Le groupe Carrefour envisage de céder 47 magasins en « location-gérance », dont une dizaine d’hypermarchés. Le 17 avril, les salarié.es ont tenu à faire savoir leur opposition à ce projet qu’ils jugent hasardeux et dangereux.
Loué.es (non sans une certaine démagogie chez certains) pour leur investissement et leur présence au travail lors de la version dure du confinement au printemps dernier, les salarié.es de Carrefour ont tenu à faire savoir qu’ils n’étaient pas à louer dans le cadre d’une simple location-gérance. En effet, le groupe Carrefour prévoit de se séparer de 47 magasins en France, dont une dizaine d’hypermarchés. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, sont particulièrement concernés les « Carrefour contact » (des moyennes surfaces qui jouent le rôle de commerces de proximité) de Miramas (Bouches-du-Rhône) et Ollioules (Var) ainsi que l’hypermarché de Port-de-Bouc (13).
L’inscription « Héros du quotidien sacrifiés par Carrefour » affichée lors de l’action qui s’est déroulée le 17 avril à Port-de-Bouc pourrait se passer de commentaires. « Ils louent les murs et les salariés avec ! », s’indigne Franck Gaulin délégué syndical national CGT à Carrefour, « on est de la marchandise comme si les salarié.es ne représentaient rien alors que ce sont eux qui créent les richesses, non seulement de ce magasin mais aussi du groupe. Il faut que M. Bompard [PDG du groupe, Ndlr] comprenne que nos vies ne sont ni à vendre, ni à louer ».
Le responsable syndical évoque la perspective d’être « loués à un nouveau repreneur qui viendrait tenter une aventure commerciale dont on ne sait pas comment elle va finir ». Il est vrai que le secteur des moyennes et grandes surfaces a connu pas mal d’instabilité ces dernières années, avec notamment le changement de mains des magasins Dia.
« Tous perdants avec la location-gérance »
Pour Antony Sigonneau, syndicaliste à FO, les précédents ne sont pas de bon augure : « Il y a déjà des locations-gérances et les salariés n’ont pas pu conserver tous leurs avantages.» Avec le changement d’enseigne, les salarié.es craignent la perte de ce que Vanessa Bertrand, secrétaire du Conseil social et économique (CSE) de l’hypermarché de Port-de-Bouc, appelle « le peu d’avantages qu’on a réussi à acquérir au fil de ces années comme l’intéressement, la participation, la prime de vacances, la sixième semaine de congés ». Pour les salariés, cela compense, d’une certaine manière, la faiblesse des salaires. La décision du groupe est d’autant moins acceptée qu’« on est dans un groupe qui a annoncé récemment, par son PDG, avoir vécu en 2020 la meilleure année financière depuis 20 ans », souligne Franck Gaulin. « C’est comme ça qu’ils remercient les salariés qui se sont donnés corps et âme pour maintenir ce qu’il a osé appeler « le service public de l’alimentation », s’indigne le responsable syndical ».
La formule du PDG de Carrefour est d’ailleurs prise aux mots par le secrétaire général de la CGT 13, Olivier Mateu, qui précise que « la CGT porte la question de la nationalisation de la grande distribution ». « On sera tous perdants avec la location-gérance : clients et travailleurs », résume-t-il.
Dans un courrier adressé au ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, le député de la circonscription, Pierre Dharréville (PCF) rappelle que « l’entreprise Carrefour a touché de volumineuses aides publiques, elle a connu une année 2020 très profitable, elle a distribué des dividendes, elle a envoyé ses salariés au charbon au plus fort de la crise Covid… Elle a des comptes à rendre, des responsabilités à assumer. Et le minimum de transparence dans ce plan désastreux n’est pas au rendez-vous ». Pour le député, « le gouvernement doit mettre son nez dans les projets de Carrefour ». Le mouvement devrait s’étendre dans le département des Bouches-du-Rhône et au-delà.
J-F Arnichand