Ça s’en va et ça revient… François Bayrou prend la relève de Michel Barnier sur le dossier Projet de loi finances 2025. Le Premier ministre, sans vraiment développer le sujet, a annoncé des « économies importantes » pour faire baisser le « surendettement » de la France dans le but de trouver 50 milliards d’euros pour tenter de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025. Le budget sera réparti entre 21 milliards de hausses d’impôts d’un côté et 32 milliards d’économies de l’autre.


 

Collectivités

La contribution demandée par le gouvernement aux collectivités pour réduire le déficit public est fixée à 2,2 milliards d’euros en 2025, contre 5 milliards prévus auparavant. Le gel de la dynamique de la TVA affectée aux collectivités, cette mesure représentant un impact de 1,2 milliard d’euros pour les collectivités locales, est maintenu.

ESS

Cette contribution, toujours trop importante, va fortement toucher le secteur de l’Économie sociale et solidaire (ESS), surtout dans le domaine de la petite enfance, les collectivités coupant déjà drastiquement dans leurs dépenses, souligne l’Udes, l’organisation patronale de l’ESS.

ESS France déclare avoir obtenu plus de visibilité et de transparence pour les moyens publics dédiés à son secteur grâce au rapport Orange budgétaire voté au Sénat en annexe au projet de loi de finances. Ce rapport devra présenter et rassembler l’ensemble des moyens dédiés à la politique de l’Économie sociale et solidaire de l’État et des collectivités territoriales, jusque-là difficilement traçables car dispersés en de nombreux programmes.
ESS France appelle le gouvernement et les parlementaires à conserver dans le texte final du PLF 2025 « l’augmentation des crédits initialement menacés de l’action Économie sociale et solidaire et responsable du programme 305 « Stratégies économiques », victoire obtenue difficilement en décembre dernier ». Aucune autre indication sur le montant des crédits attribués à l’ESS n’est donnée par ESS France.

Entre autres taxes

Les grandes entreprises seront mises à contribution, notamment avec une surtaxe d’impôt pour un gain estimé à 8 milliards d’euros. Il n’y aura pas de hausse du prélèvement forfaitaire unique (FTU) sur les revenus du capital, mais la taxe sur les transactions financières de 0,3 % devrait passer à 0,5 %.

La taxe sur les billets d’avion est maintenue, la diminution des allègements de charges aux entreprises aussi.

Sport

Au lendemain des JO, le gouvernement Bayrou décide d’accroître drastiquement les coupes budgétaires dans les dépenses du sport (89,2 millions d’euros, pour la mission jeunesse et vie associative et 34,3 millions d’euros pour la mission sports qui s’ajoutent à une baisse de 273 millions d’euros des dépenses en faveur du sport inscrite dans le projet de loi de finances initial, 85 millions dus à la fin des JO inclus).
Si ces coupes drastiques ont été rejetées par les sénateurs qui ont supprimé le service national universel pour reverser 80 des 100 millions d’euros économisés sur les crédits du sport, le budget dédié à ce secteur risque tout de même d’être sérieusement amputé.

Culture

Quant au secteur culturel, il perd, en sus de l’ajustement de 100 millions d’euros décidé en décembre par le précédent gouvernement, 50 millions d’euros pour 2025 ce qui porte le budget global de la Culture à 4,45 milliards d’euros.
Une réduction de 35 millions d’euros a été votée par le Sénat pour le dispositif du Pass Culture, qui offre 300 euros aux jeunes pour leurs achats culturels.
L’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France…) va devoir faire des économies supplémentaires de 80 millions d’euros.
Ces coupes s’ajoutent à la réduction importante des dépenses culturelles appliquées actuellement par de nombreuses collectivités locales. En région Pays de Loire, la présidente, Christelle Morançais (Horizons – Aimer et Agir pour les Pays de la Loire), a annoncé un plan d’économies de 100 millions d’euros sur le budget 2025, soit 60 millions de plus que ce que demandait le gouvernement avec 73 % de coupes dans le budget de la culture, 74 % pour le sport, et 90 % pour l’égalité femme-homme.

Plan France 2030

Le gouvernement a fait adopter jeudi 16 janvier au Sénat une diminution de plus d’un demi-milliard d’euros (535 millions d’euros) des crédits alloués au plan France 2030 pour le ramener à 5,3 milliards d’euros en 2025. Le plan France 2030, lancé en 2021, prévoit au total 54 milliards d’euros étalés sur plusieurs années pour que les entreprises de secteurs clés allant de la santé à l’espace en passant par l’énergie, l’automobile ou l’aéronautique, les universités et organismes de recherche puissent « répondre aux défis écologiques et d’attractivité tout en faisant émerger de futurs leaders ».

Défense

Comme le prévoit la Loi de programmation militaire, le budget de l’armée française pour 2025 s’élève à 50,5 milliards d’euros hors pensions, soit une augmentation de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2024, « des ajustements pourraient être nécessaires en raison des coûts imprévus des opérations extérieures ».

