Après l’adoption de l’article 7 de la réforme des retraites au Sénat, le bras de fer continue entre les syndicats et le gouvernement. La grève contre la réforme des retraites continue de perturber le trafic SNCF jeudi 9 mars, tandis que les terminaux de gaz et les raffineries de pétrole restent bloqués. Le projet de loi pourrait être définitivement voté le 16 mars et la mobilisation des salariés soutenue par l’opinion se durcir. Le point sur la situation.


 

 

Raffineries : expéditions toujours bloquées

Les expéditions de carburants sont toujours bloquées à la sortie des raffineries de TotalEnergies et d’Esso-ExxonMobil en France, avec souvent comme but de tenir jusqu’à vendredi au moins. Le gigantesque dépôt de carburants de TotalEnergies près de Dunkerque, à Mardyck, devrait même rester complètement bloqué jusqu’au 15 mars, dit par exemple à l’AFP Clément Mortier (FO).

Les raffineries continuent de produire du carburant mais il doit, jusqu’à nouvel ordre, être stocké sur place, faute de pouvoir sortir. Quand les réserves sur site seront pleines, les raffineries devront s’arrêter, mais cela nécessiterait plusieurs jours, voire semaines de blocage. En attendant, les 10 000 stations de France comptent sur 200 dépôts de carburants.

L’un a été bloqué plusieurs heures à Ambès, sur l’estuaire de la Gironde. Le manque de carburants commence à se faire ressentir dans les stations et est mis par les pétroliers sur le compte d’une ruée des automobilistes : 5,78 % des stations manquaient mercredi matin d’au moins un type de carburant (diesel ou essence), selon des données publiques analysées par l’AFP.

Transports : perturbations à la SNCF

Le trafic reste très perturbé à la SNCF, malgré une amélioration depuis mardi. Un TGV InOui et un Ouigo sur trois devraient circuler jeudi. Un train Intercités sur quatre est prévu pendant la journée, et ceux de nuit sont annulés. Deux TER sur cinq circuleront en moyenne. Le trafic restera également perturbé vendredi, a prévenu la SNCF.

Dans l’aérien, entre 20 et 30 % des vols devront être annulés jeudi et vendredi, comme mardi et mercredi, a demandé la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Air France prévoit d’assurer jeudi « près de 8 vols sur 10, dont la totalité de ses vols long-courriers », mais des retards et des annulations de dernière minute « ne sont pas à exclure ».

Gaz : blocages

L’alimentation du réseau français de gaz (les gazoducs gérés par GRTgaz) vers les clients est maintenue, mais les volumes envoyés depuis les sites de stockage souterrains Storengy sont désormais réduits « entre 30 et 40 % », a annoncé à l’AFP Frédéric Ben, responsable du gaz à la CGT Énergie, qui avait lancé un ultimatum à cette filiale d’Engie gérant la plupart des réserves françaises, dans des cavités naturelles. La société confirme à l’AFP, mais assure que les clients ne sont pas affectés pour l’instant. Plus aucun gaz naturel liquéfié (GNL) n’est par ailleurs déchargé des navires depuis mardi, les quatre terminaux méthaniers portuaires du pays étant bloqués par les grévistes. Du gaz continue d’arriver par gazoduc de Norvège ou d’Espagne.

Universités bloquées

Des blocages, souvent partiels, ont eu lieu dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur mercredi, avant une journée de mobilisation et d’action de la jeunesse jeudi. Le syndicat étudiant L’Alternative a compté à la mi-journée des blocages dans une trentaine d’établissements dont les universités de Grenoble, La Rochelle, Lille 2, Lyon 2 et 3, Rennes 2, Mulhouse, Dijon, Nantes ou Nanterre, ainsi que plusieurs Instituts d’études politiques et des écoles nationales supérieures d’architecture.

Électricité : centrales ralenties et des coupures

Les grévistes d’EDF ont pris en main une partie des centrales nucléaires, thermiques et hydroélectriques en France et retiré 15 000 mégawatts (MW)1 du réseau électrique mercredi après-midi, selon Sébastien Ménesplier, secrétaire général de la CGT Énergie, ce qui est très élevé, l’équivalent de 15 réacteurs nucléaires, et largement supérieur aux journées de grève précédentes. EDF évoque une perte de puissance de 7 447 MW2.

Le gestionnaire des lignes à haute et très haute tension, RTE, surveille de près pour éviter des coupures, et a ordonné un arrêt des baisses dans la matinée pour « passer la pointe de consommation du matin », a-t-il dit à l’AFP. Les coupures sauvages de courant se multiplient par ailleurs dans le pays, à l’initiative d’agents d’Enedis : un dépôt d’Amazon près de Pau ; à Brignoles, dans le Var (sous-préfecture) ; et des producteurs d’énergies renouvelables en Corrèze et dans l’Allier, selon Enedis.

Ports débloqués

La grève a été très suivie par les dockers mardi et mercredi matin, mais les blocages ont été levés dans l’après-midi à Marseille-Fos, au Havre, à Rouen et à Brest.

Éboueurs

Les poubelles commencent à s’entasser dans plusieurs arrondissements de Paris, où 35 % des éboueurs municipaux sont en grève selon Régis Vieceli, secrétaire général du syndicat CGT nettoiement (FTDNEEA), ainsi qu’à Niort.

 

Photo. Le 7 mars à Perpignan des poids lourds bloquent les accès à l’autoroute A9.

Avec AFP

Notes:

  1. Le MégaWatt indique une capacité de production d’énergie (comptabilisée en MWh) par unité de temps. Lorsqu’on fait référence à une unité de production d’électricité, on fait généralement un distingo entre la puissance électrique (exprimée en mégawatt électrique ou MWe) et la puissance thermique (exprimée en mégawatt thermique ou MWt). Dans une centrale de type thermique, il faut environ 3 unités d’énergie primaire (combustible) pour fabriquer 1 unité d’énergie électrique utile (sur le compteur). Si toute l’électricité française devait être produite uniquement dans des centrales de type thermique à partir d’un seul combustible, et avec l’hypothèse d’un rendement de 1/3 entre énergie thermique du contenu dans le combustible et l’énergie électrique finale produite, cela représenterait : 200 tonnes d’uranium (enrichi en U235 à 4 % environ), 164 millions de m3 de pétrole, 185 millions de tonnes de charbon, 158 milliards de m3 de gaz naturel, environ 1 milliard de tonnes d’ordures ménagères.
  2. La puissance installée est la puissance de l’ensemble des moyens existants, qui bien sûr ne fonctionnent pas en permanence à plein régime puisqu’il faut moduler la production en fonction de la demande. En France fin 2020, cela représentait 136 211 MWe ou 136,2 GWe. Plus de 60 % de la puissance installée française fonctionne selon le mode des centrales thermiques avec différents combustibles (45,1 % nucléaire, 13,9 % fossiles et 1,6 % biomasse et déchets).