Le président (PS) du conseil départemental de l’Hérault aurait annoncé, lundi 27 janvier, lors d’une réunion avec les vice-présidences, une coupe de 100 % du budget alloué à la culture, rapporte Libération. Alors qu’un vent de panique se lève chez les acteurs culturels et au-delà, Kléber Mesquida précise le contexte des suppressions budgétaires en réponse à l’article paru.
Cette annonce, pas encore officielle, laisse pantois. La situation budgétaire tendue de la collectivité qui subit le désengagement de l’État n’explique pas tout. On ne peut en effet rompre avec la culture sans rompre avec la relation qui existe entre les cultures régionales et le développement économique. Le maintien de la dimension culturelle s’inscrit au cœur de l’activité économique, notamment dans l’entreprise et dans les territoires. On sait par ailleurs que les cultures régionales parviennent à enrichir la sphère économique pour construire une culture territoriale du développement.
Qu’est-ce qui aurait bien pu pousser le Président Kléber Mesquida à tailler à la hache dans le secteur de la culture, essentiel à l’attractivité touristique — activité principale avec l’agriculture du PIB départemental — et prisé par les héraultais.e.s ? Contacté, le cabinet de la présidence du Département ne donne, pour l’heure, pas suite à notre question. À terme, une telle décision verrait disparaître des centaines d’emplois, salariés du secteur culturel et intermittents qui se retrouveraient allocataires du RSA, et donc à la charge du département.
Certes, la culture ne relève pas des compétences obligatoires des départements, mais au cours de plusieurs décennies celle-ci s’est enracinée dans l’Hérault avec le soutien sans faille des présidents Saumade puis Vezinhet. Ainsi Kléber Mesquida, qui fêtera cette année ses 10 ans de présidence, a hérité d’un réseau d’acteurs culturels, d’associations, de festivals et de collectifs efficaces dans les zones les plus reculées. Même si l’on disait le président naturellement plus porté sur le réseau routier et le BTP que sur l’offre culturelle, celui-ci a tenté, lors de son premier mandat, de faire vivre la culture à partir des deux principales vitrines culturelles héraultaises que sont le Domaine d’O à Montpellier et Sortie Ouest devenu la Scène de Bayssan à Béziers.
Mais dès 2016 les difficultés ont vu le jour. Contraint par la loi NOTRe au transfert de la compétence culturelle sur le territoire de la Métropole de Montpellier, les négociations ont achoppé durant des mois dans un contexte financier et social très tendu, impactant durablement l’avenir de la politique culturelle départementale. Le Domaine D’O a été séparé en deux, le maillage culturel du territoire s’est organisé autour de plusieurs festivals comme Saperlipopette, Arabesques et le Printemps des Comédiens. Mais le vœu d’inscrire l’ensemble de ces structures dans un projet global n’a pas fonctionné et la volonté politique de Kléber Mesquida de poursuivre une action, unanimement reconnue pour sa qualité, s’est émoussée.
La coupe potentielle de 100 %1 du budget alloué à la culture par le département de l’Hérault a fait l’effet d’une bombe. Localement le fait de supprimer d’un revers de manche ce budget estimé entre 5 et 6 millions d’euros paraît relever d’une décision incompréhensible. Les médias nationaux la comparent aux mesures radicales pratiquées par la droite musclée et le RN. Même si on ne peut soupçonner la moindre accointance du président socialiste à cette idéologie, l’incidence d’une telle décision, si elle est confirmée, risque de s’avérer économiquement et politiquement désastreuse.
« L’Hérault sera le seul département de France qui consacrera zéro centime à la culture dès 2025 », souligne Libération.
Vent de panique chez les acteurs culturels
Cette prise de position soulève un vent de panique chez les acteurs culturels, artistes et lieux de diffusion dont beaucoup sont déjà dans le rouge. Dans le domaine culturel, le Département a soutenu près de 400 associations et collectivités en 2024 à travers des actions comme le développement de l’éducation musicale. Il intervient également en soutien aux festivals (Arabesques, les Folies d’O et le Printemps des Comédiens) proposés au Domaine d’O, via une subvention annuelle versée à la Métropole de Montpellier. Il participe à la préservation des mémoires et du patrimoine de l’Hérault. La saison culturelle de Bayssan, l’opération « Lire à la mer » figurent aussi comme les potentielles victimes de cette décision. On pourrait s’attendre également à une montée en puissance des syndicats et des collectifs, d’acteurs culturels et de spectateurs, s’accordant sur la nécessité démocratique d’une vraie politique culturelle.
