Bien manger et soutenir les filières locales

À la fin des années 90, le département de l’Hérault est l’une des premières collectivités territoriales à avoir prévu de relier la quasi-totalité de ses collèges à des unités de production culinaire. Au milieu des années 2010, il s’est lancé le défi de garantir la qualité de ses produits dans le cadre d’une politique de développement durable et de reterritorialisation des systèmes alimentaires.

Dans tous les collèges, le Département a mis en place une démarche de Haute Qualité Alimentaire (HQA) qui garantit la qualité des produits et l’équilibre nutritionnel. L’intégration de produits locaux et/ou biologiques dans les menus des collégien.ne.s est devenue depuis plusieurs années un savoir-faire pour le département de l’Hérault. L’action conduite favorise la reterritorialisation de l’alimentation et sa requalification, et plus largement la création de nouveaux liens entre villes et campagnes.

 

Entretien avec Mme Fereros, membre de l’équipe de direction de la restauration scolaire au Conseil départemental de l’Hérault

 

À quand remonte la mutation de la restauration collective vers le bio dans le département de l’Hérault ?

La direction de la restauration scolaire a entamé une réflexion sur la qualité depuis sept à huit ans. Le projet tel qu’il était formulé initialement visait à embrasser un champ étendu comprenant l’introduction des produits bios et le développement d’entreprises qui introduisent plus de durabilité dans les pratiques alimentaires. Nos besoins sont importants et diversifiés. Cela représente 33 lots de denrées et un marché global de 6 millions par an. Ce qui permet de soutenir des entreprises du territoire pour les aider à s’engager dans une dynamique locale et durable.

 

Quelles ont été les trajectoires des initiatives départementales ?

Nous avons mobilisé tous nos partenaires et nos réseaux autour de cet objectif dans le périmètre départemental, ou correspondant à l’ex-Languedoc-Roussillon, en privilégiant les circuits courts. Nous travaillons avec les chambres consulaires, la Direction de l’agriculture, le Marché d’intérêt national (MIN) de Montpellier… Nos denrées viennent des producteurs de fruits gardois, des éleveurs aveyronnais, de la criée d’Agde pour le poisson. Le Laboratoire départemental assure l’hygiène et la sécurité des aliments. Aujourd’hui, les deux tiers des collèges bénéficient de repas préparés dans l’une des cinq Unités de Production Culinaire créées par le Département. Ces UPC basées à Agde, Fabrègues, Lansargues, Puisserguier et Saint-Clément-de-Rivière fournissent 55 collèges. Les autres établissements disposent d’une cuisine autonome ou sont reliés à des lycées.

 

Cette action autour de la qualité alimentaire croise d’autres problématiques territoriales ; quels en sont les enjeux ?

Les enjeux fondamentaux de la reterritorialisation des systèmes alimentaires sont de privilégier des produits agricoles écologiquement sains et de réduire les distances entre production et consommation. Ils se conjuguent avec l’amélioration de la qualité des repas, la restauration des liens entre habitants et territoires et la contribution à l’économie locale. L’enjeu alimentaire concerne aussi la santé et la lutte contre le gaspillage.

 

Quelle place prend le prix dans votre politique d’achat ?

Le prix n’est pas le facteur essentiel. Nous disposons d’une grille d’analyse qui prend en compte l’environnement, le transport (l’état de la flotte), le traitement des sols, le délai production/livraison… En termes de coût, on constate que la législation peut être contradictoire avec la volonté d’utiliser des produits locaux. Dans les collèges, nous servons chaque jour 25 000 repas. Les familles peuvent bénéficier d’une aide à la restauration scolaire calculée en fonction du quotient familial. Le coût de revient d’un repas est 2 à 3 fois supérieur au prix de base qui est de 3,80 euros. À cet endroit, l’effort de la collectivité relève d’un choix politique.

 

Votre activité est encadrée par la loi dite EGAlim1 issue des États généraux de l’alimentation, votée il y a trois ans. Quel bilan faites-vous de cette loi ?

La loi EGAlim a renforcé notre volonté d’action. Elle poursuit le triple objectif de renforcer la qualité sanitaire et environnementale des produits, de payer les producteurs à un juste prix, et favoriser une alimentation saine et durable pour tous. Nous sommes en avance sur certaines exigences du texte qui impose au moins 50 % de produits durables (dont 20 % de produits bios) dans les restaurants collectifs à l’horizon 2022. Aujourd’hui, les 50 % de nos denrées sont issus de filières de proximité, durables, labellisées dont 30 % de bios. Nous proposons deux fois par semaine un repas végétarien sans contrainte, c’est-à-dire qu’il y a un double choix. On constate que de plus en plus d’élèves choisissent de ne pas consommer de viande. Nous souhaitons réduire les produits transformés à la portion congrue et envisager des remplacements. Actuellement, nous étudions les moyens de substitution aux contenants en plastique.

 

Menez-vous des actions de sensibilisation en direction des collégiennes et collégiens ?

Oui, une association de diététiciennes organise, en lien avec les unités de production culinaire, la découverte des produits. Des ateliers sont menés avec les élèves pour décliner les recettes. Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, nous mobilisons l’ensemble des acteurs concernés : les élèves, le personnel de la restauration, le gestionnaire et l’équipe pédagogique. Il faut allier sensibilisation et actions concrètes. Le collégien est acteur de son repas. Il se sert lui-même les quantités consommées.

 

Il ne manque pas de desserts ou de frites ces jours-là  ?

C’était la grande peur, celle que tout le monde se jette sur les frites et les pâtes. Je ne vous dis pas que cela n’arrive pas au début, mais très rapidement cela s’équilibre. Il faut aussi travailler pour favoriser un lâcher-prise chez les adultes qui peuvent avoir des idées préconçues. Les enfants se régulent très bien.

 

Quels points d’amélioration voyez-vous à l’action menée ?

La réussite de nos ambitions en matière d’alimentation durable ne peut qu’être le fruit d’une action collective. Essayer de répondre au mieux aux besoins, faire découvrir des produits alimentaires, proposer des repas qui plaisent et soient consommés. Il reste des équilibres à trouver. Nous devons améliorer notre offre sans oublier la notion première qui est de nourrir les enfants en respectant un tarif.

 

 

 

 

Notes:

  1. La Loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable » fixe l’objectif d’au moins 50 % de produits durables, notamment sous signe d’identification de l’origine et de la qualité (SIQO), dans les repas servis en restaurants collectifs à partir du 1er janvier 2022.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.