illustration article contre l'extension de l'aéroport Marseille Provence
Les associations de défense de l’environnement ont déposé un recours auprès de la Préfecture

 


Pour délivrer le permis de construire de l’extension de l’aéroport Marseille Provence, le préfet s’est appuyé sur l’avis favorable du commissaire enquêteur, qui souligne que seul le projet « Cœur d’aérogare » a été pris en compte dans sa décision. Dubitatives, les associations de défense de l’environnement ont déposé un recours gracieux en Préfecture et lancé une pétition.


 

Chaussés de bottes et les pieds dans l’eau du bassin situé devant la Préfecture de Marseille (pour symboliser la montée des eaux liée au dérèglement climatique), des militants de Greenpeace Marseille, Alternatiba, Attac Marseille, Les Amis de la Terre Provence et France Nature Environnement, ont tenu une conférence de presse pour annoncer qu’elles ont déposé un recours gracieux contre le permis de construire de l’extension du Terminal 1, accordé par le préfet le 4 décembre.

Quelques semaines plus tôt, le commissaire enquêteur avait rendu un avis positif pour le réaménagement du Terminal 1, suite à une enquête publique motivée par la demande d’un permis de construire de la société Aéroport Marseille Provence. Ce projet, appelé « Cœur d’aérogare », d’une surface de 19 112,5 au plancher et d’un montant de 140 millions d’euros, prévoit de relier les halls A et B, de rassembler plusieurs fonctions opérationnelles, particulièrement différentes directions, de proposer davantage de services et de restaurants, d’améliorer la qualité du service, et enfin, de se mettre en conformité avec la réglementation sur la sécurité, spécialement le tri des bagages qui impose de nouveaux équipements 3D dès 2022.

Pour comprendre cette décision il faut revenir à l’origine. Cette extension s’inscrit dans un projet beaucoup plus vaste porté par Aéroport Marseille Provence (AMP), société concessionnaire de l’aéroport détenue à 60 % par l’État, 25 % par la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence (CCIMP) et à 15 % par des collectivités territoriales. L’ambition d’AMP est de lancer un grand plan d’investissement de 500 millions d’euros en 10 ans « pour répondre à l’augmentation du trafic mondial et au développement de l’offre de destinations au départ de Marseille-Provence. L’aéroport pourra accueillir dans les meilleures conditions de sécurité et de confort 12 millions de passagers attendus en 2025 », peut-on lire dans le dossier de presse du site internet. Plusieurs tranches sont prévues, la première comprend deux phases : l’extension du T1 ainsi que la réfection et le repositionnement des voies de circulation avion (appelées taxiways). La deuxième tranche, dont le début est fixé en 2027, prévoit la construction d’une jetée d’embarquement « pour accueillir 12 millions de passagers et des avions gros porteurs », et le réaménagement des aires d’avion ainsi que la création de nouveaux parkings d’avions. L’objectif est ambitieux : « Être la référence des aéroports régionaux européens par la qualité des services rendus aux clients et l’excellence opérationnelle. » Le périmètre global et le montant des travaux imposent donc une évaluation environnementale — ou étude d’impact — et une enquête publique.

Mais ce plan d’investissement se situait avant la crise sanitaire, au moment de la demande de permis de construire, en mai 2019. Entretemps, la pandémie liée à la covid-19 a entraîné une baisse notable de la fréquentation des aéroports, avec un trafic aérien qui ne devrait pas revenir à son niveau antérieur avant 2025, renvoyant de ce fait les projets de réaménagement aux calendes grecques. La décision n’a donc été fondée que sur l’extension du T1, comme le précise le commissaire enquêteur : « De fait, le Cœur d’aéroport pourrait être considéré, après la crise sanitaire, comme un projet sans lien avec les autres phases du projet d’ensemble dont la réalisation devient maintenant hypothétique, avec des dates de réalisation impossibles à prévoir valablement aujourd’hui. » Le périmètre de l’enquête ayant été réduit, celle-ci est allée, selon lui, « au delà de la procédure applicable ».

Effectivement, en faisant ce choix le commissaire rend caducs deux aspects importants. D’une part l’enquête environnementale qui a émis plusieurs critiques, notamment l’absence lors du dépôt du permis d’un Schéma de composition générale, obligatoire pour une telle demande. D’autre part elle pointe les manques en matière d’études sur les émissions de gaz à effet de serre, les nuisances sonores, les risques sanitaires tels que l’impact dans les sols.

