en 2019. Des militants communistes de quartiers proches sont venus soutenir la lutte des résident.es, également François Piquemal, élu municipal d’Archipel Citoyen, qui opine : « Ils feraient mieux de faire avec les habitants que sans eux, surtout qu’ici beaucoup de gens sont prêts à participer. »

Les riverain.es n’en sont pas à leur première bataille. Il y a peu, rue de l’Auvergne, un rassemblement a eu lieu pour empêcher l’aménagement de poubelles sous les fenêtres.

Auparavant, ils et elles se sont battu.es pour bloquer le chantier de construction de parkings privés payants, rue de la Touraine, l’arrachage des arbres cinquantenaires et des espaces verts dans le but de vendre cent logements sociaux. Pour la mairie, il n’y a pas de petits profits.

 

Les populations veulent être entendues

Une pancarte alerte : « On n’est pas entendu. » Les populations des quartiers populaires ont affaire à du mépris de la part des pouvoirs publics sans parler de l’abandon dont elles se plaignent régulièrement de la part du bailleur social, Toulouse Métropole Habitat, Papus au premier chef. Jean-Luc Moudenc se targue d’avoir consulté les personnes concernées par l’expropriation, mais de quelle concertation s’agit-il ? On ne l’a pas vue. Où est-elle ? On la cherche encore.

Plus de 160 signatures ont été recueillies au bas des pétitions. Les manifestant.es ne s’opposent pas à la réhabilitation de Tabar — l’enclavement de ce quartier date de plus de quarante ans — mais exigent qu’elle se fasse sans expropriation et destruction de deux maisons pour tracer une liaison dans un quartier qui est déjà hyper saturé et pollué.

La population le dira haut et fort le 18 mai. Une rencontre est prévue entre le Comité de quartier Papus-Tabar-Bordelongue et des élu.es. La lutte continue.

 

Piedad Belmonte

 

Photo Dr altermidi Serge Meda

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Passée par L'Huma, et à la Marseillaise, j'ai appris le métier de journaliste dans la pratique du terrain, au contact des gens et des “anciens” journalistes. Issue d'une famille immigrée et ouvrière, habitante d'un quartier populaire de Toulouse, j'ai su dès 18 ans que je voulais donner la parole aux sans, écrire sur la réalité de nos vies, sur la réalité du monde, les injustices et les solidarités. Le Parler juste, le Dire honnête sont mon chemin