Le Crit’Air 3 arrive pour le 1er janvier 2025 ! Mais il interroge sur son efficacité réelle et son impact sur les ménages les plus modestes, pris en étau entre la nécessité de renouveler leur véhicule et un manque de revenu.
Les élu·e.s écologistes montent au créneau, ils dénoncent une mesure jugée « hypocrite » et « socialement injuste ». Ils rappellent que Montpellier n’est pas juridiquement tenue de mettre en œuvre cette ZFE (zone à faible émission) avec l’interdiction des véhicules anciens, contrairement aux métropoles de Paris et de Lyon. La flexibilité prévue par la loi permet en effet aux villes de décider de l’extension ou du report de ces restrictions.
Mais ce que souligne Coralie Mantion, c’est « une arnaque à la santé. » Pour la responsable politique EELV, obliger les habitant·e.s de la métropole à changer de véhicule, « tout en construisant le COM (Contournement Ouest de Montpellier) et deux incinérateurs de déchets est hypocrite, injuste et finalement absurde ! »
Une politique contradictoire
Les écologistes alertent sur une politique contradictoire de la part de Michaël Delafosse, président de la métropole. François Vasquez note de véritables incohérences dans la gouvernance de cette majorité socialiste, « Julie Frêche et le maire font de la politique au doigt mouillé sur la santé publique et sur la qualité de l’air. » Son analyse est tranchante : « c’est une ZFE d’affichage ! »
Pour François Vasquez, la mise en place de cette ZFE sert de façade et voudrait masquer des projets en cours bien plus polluants comme : l’autoroute intracommunautaire et les deux incinérateurs de déchets, celui des combustibles solides de récupération (CSR) en pleine ville de Montpellier et l’incinérateur de boues dans la station de traitement des eaux usées Maera de Lattes. Ces infrastructures, loin d’améliorer la qualité de l’air, pourraient, selon les élu·e.s écologistes, créer un « effet cocktail » de pollutions multiples, augmentant les risques sanitaires pour les Montpelliérain·e.s.
« C’est ubuesque et socialement intenable de contraindre les citoyens à se séparer de leurs véhicules, tout en favorisant des infrastructures dont l’impact environnemental est, lui, bien plus lourd et bien plus durable », prévient François Vasquez. Pour le groupe écologiste, ces « mégastructures » sont contraires aux objectifs sanitaires exigés. Ils appellent à une réévaluation des priorités pour atteindre les objectifs de santé publique sans pour autant aggraver les conditions de vie des plus précaires.
Contrairement à la métropole de Lyon, qui propose des subventions, Montpellier n’a pas instauré de dispositif pour les foyers modestes. Les écologistes pointent également la réduction des aides au véhicule électrique dans le budget 2025 du gouvernement Barnier. Et affirment que cette situation pourrait exclure trop d’habitants qui dépendent de la ville centre, pour l’emploi, les services et les loisirs. « En l’absence de solutions de report modal1 et d’un réseau ferroviaire efficace, des dérogations doivent être mises en place », plaident aussi ces élu·e.s d’opposition, tout en incitant à la mise en œuvre d’un dialogue avec les territoires voisins pour aborder la question de la pollution de manière plus large et plus pragmatique.
Des propositions concrètes pour une alternative écologique
Les écologistes de Montpellier proposent une série de mesures alternatives pour réduire la pollution sans pour autant pénaliser financièrement les citoyen.ne.s. Parmi les suggestions avancées : stopper les projets d’incinérateurs et du Contournement Ouest de Montpellier (COM) ; repenser la circulation dans le centre-ville, notamment les quatre boulevards, pour diminuer la densité de trafic et améliorer la fluidité ; étendre le réseau de transports en commun au-delà du centre-ville et faciliter le report modal ; instaurer des Zones à Trafic Limité (ZTL) pour éliminer les véhicules de transit du centre-ville ; adapter la ville pour les piétons et cyclistes, avec des espaces sécurisés et accessibles.
Pour Coralie Mantion, il est préférable de réduire le nombre de voitures en circulation plutôt que d’encourager l’acquisition de véhicules dits « moins polluants », qui restent une charge financière importante pour les revenus les plus modestes. Les écologistes de Montpellier réclament un report de l’application de la ZFE, ils estiment urgente la mise en place d’un plan global, concerté, en partenariat avec des experts en santé publique : « La pollution de l’air est un enjeu majeur, mais elle mérite une réponse cohérente, non un simple effet d’annonce. »
Qu’est-ce qu’un véhicule polluant ?
Une question s’impose : qu’est-ce qu’un véhicule polluant ? Si l’on compare une BMW Série 1 M Sport Design de 2024 avec une 2CV Citroën de 1984 leurs émissions de CO₂ sur la base d’estimations disponibles, cela donne une 2CV qui émettrait environ 147 g/km alors que la BMW affiche jusqu’à 185 g/km, selon sa motorisation (Source : Car Emissions, Car MPG, CO2 and Emissions data). La grande différence c’est que du fait de l’ancienneté du véhicule, seul l’un des deux propriétaires pourra circuler en centre-ville de Montpellier. L’autre recevra cette notification concernant sa Citroën Charleston : « votre véhicule ne répond pas aux critères retenus pour l’attribution d’un certificat qualité de l’air. »
Reste une possibilité pour cette 2CV : être considérée comme un véhicule de collection. Elle a plus de 30 ans et peut donc prétendre au statut de véhicule de collection. À noter, le propriétaire doit demander une carte grise portant la mention « collection ». De plus, bien que ce ne soit pas une obligation formelle, cette Citroën Charleston doit idéalement être dans un état proche de celui d’origine ou restauré conformément aux spécifications d’époque, ainsi elle bénéficiera d’une dérogation Crit’Air dans certaines zones à faibles émissions (ZFE). Mais entre le collectionneur et l’acheteur d’un véhicule neuf, il y a tous les autres automobilistes estampillés Crit’Air 3.
Pour rappel : la vignette Crit’Air 3 est orange, elle se met sur le pare-brise de tous les véhicules essence immatriculés entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2005 inclus ainsi que les véhicules diesel immatriculés entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2010 inclus. La restriction de circulation des voitures Crit’air 3 s’appliquera au 1er janvier 2025 et concerne donc les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essence de plus de 19 ans.
Jean-Philippe Vallespir