 

L’enquête publique met en évidence que la grande majorité des contributions rejette le projet

 

Des manquements qui sont également relevés via les commentaires recueillis dans l’enquête publique. 607 contributions sur 849 (soit 71,5 %) vont dans le sens de la réduction du trafic aérien en raison des émissions de gaz à effet de serre et considèrent que le projet « est contraire aux accord de Paris conclus lors de la COP21, à la Stratégie Nationale Bas-Carbone, aux recommandations du Haut Conseil pour le Climat ou à celles de la Convention Citoyenne pour le climat », d’après le rapport.

Mais le commissaire enquêteur a balayé ces deux aspects au prétexte qu’ils n’ont pas lieu d’être considérant que seule l’extension qui fait l’objet de son rapport n’aurait pas été soumise à l’évaluation environnementale ni à l’enquête publique. Concernant les problèmes de réchauffement climatique liés aux avions, il reprend même l’argument — très discutable — de l’aéroport en écrivant : « AMP rappelle, à juste titre, que c’est de la compétence de l’État de mettre en place les mesures de restriction du trafic aérien. »

Pour Greenpeace Marseille, Attac Marseille, Alternatiba, Les Amis de la Terre Provence et France Nature Environnement, cette séparation artificielle entre l’agrandissement du T1 et la construction d’une jetée d’embarquement est contestable. Le risque, selon eux, d’aggraver à terme la pollution de l’air reste réel, l’extension du T1 n’étant que la première phase d’un projet beaucoup plus vaste d’augmentation du nombre des voyageurs, et par conséquent du trafic aérien. Les défenseurs de l’environnement rappellent que l’État a déjà été condamné pour dépassement des valeurs limites par la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2019 et par le Conseil d’État en juillet 2020.

Plus récemment, le jugement du tribunal administratif de Paris dans le cadre de « L’Affaire du Siècle » a considéré que l’État doit respecter les objectifs qu’il s’est lui-même fixé en matière de réduction de gaz à effet de serre. La convention citoyenne pour le climat préconise également l’arrêt des extensions aéroportuaires.

Les associations de défense de l’environnement considèrent donc que cet avis comme le projet en entier est « véritable non-sens climatique et social », alors que le travail en commissions sur la loi Climat et résilience vient de débuter à l’Assemblée nationale.

Elles soulignent également que c’est en grande partie de l’argent public qui va être injectée dans cette extension, un investissement qu’elles jugent non pérenne : « Comment justifier que les 140 millions d’euros en jeu ne soient pas plutôt consacrés à la rénovation énergétique des logements régionaux ou à l’amélioration de la desserte ferroviaire touristique du territoire ? Cette responsabilité de l’État doit également se concrétiser en actions pour la réduction et l’atténuation des effets du dérèglement climatique à l’échelle locale. » Enfin, poursuivent-elles, « le permis délivré n’a pas été conditionné à la réalisation du Schéma de composition générale, document de planification qui aurait dû être finalisé avant le lancement de ce projet, a fortiori dans le contexte de bouleversement des prévisions de trafic ».

Il reste encore un mois au préfet pour examiner le recours gracieux déposé par les différentes organisations. Suivant la décision, elles examineront toutes les opportunités pour contester en justice. En attendant, elles ont lancé une pétition en ligne contre cette extension.

                                                                                                          Nathalie Pioch

 


Lire le Rapport du commissaire enquêteur (Pdf) : https://www.bouches-du-rhone.gouv.fr/content/download/39176/222273/file/CONCLUSIONS%20sign%C3%A9es%20.pdf

Pétition : https://agir.greenvoice.fr/petitions/non-a-l-extension-de-l-aeroport-marseille-provence-ce-projet-est-un-non-sens-climatique-et-social


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Reprend des études à chaque licenciement économique, ce qui lui a permis d'obtenir une Licence en Histoire de l'art et archéologie, puis un Master en administration de projets et équipements culturels. Passionnée par l'art roman et les beautés de l'Italie, elle garde aussi une tendresse particulière pour ses racines languedociennes.