Deux syndicats, Alliance, majoritaire chez les gardiens de la paix, et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), majoritaire chez les CRS, ont fait savoir mardi qu’ils ne participeraient pas au « Beauvau de la sécurité » voulu par le président en janvier.


 

Pour équilibrer la position univoque en faveur des forces de l’ordre de son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, Emmanuel Macron a cherché à adoucir le ton lors de son long entretien à Brut, le 4 décembre.  Lors de cet entretien fleuve, les deux phrases qui admettent l’existence de « violences policières » ainsi que la réalité des contrôles au faciès, ont courroucé une partie des policiers. Une grogne alimenté par le syndicat Alliance qui demande aujourd’hui le « soutien inconditionnel du gouvernement ».

Cette organisation syndicale, qui ne décolère pas depuis dix jours, appelle ses troupes à ne plus agir sur initiative (à n’intervenir que sur appels radio, donc), à multiplier les « contrôles routiers préventifs », avec distribution d’un tract, « Ni raciste, ni violent, juste gardien de votre paix », et à déposer des demandes de rupture conventionnelle.

« C’est une forme de chantage au gouvernement : “Si vous ne nous soutenez pas, on ne vous soutiendra plus lors des prochains mouvements sociaux” », décrypte un commissaire parisien, non syndiqué. On peut d’ailleurs noter le silence des directions de police  qui sont loin de partager pleinement les orientations gouvernementales.

Pas de relais non plus dans les médias des positions du Syndicat PN intérieur CGT dont la position se distingue. L’organisation s’est notamment prononcée pour le retrait du projet de loi sur la « Sécurité Globale ».  » L’État a décidé de se couper de la police républicaine au profit d’un service de sécurité mercantile et servile et surtout bien éloigné des fonctions régaliennes de l’État (…) Nous voulons répondre aux besoins et servir sans cesse les yeux dans les yeux avec nos contradicteurs comme avec l’immense majorité des français qui nous respectent et nous estiment. »

Le président de la République a bien tenté de répondre aux représentants syndicaux des policiers, exprimant le 7 décembre « son soutien à ceux qui (…) nous protègent et garantissent nos libertés » mais rien n’y fait. La tension ne redescend pas.

Peut-être parce que le chef de l’État a choisi de formuler cette réponse dans une lettre envoyée non pas aux syndicats en général, mais au seul Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP-Police FO-FSMI1. Une organisation réformiste arrivée en tête aux dernières élections professionnelles de 2018 (34,44 %), juste devant… le syndicat Alliance (31,84 %). Un véritable camouflet pour ce dernier qui reste majoritaire chez les gardiens de la paix.

 

Alliance veut imposer le floutage des forces de l’ordre

 

Ces derniers temps, la guerre entre les deux syndicats s’est ravivée. Mardi 15, la médiatique déléguée générale d’Unité, Linda Kebbab, a dénoncé « les comportements de voyous » des représentants d’Alliance, qu’elle accuse d’être à l’origine de harcèlements, dans une vidéo sur le réseau social Instagram.

Ces passes d’armes risquent de faire capoter, avant même son lancement prévu en janvier, le « Beauvau de la sécurité » voulu par Emmanuel Macron pour débattre de l’avenir de la police. Toujours aussi peu soucieux des corps intermédiaires, le chef de l’État avait fait le choix de l’annoncer dans sa lettre adressée à Yves Lefebvre. Du coup : « Le syndicat Alliance ne participera pas au Beauvau de Macron », a confirmé son délégué général, Frédéric Lagache.

Les représentants d’Alliance ont tout de même annoncé qu’ils se rendraient vendredi 18 décembre au ministère de l’intérieur pour des réunions de préparation du « Beauvau ». Mais le syndicat fixe des préalables : « ce qu’on demande, c’est la mise en place de peines planchers [pour les auteurs d’agressions de policiers – NDLR], d’un observatoire pour suivre ces peines et le floutage des forces de l’ordre », explique Frédéric Lagache.

Du côté d’Unité SGP-Police-FO, la volonté est plutôt de formuler des priorités pour janvier : l’encadrement (davantage de brigadiers-chefs et de majors), de nouvelles perspectives de carrière, la mise en place d’une formation continue qualifiante, l’augmentation des effectifs de CRS… « On souhaite aussi redonner un sens au métier de policier, et travailler sur le rapprochement police-population », explique son secrétaire général, Yves Lefebvre.

Des rencontres ont lieu au ministère de l’Intérieur ce vendredi 18 décembre. Alors que la France est plongée dans un débat houleux sur les violences policières et que le large mouvement citoyen des opposants à la loi « Sécurité globale » a programmé de se reformer en janvier 2021.

Jean-Marie Dinh avec AFP

Notes:

  1. SGP-Police FO-FSMI : Syndicat général de la police-Force ouvrière-Fédération de syndicats du ministère de l’Intérieur
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.