Dans les deux-Sèvres (79), à Sainte-Soline, les habitant.e.s, rejoint.e.s par des milliers de personnes, se mobilisent contre un projet de chantier d’une méga réserve d’eau destinée à l’irrigation des champs de l’agro-industrie.


 

Depuis plusieurs années le groupe anti-bassines de Sainte-Soline, « Bassines non merci » (150 collectifs), alerte et se mobilise sans relâche contre « un accaparement de l’eau, bien commun, par une poignée d’entrepreneurs de l’agro-industrie ». Cratères à ciel ouvert recouverts de bâches en plastique, les bassines sont des réserves d’eau remplies grâce au pompage des nappes phréatiques superficielles.

La bassine de Sainte-Soline est la plus grande du territoire. Destinée à irriguer l’été les grands champs de maïs d’une poignée d’exploitations agricoles, elle mobilise en tout 18 kilomètres de tuyauterie pour les alimenter et peut stocker jusqu’à 650 000 m³ d’eau (soit l’équivalent de 260 piscines olympiques). Le plan, financé à plus de 70 % par de l’argent public et porté par la Coopérative de l’eau et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), met en avant une gestion durable de la ressource en eau. Mais plusieurs associations environnementales se sont retirées du protocole. Sa mise en service est prévue pour la campagne d’irrigation 2024. 50 réserves de substitution ont déjà été élaborées, principalement en Vendée et dans l’Est, et seize méga bassines doivent être construites dans la région, avec pour objectif la retenue de 14 millions de m³ d’eau.

Le réchauffement climatique, la sécheresse et les conséquences sur l’approvisionnement en eau des communes font que ce projet est écologiquement aberrant (voir vidéo), le tout ajouté à l’usage des pesticides qui n’a pas diminué, expliquent les militants. Ils rappellent qu’ils se battent aux côtés des paysans, et non contre les agriculteurs, tout en soulignant l’importance de sortir du modèle agricole productiviste.

Les recours engagés contre le projet de Sainte-Soline ont, jusque là, été rejetés. Les activistes continuent de s’y opposer par différentes actions de désobéissance civile pour essayer d’empêcher l’avancée du chantier.
En mai dernier, une décision judiciaire a déclaré illégale l’exploitation de cinq méga-bassines en Charente-Maritime.

Samedi dernier, à l’appel du collectif, de la Confédération paysanne et des Soulèvements de la terre, 7 000 manifestants, selon les organisateurs (4 000 selon la préfecture), ont convergé vers le terrain privé prêté par un agriculteur, ancien cultivateur de maïs reconverti dans la culture de blé à sec et ex-adhérent à la coopérative de l’eau.

Le rassemblement a été rejoint par des représentants de partis de gauche et écologistes venus apporter leur soutien (Sandrine Rousseau et Yannick Jadot (EE-LV), Philippe Poutou (NPA) ainsi que des élus LFI et PC) . La préfecture avait interdit toute manifestation et déplacement hors de ce périmètre, sur dix communes autour du site. Environ 2 000 militants de tous âges se sont dirigés vers la réserve à travers les champs céréaliers. Les forces de l’ordre (1 700 gendarmes sur place) sont intervenues, des affrontements ont eu lieu. Les manifestants se sont repliés dans le champ prêté pour y installer un campement.

Les organisateurs déplorent une cinquantaine de blessés (cinq hospitalisations dues à des tirs de LBD au visage, éclats de grenades de désencerclement…). Quatre manifestants ont été arrêtés et placés en garde à vue. Cette déferlante de violence inquiète, les militants ayant rappelé les événements du barrage de Sivens et le décès du jeune Rémy Fraisse tué par un tir de grenade, le 26 octobre 2014. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, durcit le ton. Il annonce 60 blessés du côté des gendarmes et, sans avoir peur de le dire, comparent les modes d’actions de certains militants à de « l’ éco-terrorisme ». « Plus d’un millier de gendarmes » restent mobilisés à Sainte-Soline « afin qu’aucune ZAD (Zone à défendre) ne se construise ».

Une ZAD n’est pas à l’ordre du jour et les opposants ont, pour l’instant, levé le camp. L’angle des violences étant privilégié aux informations, ils tentent d’expliquer aux habitants la légitimité de leur lutte ; Et demandent au gouvernement l’arrêt du chantier et la tenue d’un moratoire pour éviter toute escalade.

Sasha Verlei

Mise à jour 26/3/2023

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.