L’accord de non-censure avec le PS

Un accord de non-censure, acté par un courrier de François Bayrou adressé aux présidents des groupes socialistes à l’Assemblée et au Sénat (voir lien) a été conclu avec les socialistes qui ont obtenus notamment :

  • la promesse de la non-suppression de 4 000 postes d’enseignants (suppression annulée par amendement voté à la Commission des finances de l’Assemblée en octobre 2024 lors de l’examen du texte initial) et l’annonce de la création de 2 000 postes d’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) « pour poursuivre la dynamique de l’école inclusive ».
    François Bayrou a précisé qu’il y avait « un gros travail à faire sur l’attractivité » car « les postes que nous mettons au concours, nous n’arrivons pas à les remplir ». En effet, ces postes aux conditions de travail difficiles n’attirent pas car ils sont mal rémunérés.
  • François Bayrou renonce aux trois jours de carence des fonctionnaires.
    Par contre, l’indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires pourrait passer de 100 % à 90 % comme le prévoit un amendement du gouvernement au projet de budget de l’État, adopté récemment par le Sénat acquis à la droite.
  • Le premier ministre confirme qu’il n’y aura aucune augmentation du ticket modérateur sur les médicaments et les consultations médicales. Pour rappel, celles-ci ont déjà augmenté, la consultation chez un généraliste est passée de 26,50€ à 30 €. Certaines spécialités ont fait l’objet de revalorisations le 22 décembre 2024 et une seconde devrait intervenir le 1er juillet 2025. Les franchises médicales ont fait l’objet de revalorisation en mars dernier.
    Ces mesures se répercutent in fine sur les mutuelles qui compensent par une augmentation conséquente de leurs contrats en 2025.
  • L’exécutif s’engage à augmenter le budget de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) de 3,3 % au lieu de 2,8 % prévu initialement pour « permettre la poursuite des recrutements nécessaires pour rouvrir des lits » et un fonctionnement « moins dégradé des services hospitaliers ».
  • Et promet d’annuler la suppression annoncée de 500 postes au sein de l’opérateur France Travail.
  • Le plan eau sera majoré de 475 millions d’euros.
  • Il n’y aura ni gel ni suspension de la réforme des retraites, l’exécutif proposant une nouvelle discussion avec les partenaires sociaux sur le sujet.
  • L’AME, dispositif qui facilite l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, est toujours remise en question.

Huit non-alignés, députés du PS, (Fatiha Keloua Hachi, Claudia Rouaux, Philippe Naillet, Paul Christophle, Iñaki Echaniz, Pierrick Courbou, Alain David et Peio Dufau) se sont opposés à cet accord en votant la motion de censure (celle-ci a été votée par 131 députés).
Les députés évoquent le « préalable indépassable sur les retraites », un grand flou dans la copie rendue par le Premier ministre, d’autres aspects du discours de politique générale de François Bayrou, notamment au sujet de l’immigration, la question du budget et des finances, le « rien » en matière de services publics, de transition écologique, de vie chère, ou sur la crise du logement, mais aussi les « signaux préoccupants » côté casting, avec « le retour de figures comme Valls, Borne, Darmanin et Retailleau au gouvernement. »

Mathilde Panot, députée de La France insoumise et du Nouveau Front Populaire explique que les socialistes ont déposé 23 demandes auprès de Mr Bayrou. Sur ces 23 demandes, 8 ont déjà été négociées positivement avec Mr Barnier. 11 demandes ont été obtenues par la discussion parlementaire ou la censure comme la revalorisation des pensions sur l’inflation au 1er janvier.
Il reste donc 4 demandes qui représentent 439 millions d’euros, selon Éric Coquerel, député LFI et NFP et président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
La députée souligne que par rapport au budget 2004, il y a toujours moins 2,5 milliards sur la question écologique, moins 2,8 milliards sur la mission de travail.
LFI et le NFP s’oppose à l’orientation politique du gouvernement, qui dit-elle, préfère prendre de l’argent « aux fonctionnaires, aux chômeurs, aux malades et aux plus précaires » qui n’ont pas à payer une politique qui depuis des années « vide les caisses de l’Etat, notamment avec 200 milliards donnés sans contrepartie aux grands groupes… »

Nouvelles propositions de mise à contribution des travailleurs et retraités

La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a proposé mardi de faire contribuer certains retraités qui « peuvent se le permettre » au financement de la Sécurité sociale. Selon Matignon, cette mesure serait « une position personnelle » .
Elle arrive en complément de la mesure votée par le Sénat qui impose à tous les actifs sept heures de travail en plus par an, sans rémunération, pour renflouer la Sécurité sociale.

Coupes supplémentaires

De plus, le gouvernement annonce des coupes supplémentaires sur tous les ministères : 600 millions sur la recherche, 800 millions d’euros sur l’aide au développement, plus d’un milliard sur le logement et sur l’écologie…

Parcours parlementaire : les mêmes et on recommence

Le Premier ministre appelle à « adopter sans tarder » les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.

Les sénateurs avaient repris mercredi 15 janvier l’examen du PLF 2025 là où il avait été interrompu par la censure du gouvernement Barnier.
La chambre haute, acquise à la droite, a voté jeudi sans surprise le texte revisité et dépouillé des concessions accordées aux socialistes. La majorité des mesures a été rejetés par les sénateurs LR, notamment le rétablissement des 4 000 postes d’enseignants, de 500 postes pour France Travail et la création de 924 postes pour le ministère de la Justice.

Le projet de loi finances 2025 (PLF 2025) sera soumis le 30 janvier à la commission mixte paritaire (CMP) — sept sénateurs et sept députés — qui devra trouver une version de compromis amendée par le gouvernement qui pourrait réintégrer les mesures accordées au PS.
Si un accord intervient, le texte ira aux deux chambres pour un dernier vote, l’utilisation du 49.3 par François Bayrou n’étant pas exclue si l’Assemblée nationale s’oppose à ce budget ; une nouvelle motion de censure devrait être proposée dans la foulée.

Le budget de la Sécurité sociale sera réexaminé à l’Assemblée nationale à partir du 3 février.

Sasha Verlei

Mise à jour du 28/1/2025

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.