En France, les descendants d’immigrés non européens se sentent plus souvent discriminés que la génération antérieure. Un écart qui ne se retrouve pas pour les autres origines et montre la persistance des discriminations raciales.
Objectiver le racisme et les discriminations raciales n’est pas chose aisée en France, où le projet d’un universalisme républicain privilégie les déterminants socio-économiques sur les questions raciales. Sur le plan statistique, l’enquête Trajectoires et Origines, produite par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), représente une source précieuse — car rare — pour saisir ces phénomènes. Sa deuxième édition, dix ans après la première, a été menée en 2019 et 2020. Le Portrait social, livré par l’Insee fin novembre, en restitue un aspect intéressant.
France, portrait social – Édition 2024
Cet ouvrage rassemble trois analyses des discriminations ressenties et vécues par différents groupes de personnes. Par ailleurs, deux dossiers analysent le niveau de vie des ménages en 2023, année encore marquée par une forte inflation. Enfin, une quarantaine de fiches synthétiques dressent le panorama social de la France.
Le sentiment de discrimination persiste à la deuxième génération
Odile Rouhban, Pierre Tanneau (Insee), Patrick Simon (Ined)
En 2019‑2020, un quart des immigrés comme de leurs descendants déclarent des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années. Les immigrés nés hors d’Europe sont plus nombreux à en rapporter (26 %) que ceux nés en Europe (19 %). L’écart s’accentue à la génération suivante : les descendants d’immigrés nés en Europe déclarent moins de discriminations que la première génération (‑6 points), alors que les descendants d’immigrés nés hors d’Europe en signalent nettement plus (+8 points). Si cet écart est en partie lié à des différences de caractéristiques sociodémographiques entre générations (comme l’âge ou le niveau de diplôme), ces dernières n’expliquent que 40 % de cette hausse pour les descendants d’immigrés non européens, et une part résiduelle de la baisse des discriminations vécue par les descendants d’immigrés européens.
L’exposition aux discriminations diffère dès l’enfance : 19 % des descendants d’immigrés non européens rapportent des traitements discriminatoires à l’école, contre 8 % des descendants d’immigrés européens. Par rapport à ces derniers, ils sont par ailleurs deux fois plus nombreux à avoir été la cible de racisme au cours de leur vie.
Enfin, parmi les descendants d’immigrés non européens, plus de 29 % estiment qu’on ne les « voit pas comme des Français », contre moins de 8 % des descendants d’immigrés européens ; on leur demande également beaucoup plus souvent « d’où ils viennent ». Ce renvoi plus fréquent à leurs origines contribuerait à expliquer pourquoi leur vécu discriminatoire est plus fort.
Insee portrait social de la France édition 2024 version imprimable ici