L’éducation à la sexualité en milieu scolaire est une obligation légale depuis la loi Aubry du 4 juillet 20011, selon laquelle « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène ». Mais faute d’avoir prévu dans la circulaire d’application des moyens pour la faire appliquer, l’éducation à la sexualité est dispensée de manière inégale et non satisfaisante sur l’ensemble du territoire. Entretien avec Georgios Klouras, membre du Planning familial qui intervient dans les établissements scolaires de l’Hérault depuis une douzaine d’années.
Entretien avec Georgios Klouras, intervenant pour le Planning familial
Vous intervenez au sein des collèges dans le cadre de l’éducation à la sexualité. Sur quoi portent vos interventions ?
Le Planning familial est un précurseur dans ce domaine. Nos interventions portent sur l’éducation à la sexualité et la vie affective. Elles répondent pour l’essentiel à une démarche de prévention et de réduction des risques : grossesses précoces non désirées, mariages forcés, infections sexuellement transmissibles, VIH/sida. Conformément à la politique nationale, elles concernent aussi les domaines de la lutte contre les comportements homophobes, sexistes et les violences sexuelles, mais aussi la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, ou encore la prévention de violences et cyberviolences sexistes et sexuelles.
Qui sont les commanditaires ?
Ce sont les établissements qui font des appels à projets très contraignants. Ces séances d’éducation à la vie sexuelle et affective en collège sont financées par le Conseil départemental, en co-financement avec la Direction départementale de la Cohésion sociale. Nos conseillers y interviennent généralement en co-animation avec l’infirmière scolaire ou l’assistante sociale de l’établissement.
La loi de 2001, selon laquelle ces interventions doivent être dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles, est-elle appliquée ?
Ça ne se fait nulle part. Souvent à cause du manque de ressources financières, ou parce que le chef d’établissement n’est pas volontaire, voire réfractaire. Ce qui reste l’exception, mais quand cela arrive, la bienveillance permet de franchir les obstacles. De manière générale, la qualité du travail fourni ne correspond pas au financement. Nous disposons de deux heures de face à face par classe, ce qui est insuffisant pour identifier les besoins et accompagner les élèves. Nous essayons de partager le plus largement possible l’information dans le cadre d’une éducation populaire non sexiste. Deux heures c’est mieux que rien ; il ne s’agit pas de se plaindre mais il faut clairement plus de moyens.
Que peut-on faire en deux heures sur des questions aussi vastes que la vie affective et la sexualité ?
Informer sur les risques, faire connaître les lieux ressources. Ouvrir un espace de parole dans un cadre sécurisant permettant d’aborder des questions comme « la première fois », le consentement, les violences, le cyberharcèlement, le rapport au corps…
Quelle place prennent les convictions religieuses dans ce type d’échanges ?
Les religions monothéistes qui émanent du bassin méditerranéen sont très proches pour ce qui concerne des questions comme la place des femmes, les rapports sexuels, le mariage ou le respect de la famille. Je n’interviens pas pour faire violence, je ne suis pas là pour ça. Je peux avancer sur la déconstruction de certains stéréotypes, mais je ne dis pas ce qu’il faut faire ou penser.
Comment abordez-vous la vie affective ?
Nous vivons dans une société violente où nous sommes amenés à nous protéger et parfois à céder à des pulsions de violence. Les jeunes sont en miroir de la société. Les propos homophobes, les actes sexistes, la violence conjugale, la pornographie, tout cela se reflète. On accuse souvent les jeunes de maux qui sont les nôtres. Considérer une femme comme un bout de viande ne vient pas des jeunes mais de la société. Ce cadre social violent influe beaucoup et préoccupe les jeunes, mais nous avons aussi une vie sentimentale. On peut parler de l’amour, d’être amoureux, des relations d’affection que l’on éprouve pour les autres. D’un avenir plus ouvert, plus pacifique, plus respectueux que la jeunesse appelle de ses vœux et qu’il faut construire ensemble.
Au fil du temps de votre pratique, observez-vous une évolution des comportements chez les collégien.ne.s et les lycéen.ne.s ?
Je constate que les jeunes sont de plus en plus ouverts d’esprit sur la question du genre et des identités sexuelles. Les garçons ont évolué sur l’acceptation de la sexualité des jeunes filles. De plus en plus de filles parlent du plaisir.
À partir de votre expérience de terrain, quelles sont les priorités aujourd’hui?
Parmi les priorités, la question du cyberharcèlement prend des proportions préoccupantes. Pour y faire face, il faudrait débuter l’éducation et la sensibilisation au travers du numérique dès le plus jeune âge. Je ne sais pas si je serai audible en disant cela, mais je pense que l’éducation à la sexualité et à la vie affective relève d’une nécessité fondamentale pour le développement des personnes. Elles impliquent une posture bienveillante, à l’écoute des préoccupations. Il faut les poursuivre et les développer. De plus en plus de gens se rendent compte de cela.
Photo DR Planning Familial