Le 25 novembre, le département de l’Hérault a accueilli ses partenaires pour le lancement de l’observatoire départemental des violences faites aux femmes, sexistes et intrafamiliales. Ce projet pilote associe un partenariat institutionnel inédit en France rassemblant État, Département, CAF et l’Université Montpellier 3 autour de la même mission.


 

L’observatoire fait suite à une étape de préfiguration de 2 ans qui a permis de terminer ses orientations stratégiques. La principale consiste à partir du terrain. Pour ce faire, l’observatoire adopte un mode de gouvernance associant un comité coopératif de 20 citoyennes, victimes ou anciennes victimes de violences conjugales. Leur expertise d’usage devrait permettre d’analyser les points forts et points faibles des dispositifs existants. Les professionnelles telles que des assistantes sociales, intervenantes sociales en commissariat et Gendarmerie, et actrices issues des milieux associatifs sont également associées au projet. Cinq enseignants-chercheurs de l’Université Paul Valéry et leurs étudiants complètent le dispositif. Ils auront pour mission d’analyser et de proposer des pistes d’action pour prévenir et lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes.

le 25 novembre à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les acteurs institutionnels présent à la tribune, très masculine, ont apporté leurs témoignages et réflexions devant l’auditoire nombreux, très féminin, de la salle Jean Bène (hôtel du département Montpellier).

Le président du Conseil départemental, Kleber Mesquida, s’est réjoui de ce nouveau dispositif : «  Cet observatoire va nous permettre d’aller plus loin pour faire face à ce fléau qui touche l’ensemble de la société et nous concerne localement. Un aspect majeur concerne la centralisation et l’analyse des données, ce que l’association des acteurs partenaires de observatoire permet. Nous disposons aujourd’hui d’une somme d’informations brut qui ne sont pas traitées. L’observatoire départemental va nous permettre de mieux comprendre et d’adapter des solutions. Lutter contre ce type de violence, c’est le rôle des pouvoirs publics, mais aussi le rôle de tous. »

Le préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh, a rappelé l’action déterminée des services de l’État dans le département « conformément aux priorités du Gouvernement » : « Avec 19 féminicides en 2021, le territoire de l’Occitanie est particulièrement concerné. Dans ce combat qui est national, puisque nous dénombrons en France un décès tous les deux jours et demi. La prévention est indispensable mais la répression nécessaire. La lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles compte parmi les grandes causes du quinquennat. Notre politique en la matière, c’est zéro tolérance à l’égard de la violence faites aux femmes. » Au delà du message de fermeté, le préfet concède que malgré les 18 places supplémentaires créées en deux ans, les 149 places d’hébergement « fléchées femmes victimes de violences » dont dispose le département demeurent insuffisantes.

Avec l’appuie d’une coordinatrice, l’observatoire étudiera chaque année les mécanismes comportementaux locaux, causes des phénomènes, processus, ampleur, facteurs aggravants… et proposera des actions adaptées pour guider les prises de décisions et orienter les budgets prioritaires. La deuxième mission de l’observatoire sera de proposer au grand public une information centralisée et organisée sur les dispositifs d’aide existants dans l’Hérault via un site internet.

« À Béziers ce type de violence concerne 36 % des affaires ; sur 940 défèrements1 330 dossiers sont liés aux violences faites aux femmes. La répression on sait faire. Cependant c’est une erreur de penser que le problème repose sur la justice et la police », a souligné le procureur de Béziers, Raphaël Balland, qui préside depuis 2021 le comité départemental de lutte contre les violences faites aux femmes. « C’est pour cela que la création de cet observatoire est important. Après #Me Too, les plaintes pour viol et agression ont augmenté de manière exponentielle et cette tendance va se poursuivre. Ce n’est que le début de la vague. La prévention est une nécessité absolue. S’associer à l’université et lui permettre d’accéder à nos données va nous permettre d’être plus efficaces. S’attaquer à un phénomène c’est s’attaquer à ses causes, et s’attaquer à ses causes c’est les connaître. »

En 2023 les trois sujets d’étude portent sur les enfants co-victimes, les violences dans les premières relations sexuelles et affectives des jeunes couples, et la place des prises de produits et addictions dans les violences conjugales.

JMD


 

Questions à Anne Fraïsse Présidente de l’Université Paul-Valéry.

L’université inscrit sa mission dans une démarche d’utilité sociale.


 

Anne Fraïsse, présidente de l’université Montpellier 3 Paul Valéry

Il existe 23 observatoires de ce type dans le pays mais une université associée à ce type de démarche c’est une première en France…

Oui, l’Université de sciences sociales Paul Valéry est porteuse de l’observatoire départemental des violences faites aux femmes, c’est effectivement une novation. L’autre caractéristique de l’observatoire héraultais c’est le Conseil des femmes qui représente les victimes. Cette approche innovante va permettre de libérer la parole des victimes dans le cadre de l’observatoire. C’est très important de travailler à partir de témoignages et pas seulement à travers des données chiffrées, car derrière les chiffres, il y a des femmes, il y a des situations. Et ce travail d’analyse des situations est fondamental pour l’université.

Innovation en termes de gouvernance aussi avec ce collectif de citoyennes qui savent de quoi elles parlent. En quoi ces témoignages vont être utiles pour la recherche ?

L’étude des situations particulières va permettre de déduire des éléments plus généraux pour chercher et proposer des solutions. C’est le rôle des enseignants-chercheurs mais aussi des étudiants. La participation de l’université se fait avec l’implication des étudiants de master sur ces sujets-là. Ces jeunes futurs travailleurs sociaux sont peut-être les futurs dirigeants des structures qui seront en première ligne dans cette lutte contre les violences. Il est important qu’ils soient sensibilisés et formés de façon efficace par le biais de la recherche tout en étant en lien avec le terrain. Cela participe à notre avenir sociétal ce qui est pleinement le rôle de l’université.

Où en est-on aujourd’hui en matière de recherche dans ce domaine ? Immerge-t-il des champs d’étude nouveaux sur des sujets comme la cyberviolence ?

Il y a deux aspects, comme on l’a dit : la libération de la parole met brusquement en avant ces sujets qui ont toujours existé mais qui vont pouvoir être analyser de façon très différente, et puis il y a de nouveaux types de violence qui interviennent ; les nouveaux moyens de communication d’une société — on parle du harcèlement par téléphone, du harcèlement sur Internet — peuvent servir de vecteur de violence qu’il faut pouvoir étudier.

Au-delà des représentations, en termes sociologiques nous disposons de quelques éléments qui démontrent que la violence touche toutes les catégories sociales…

En effet, on a évoqué le fait que l’alcool et les stupéfiants pouvaient être une cause de déclenchement, mais celle-ci n’est pas la cause réelle de départ de la violence et cette violence existe dans tous les milieux et touche toutes les couches de la société.

Réparti à par égales entre l’État, le département et la CAF de l’Hérault, le budget de l’observatoire départemental s’élève à 54 900 euros, n’est-ce pas limité par rapport à l’ampleur de la tâche ?

Vous savez, quel que soit ce qu’on fait, on trouve qu’il faudrait davantage, le problème c’est surtout de fédérer des forces et de lancer des recherches. Les choses vont suivre et se prolonger dans le temps, lorsqu’on aura commencé. Voir tout ce monde réuni aujourd’hui augure bien du travail commun qui va pouvoir être fait.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Notes:

  1. Le défèrement est une mesure de contrainte qui intervient à l’issue de la garde à vue et par laquelle le gardé à vue est conduit devant le Procureur de la République ou le juge d’Instruction.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.