Les coupes budgétaires risquent d’augmenter la pauvreté et les coups portés aux activités de l’ESS cassent les reins de la solidarité dans le pays, juge Benoît Hamon, président d’ESS France, structure représentative française de l’économie sociale et solidaire.
L’ESS obtient un ministère spécifique dirigé par Marie-Agnès Poussier-Winback, s’agit-il d’une reconnaissance de l’ESS ?
Benoît Hamon. Le gouvernement impose une baisse de 25 % sur les dispositifs directs de l’ESS. Les coups portés aux activités de l’ESS cassent complètement les reins de la solidarité dans ce pays, c’est indiscutablement un très mauvais budget pour l’ESS.
Nous sommes très contents d’avoir une ministre de l’ESS, mais si on avait eu le même budget et pas de ministre, qu’auriez-vous préféré ? Si Madame Poussier-Winback aide à corriger cela à l’Assemblée, nous serons contents. Il faut que cette ministre soit capable de peser politiquement, de changer la perception de l’ESS et de faire en sorte que le secteur soit pris en compte dans tous les arbitrages et toutes les politiques interministériels. Mais le résultat du premier rendez-vous enfonce le plancher des pires scénarios qu’on avait imaginé. Le budget de l’ESS se retrouve dans le même budget que toute la stratégie économique de la France. Sur la stratégie économique tout est maintenu, la seule ligne qui baisse c’est l’ESS !
Pour donner un ordre de grandeur, ce seront 16 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour la seule ligne des crédits alloués aux banques d’affaire et cabinets qui conseillent l’agence de participation de l’État, par exemple les McKinsey ou autres, c’est 7 millions d’euros ; quasiment la moitié de ce qu’on donne pour toute l’ESS. Sans parler de ce qui va être fait ailleurs par ces cabinets, ces banques d’affaire en conseils au gouvernement. Ces gens-là absorbent quasiment l’équivalent de la moitié du budget alloué à toutes les politiques territoriales de l’ESS, qui ont un effet levier sur la création de crèches associatives, d’entreprises d’insertion, d’épiceries bio, etc. On perd 5,5 millions d’euros, alors que les cabinets conseil et les banques d’affaire dont on va payer la mission de conseil voient leurs moyens au minimum maintenus, voire augmentés ! C’est irrecevable.
Quelle réponse apporter ?
B.H. C’est simple : annuler cette baisse. Je n’ai aucun problème si on fait passer les missions de conseil de 7 millions à 2,7 millions, même s’il existe d’autres solutions qui conjugueraient croissance, emploi et justice sociale.
Tous les groupes parlementaires, sauf le RN, ont donné un avis favorable à l’ESS et la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements qui permettent d’augmenter de 10 millions d’euros les crédits de l’ESS. La réécriture de ce passage du texte est-elle acquise ?1
B.H. Le gouvernement soumet le texte qu’il veut sur son budget. Et il devra le faire passer par 49.3, faute de majorité. Ça peut-être la version initiale du projet soumise au Parlement ou une version amendée, soit à son initiative, soit à partir des débats parlementaires. En clair, il a totale latitude pour corriger sa copie. Au vu du débat parlementaire, je pense qu’il va le faire. Mais de quelle manière ? En prenant tout ou partie des amendements adoptés en commission ou à l’Assemblée nationale sur le secteur de l’ESS ou non ? D’où l’importance pour nous d’avoir un dialogue exigeant avec Matignon et Bercy sur les conséquences de ce budget sur l’ESS et sur l’importance que le gouvernement corrige lui-même son texte.
Mme Poussier-Winback, ministre de l’ESS, vous a-t-elle soutenu ?
B.H. Aucune idée. Nous ne sommes pas là pour voir si elle est combative ou pas sur ces budgets-là ; le constat est : la petite partie du budget qu’elle contrôle a subi une baisse 25 %. C’est un vrai échec pour elle, qui ne va pas changer sa vie mais celles des acteurs.
Quand serons-nous fixé.e.s sur le passage du budget Barnier recettes et dépenses ?
La réponse interviendra le 19 novembre. Est-ce qu’il y aura une navette au Sénat pour faire un 49.3 ? Tout dépend du temps qui leur est nécessaire pour fabriquer une solution politique qui passe par 49.3 sans avoir derrière une motion de censure.
Propos recueillis par Sasha Verlei
Extraits de l’entretien avec Bernard Hamon dans le numéro 13 d’altermidi magazine qui sortira en décembre 2024.
Notes:
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• Le retour des crédits 2025 au niveau de 2024
• L’ajout de 1.5 M € pour le DLA (Dispositif local d’accompagnement)
• L’ajout de 400 000 € pour les têtes de réseau de l’ESS
• L’ajout de 3 M € pour les CRESS
• L’ajout de 300 000 € pour les PTCE (pôles territoriaux de coopération économique)
• La réalisation d’un « orange budgétaire » récapitulant chaque année l’ensemble des crédits attribués pour l’ESS
• A également été voté un amendement de LFI et du PS attribuant 2 M € à un fonds de conversion à l’ESS.