Anéantissement total du seul hôpital Kamal Adwan encore fonctionnel au Nord de Gaza, dans le silence assourdissant de toute la communauté internationale.


 

Comment avons nous pu encore laisser faire cela ? Cette question est lancinante depuis près de 15 mois. Qui peut y répondre ? Est-ce que le silence de la communauté internationale grandit en proportion des atrocités commises par Israël, preuves à l’appui, dans une normalisation à la vue de toutes et tous ? Le 22 décembre une alerte « Sauvons l’hôpital Kamal Adwan » a été envoyée en direction de tous les médias et des attaché.e.s parlementaires français : pratiquement aucune répercussion notable de cette alerte ! Le 28 décembre par contre, à l’occasion de tous les flashs d’information sur France inter et France Culture, on entendait la destruction actée de l’hôpital Kamal Adwan. C’était fait, on savait que ça allait arriver, mais personne n’avait relayé l’urgence de ce désastre. En revanche la destruction totale, ça oui, on relaie ! Cela pose une question essentielle sur l’information et sur nos politiques, en vacances de Noël, quand l’innommable se produit sous nos yeux.

Il faut sans doute reprendre le fil des évènements dans la destruction de cet hôpital pour essayer de comprendre notre apathie généralisée. Depuis plus de 80 jours l’armée israélienne a mené une campagne militaire féroce qui a causé la mort de plus de 4 800 Palestiniens et des milliers de blessés, dans le cadre d’une opération de nettoyage ethnique et de génocide ciblant le nord de la bande de Gaza. Nous en avions parlé dans un récent article avec les opérations militaires correspondant à la mise en pratique du « Plan des généraux », à savoir vider le Nord de la bande de Gaza de toute sa population. Ci-dessous le message d’alerte envoyé par le médecin directeur de cet Hôpital le 21 Décembre 2024.

Le 21 décembre, le docteur  Hussam Abu Safia de l’hôpital Kamal Adwan dans le nord de la bande de Gaza lançait un appel de détresse : « les patients et nous sommes en train de mourir de faim. » Le ministère de la santé de Gaza confirmait : « l’occupant a lancé une attaque généralisée contre l’hôpital Kamal Adwan. Il exige une évacuation immédiate. Il menace les vies de 80 malades. Il a lancé un ultimatum alors que cet hôpital est le seul à pouvoir encore apporter des soins dans le nord de la bande de Gaza. » Des robots et des drones assiègent l’hôpital. Un appel à l’aide a été lancé à l’OMS et à l’UNRWA. « Un départ des malades, c’est leur mort assurée. » Il n’y a pas de caméras sur place. Le contact a été perdu avec l’équipe médicale. Les forces d’occupation empêchent l’arrivée de tout secours.

La suite c’est le vendredi 27 Décembre où les forces d’occupation israéliennes ont mené une attaque épouvantable contre ce dernier hôpital fonctionnel du Nord de la bande de Gaza. L’armée israélienne a incendié cinq des services — salles d’opération/chirurgie/laboratoire/urgence et maintenance — a enlevé et déplacé de force 300 patients et du personnel médical après les avoir forcés à se déshabiller. L’hôpital a été soumis à des frappes aériennes intenses à l’aube, suivies d’une incursion terrestre et d’une attaque directe contre les patients et les équipes médicales. Tous les occupants de l’hôpital, y compris les blessés, les malades et les médecins, ont été contraints de quitter les lieux sous la menace des armes, subissant des humiliations et des fouilles dégradantes dans la cour de l’école voisine Al-Fakhoura.

Tous les hôpitaux du Nord de la bande de Gaza sont maintenant hors service.

 


 

Voilà un extrait du texte que notre correspondant à Gaza, Abu Amir, nous a envoyé :

« L’attaque contre l’hôpital Kamal Adwan n’est pas un incident isolé, mais s’inscrit dans une série d’agressions continues contre les établissements de santé de Gaza. Rien que le mois dernier, l’armée israélienne a mené plus de 37 attaques directes contre cet hôpital, ignorant les appels internationaux à protéger les infrastructures médicales et les équipes de santé. Malgré les demandes répétées d’évacuation, le personnel médical a refusé de quitter les lieux pour ne pas abandonner les blessés et les malades qui dépendaient de leurs soins. En réponse, l’armée a bombardé l’hôpital à plusieurs reprises, causant des destructions massives. Cette attaque, combinée à la destruction d’autres installations médicales, vise à démanteler complètement le système de santé de Gaza, déjà gravement affaibli par le blocus prolongé. Elle fait partie d’une stratégie globale visant à priver les Palestiniens de leurs droits fondamentaux, notamment celui à la santé, et constitue un acte de génocide. »

Notre autre correspondant gazaoui, Marsel, nous a également communiqué les dernières informations concernant l’anéantissement de l’hôpital Kamal Adwan : « L’armée d’occupation annonce la fin de son “opération militaire” à l’hôpital Kaman Adwan, au nord de la bande de Gaza, avec l’arrestation de 240 Palestiniens, confirmant que parmi les détenus se trouve le directeur de l’hôpital, le docteur Hussam Abu Safiyeh. »

Partout sur les ondes de nos médias nous entendons que l’armée israélienne l’interroge, le soupçonnant de faire partie du Hamas lui qui n’a cessé de faire son travail de médecin et qui a refusé de quitter ses patients jusqu’au bout de l’attaque.

L’attaque répétée contre l’hôpital Kamal Adwan, ainsi que l’assassinat de patients et de personnels médicaux, est un échec cuisant des organisations internationales à protéger les civils et à faire respecter le droit international humanitaire.

L’entreprise méthodique d’anéantissement des humains, des êtres non humains, de la possibilité d’habiter une terre et enfin de la tentative de destruction des rapports à la mémoire et aux lieux, fige l’horreur. Jusqu’où accepterons nous la destruction de notre humanité ?

Brigitte Challande

Photo : L’hôpital Kamal Adwan avant sa destruction.

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.