Lors de la préparation du budget, le président Kléber Mesquida a annoncé vouloir se recentrer sur les compétences obligatoires du Département, comme les missions sociales, les collèges ou les routes départementales, mais l’effacement de la politique culturelle nuirait au pilotage opérationnel de sa politique globale qui souffrirait dès lors de nombreuses lacunes. Si la décision de couper 100 % du budget alloué à la culture dans l’Hérault s’avère maintenue, la question est de savoir dans quelles conditions va s’organiser la résistance. En attendant, un grand nombre d’incertitudes artistiques, économiques et politiques pèsent sur le département.
Jean-Marie Dinh
Au moment de boucler cet article, la réponse de Kléber Mesquida tombe dans notre boîte rédaction. Le président du conseil départemental de l’Hérault explique le contexte dans lequel il entend opérer des réductions budgétaires et infirme notamment la suppression total du budget de la culture.
Réponse à l’article de Libération du 28 janvier 2025.
À la lecture de l’article sur le site de Libération du 28 janvier, il est relaté des suppressions budgétaires.
Je rappelle le contexte :
Fin 2024 la situation budgétaire du Département, comme celle de 29 autres départements français, a été particulièrement dégradée par une baisse très conséquente des dotations de l’État à quoi s’ajoutent les décisions de l’État entraînant des charges budgétaires pour un total de 51 M€. De plus, nous avons subi une forte chute des Droits de Mutation à Titre Onéreux (52 M€).
Cet impact global est de 103 millions d’euros pour l’Hérault.
Nous préparons actuellement le budget 2025 qui nécessitera pour son équilibre un recours très important à l’emprunt, de l’ordre de 140 millions d’euros.
Si nous sommes dans l’obligation de faire appel à des prêts pour pouvoir financer nos propres investissements qui sont engagés, notamment les grands chantiers routiers et les deux collèges en cours de construction (Juvignac et Maraussan), nous ne pourrons pas lancer d’opérations nouvelles.
À la clôture de l’exercice budgétaire 2024, nous ne sommes pas en mesure de dégager de l’autofinancement suffisant et nous serons donc conduits en 2025 à emprunter pour rembourser une partie du capital des emprunts (section d’investissement), ce qui alourdira fortement notre endettement.
Nous ne pourrons donc pas emprunter pour pouvoir accorder des subventions d’investissement aux collectivités locales.
En fonctionnement, dans le cadre de nos compétences obligatoires, nous maintiendrons que les financements pour la lecture publique et médiathèques, les écoles de musique, les actions dans les MECS2 et les EHPAD3, ainsi qu’à l’EPIC4 du Domaine d’O (3,1 M€) (hors festivals) et l’EPA5 Hérault Culture (2 M€).
Par ailleurs, nous sommes régulièrement et directement sollicités par les organismes ou associations qui habituellement bénéficient de subventions diverses du Département.
Je rappelle qu’il est strictement interdit d’emprunter pour augmenter les recettes de la section de fonctionnement afin d’accorder des subventions et que nous ne pouvons pas y donner suite.
En conséquence, nous avons dû supprimer certaines actions. Cependant, comme il est souligné dans l’article que le Département de la Haute-Garonne avait réduit son budget culture de 50 %, dans l’Hérault cette baisse est de 48 %.
De son côté, la Région Occitanie nous a déjà annoncé la suppression de 100 000 € de subvention pour notre programmation culture et nous le comprenons puisqu’elle aussi subit des restrictions budgétaires.
À noter que ce que doit l’État au département de l’Hérault, dans le cadre des « restes à charge » des aides à la personne, équivaut chaque année à 20 ans du budget culture du Département !
Concernant le dispositif de prêt qui se pratiquait à travers « Hérault Matériel Scénique », ces matériels ont été transférées gratuitement aux intercommunalités qui en ont dorénavant la gestion de prêts.
Enfin, je souhaiterais que la presse, qui stigmatise systématiquement les collectivités, souligne fortement la défaillance de l’État dans sa gestion erratique depuis 7 ans et qui a conduit le pays dans le chaos budgétaire.
CES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SONT ASPHIXIÉES PAR L’ÉTAT !
Kléber MESQUIDA
Notes:
- Cette réduction de financements ne serait toutefois pas de 100 %, comme le mentionne l’article de Libération diffusé mardi, mais de l’ordre de 48 %, a précisé la collectivité.
- MECS : Maison d’enfants à caractère social
- EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
- EPIC : Établissement public à caractère industriel et commercial
- EPA : Établissement public administratif