Alors que la Commission nationale du débat public était disposée à assurer l’impartialité et la neutralité du grand débat national, l’Élysée s’y est opposé. Documents et courriels confidentiels à l’appui, Mediapart révèle la lutte âpre qui s’est déroulée dans les coulisses du pouvoir, de sorte qu’Emmanuel Macron puisse transformer l’initiative, selon le mot de Chantal Jouanno, en une « campagne de communication ».

 

L’histoire commence donc au début du mois de décembre. Emmanuel Macron a alors annoncé son intention d’ouvrir un grand débat national pour tenter de désarmer la colère des gilets jaunes et leur apporter la preuve qu’il est à l’écoute.

https://www.lci.fr/politique/video-chantal-jouanno-sur-lci-le-grand-debat-national-se-resume-a-un-questionnaire-2111123.html

Le 5 décembre, Chantal Jouanno, qui préside la CNDP, dont la mission est précisément d’être le garant de la neutralité et de l’impartialité de tous les débats publics organisés dans le pays, est donc approchée. Dans un premier temps, c’est Damien Cazé, conseiller au cabinet du premier ministre, qui lui demande si elle accepterait de piloter le grand débat. Mais la demande est curieusement formulée : son interlocuteur lui demande si elle accepte de le faire « à titre personnel ». Réponse de Chantal Jouanno : c’est impossible ! Si le gouvernement veut la saisir, cela ne peut être qu’ès qualités, comme présidente de la CNDP. Il faut donc que le gouvernement respecte les procédures et fasse une saisine officielle de la CNDP.

Le sous-entendu est très clair : la CNDP est régie par des règles. Et si le gouvernement veut faire appel à elle, il devra les respecter. Comme dans tous les débats organisés par la CNDP, il ne peut y avoir de « lignes rouges », c’est-à-dire de sujets interdits. La neutralité et l’impartialité des débats devront être assurées, et c’est la CNDP qui en est nécessairement le garant – et non un ministre ou un responsable politique. Tous les intervenants dans le débat sont égaux : en clair, la parole d’un président de la République, s’il intervient, ne peut pas peser plus que celle d’un autre citoyen. Ou alors, si le président ou un ministre participe, ils ne peuvent présider la séance ni être sur une tribune ou au centre de la salle, de sorte que tous les participants soient égaux. Quant aux restitutions et au compte-rendu final des débats, c’est aussi la CNDP qui doit en avoir la maîtrise, de sorte qu’ils ne soient pas biaisés par quiconque.

 


Source Médiapart 26 janvier 2019

Retrouvez l’enquête sur le site de Médiapart


  • Laurent MaduitJournaliste au Quotidien de Paris (1979), puis à l’Agence centrale de presse (1979-1984), à La Tribune de l’économie (1984-1990), il devient ensuite chef du service économique de Libération (1991-1994) avant d’entrer au Monde fin 1994. Au sein de ce quotidien, il est chargé de la politique économique française (1995-1999), puis devient rédacteur en chef du service Entreprises (2001-2003), directeur adjoint de la rédaction (2003-2005) et enfin éditorialiste (2006).

    Figurant en 2005 parmi les rares journalistes qui se prononcent publiquement contre l’entrée du groupe Lagardère au capital du journal, il quitte Le Monde, en décembre 2006, dénonçant la censure de l’un de ses articles à propos des Caisses d’épargne. Auteur de plusieurs livres sur la gauche française, il publie, en outre, en septembre 2016, un livre d’enquête, Main basse sur l’information, sur l’état de la presse et des médias en France, au lendemain du séisme Niel-Bolloré-Drahi

    Il cofonde le site d’information Mediapart en 2008 avec François Bonnet, Gérard Desportes et Edwy Plenel

Laurent Mauduit soutient notre projet de média citoyen régional.


 

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