Comme nous l’expliquions dans notre premier article, l’Observatoire des violences policières est né au printemps 2016 lors des manifestations contre la « loi travail ». L’ampleur de la répression armée qui frappait le mouvement social était alors si grande qu’il nous paraissait nécessaire de lui donner toute la visibilité qu’elle méritait. Cette prise de conscience de l’action de la police nous a poussé à relayer les témoignages, photos et vidéos de manifestant.e.s et militant.e.s politiques que la police gazait, frappait, humiliait menotté.e.s au sol et contre qui elle avait recours à des armes de plus en plus destructrices, d’abord dans des villes laboratoires de la répression (Lyon ou Nantes par exemple), puis partout ailleurs.

Des actions ultraviolentes visent les manifestant.e.s

En trois ans, cette répression des citoyen.ne.s politisé.e.s a pris des formes variées. D’abord avec la répression des cortèges de manifestant.e.s. Par l’usage accru des nasses, des insultes et des coups « en passant » destinées à frustrer le plus possible les manifestant.e.s. Par le passage à tabac de cibles, choisies parmi les personnes mises en avant dans les cortèges, des malchanceux.ses ciblé.e.s pour l’exemple et parfois de simples badauds. Ces actions ultraviolentes de la police avaient pour but d’impressionner les personnes mobilisées pour les décourager d’exercer leur droit à manifester et de décrédibiliser le mouvement social en le présentant comme lui-même violent et fauteur de troubles. Y ont participé des corps de police et de gendarmerie dédiés au maintien de l’ordre mais également d’autres entités telles que des brigades anti-criminalité (BAC) comme à Caen, le 22 mars 2018. Elles ont également fait ressurgir de vieux fantômes que l’on croyait définitivement disparus comme les « voltigeurs » à moto, coupables de la mort de Malik Oussekine le 6 décembre 1986. Pour mener à bien ces actions, les forces de police et de gendarmerie ont eu recours à un arsenal toujours plus impressionnant : grenades de désencerclement, canons à eau chargés de produits toxiques et incapacitants ainsi que le très cyniquement nommé « lanceur de balles de défense » 40, dont l’utilisation a mutilé et gravement blessé 71 personnes en l’espace de quatre mois selon le recensement de Libération.

Les mineur.e.s ne sont pas épargné.e.s

Parmi les victimes de violences policières lors de manifestations ou d’actions politiques figurent un nombre élevé de mineur.e.s, pour la plupart violentés dans le cadre de mobilisations lycéennes, au sein de mouvements sociaux plus larges ou dans le cadre de revendications locales comme par exemple la défense d’un camarade de classe sans-papiers risquant la déportation. Ces faits sont d’autant plus préoccupants que, dans la majorité des cas, les policiers qui se sont rendus coupables de violences avaient connaissance du fait qu’ils s’en prenaient physiquement à des mineurs parfois âgés de 14 ou 15 ans seulement, les lycéens étant mobilisés en tant que tels dans une partie du cortège en manifestation ou devant leurs lycées. Quand ils sont interpellés, ces adolescent.e.s ne sont pas mieux protégés des mauvais traitements que les adultes comme le montrent les dizaines de témoignages des élèves du lycée Arago en mai 2018.

Des « zones à défendre » à prendre d’assaut

Des opérations d’une ampleur sans précédent ont également été menées pour vider les « zones à défendre » (ZAD) au mépris de celles et ceux qui y vivaient. Le 21 mars 2018, 2500 gendarmes étaient mobilisés à Notre-Dame-des-Landes et sur les communes voisines. Ces démonstrations de force témoignent d’un pouvoir tout aussi soucieux de faire taire des revendications politiques alternatives que de faire échouer les tentatives d’auto-organisation en marge du système. C’est dans cette lignée répressive que sont réprimées depuis le 17 novembre les mobilisations des « gilets jaunes » dont on estime que plus de 2200 ont été blessés en l’espace de quatre mois.

Si les violences policières envers les manifestant.e.s nous avaient paru être un sujet digne d’être porté à l’attention de l’opinion publique, c’est aussi que peu de médias traitaient à l’époque du problème ou le faisait a minima ou en relayant systématiquement les éléments de langage des préfectures pour justifier les violences. Force est de constater que cela change aujourd’hui et que de plus en plus de journalistes recueillent les témoignages de manifestant.e.s et se rendent elles et eux-même au cœur des manifestations pour filmer les violences. Cette prise de risque est nécessaire pour rendre compte le plus fidèlement possible des tactiques extrêmement dangereuses de maintien de l’ordre. Malheureusement, il n’est pas rare que ces journalistes soient à leur tour victimes des policiers qui souhaitent également les impressionner et les décourager de couvrir les manifestations et qui n’hésitent pas même parfois à attaquer de manière ciblée pour détruire des images. Il va sans dire que ces pratiques s’étendent également aux simples citoyens qui filment les violences.

Dans ces conditions et au vu du déferlement de violences sur les manifestant.e.s et militant.e.s politiques, soutenir tou.te.s les journalistes qui travaillent sur les violences policières, des grands médias comme des petits collectifs, avec ou sans carte de presse, est un impératif.

Frédéric

 

 

CONSULTER LES AUTRES ARTICLES DE LA SÉRIE : VIOLENCES POLICIÈRES

Voir aussi : Les violences sexistes transposées au sein de la police