Les trois semaines de débats sur la loi Climat et résilience s’achèvent le vendredi 16 avril à l’Assemblée nationale. Cela ne siffle pas pour autant la fin de la partie pour les associations et les citoyens.


 

Les marches « pour une vraie loi climat » ont égayé nos villes, qui en ont bien besoin, le dimanche 28 mars, un peu partout en France et dans nos deux régions (Toulouse, Montpellier, Nîmes, Avignon, Martigues, Marseille, Aix-en-Provence…), à la veille de l’examen du projet de loi Climat et résilience en première lecture à l’Assemblée nationale. Les manifestant.es ont déjà prévu la « revoyure » pour le 9 mai. Ce sont certainement des « professionnels de la manifestation », comme les a appelés François de Rugy, ancien membre d’EELV et ancien ministre.

Le projet de loi est rapidement apparu, aux premiers intéressés d’abord (les membres de la Convention citoyenne pour le climat) et aux plus de 600 organisations qui ont appelé à ces marches, comme une version très édulcorée des 149 propositions élaborées par les citoyens. « Qu’est-ce qu’il reste dans ce projet de loi climat ? Le plan ferroviaire massif est absent, le plan vélo est absent, l’interdiction des élevages agro-industriels est absente, le prêt à taux zéro pour les véhicules peu émetteurs de CO2 a disparu, l’interdiction de la pub. pour la malbouffe aussi », déplore Cathy, militante d’Alternatiba Ouest étang de Berre. Pourtant, souligne-t-elle, les mesures préconisées par la Convention citoyenne « sont efficaces, pertinentes et ne demandent pas de changement de société trop difficile à mettre en œuvre. Ce n’est pas une vie d’Amish qu’on nous propose, pas de l’écologie punitive ».

« Vu l’urgence de la situation », la CGT s’est aussi associée à ces marches, notamment à Martigues, territoire de vieille implantation industrielle. « On ne compte plus les scientifiques qui ont tiré la sonnette d’alarme, si nous continuons comme ça nous mettons en péril notre écosystème et l’humanité », relève Daniel Bretonnes, de l’Union locale CGT, « le réchauffement climatique  lié à cette course insatiable au profit a déjà commencé ses dégâts ».

 

« Une insulte à la démocratie participative »

Du traitement réservé aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat par le gouvernement, la militante d’Alternatiba n’hésite pas à dire qu’il s’agit d’une « insulte à l’intelligence collective, à notre avenir et à la démocratie participative » tout en finissant sur une note d’optimisme : « On fête les 150 ans de la Commune, cela nous rappelle que l’histoire n’est pas écrite. » Il n’est pas certain que la loi climat et résilience, en discussion à l’Assemblée durant trois semaines au total, entre dans l’histoire tant l’ampleur des problèmes semble dépasser les modestes ambitions du projet gouvernemental. Et ce malgré les 69 articles du projet de loi, les multiples amendements et sous-amendements et les journées marathon comme celle du vendredi 9 avril, avec ses trois séances.

« Ne boudons pas notre plaisir », se réjouissait pourtant la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, ce jour là, à l’occasion de l’examen de l’article 21 sur « l’habilitation du gouvernement à réformer par ordonnance le code minier ». Au fond, peu importe la méthode, pourvu qu’on ait les résultats. Il y a des sujets sur lesquels le pouvoir est plus pressé que sur d’autres : « Nous devons essayer d’être un peu raisonnables », tance la ministre. En clair, ne vous occupez pas des ordonnances, puisque c’est pour votre bien (en l’occurrence davantage de sanctions en cas de non respect du code minier). Le hic, c’est que la méthode irrite de plus en plus, même sur les bancs de l’assemblée : « vous avez utilisé mille ordonnances depuis le début de la législature, c’est beaucoup, beaucoup trop », relevait le député des Bouches-du-Rhône, François-Michel Lambert, membre du groupe Libertés et territoires que l’on pourrait classer au centre-gauche. À cette critique partagée ce jour là, aussi bien par le député communiste Jean-Paul Lecocq que par le député LR Thibault Bazin, le rapporteur général du projet de loi, Jean-René Cazeneuve, député LREM du Gers, a tout bonnement répondu : « La crise sanitaire nous oblige à procéder de cette manière ». Ah bon, si c’est la crise sanitaire, alors…

 

Des forêts à l’éolien

Hormis cet épisode d’humour involontaire, on discute de choses sérieuses à l’Assemblée, comme la gestion des forêts ou l’implantation des parcs éoliens. Pour le député FI des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Mélenchon, « il en est des forêts de notre pays comme des océans et des mers, c’est une opportunité à côté de laquelle on passe ». Faisant référence au récent ouvrage des historiens Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, Les révoltes du ciel1, il rappelle que l’exploitation des forêts n’est pas sans lien avec la question climatique. D’où l’appel à la diversification des essences, « nécessité absolue » et à la gestion durable. « La forêt est une ressource considérable d’inventivité, de bien-être pour tout le monde. Si on veut une réindustrialisation (…) le traitement du bois dans de bonnes conditions en est un des instruments privilégiés », ajoute-t-il.

L’article 22 du projet de loi examine, lui, la déclinaison des objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables au niveau régional. Si personne n’est opposé au développement de l’énergie éolienne, le député PCF de Seine-Maritime, Jean-Paul Lecocq, considère que « l’implantation de parcs éoliens se fait souvent sans concertation démocratique » et juge « plus que jamais nécessaire un service public unifié de l’énergie, à rebours du projet Hercule », face à une « course folle à la rentabilité, à la concentration capitalistique au détriment de la réduction de la consommation ». « Le projet Hercule n’est pas l’objet de nos débats »  rétorque aussitôt la rapporteuse LREM du projet de loi tandis que Barbara Pompili précise que « la cartographie sera faite par les préfets » en tenant compte du « patrimoine spécifique à préserver ». Ainsi, selon la ministre, « il sera plus facile d’avoir de la visibilité et on n’aura plus l’impression que ça pousse comme des champignons ». Dont acte.

 

Aérien : un manque d’altitude

L’article 36 du projet de loi qui porte sur « l’interdiction des vols réguliers en cas d’alternative en train d’une durée de moins de 2h30 » rogne les ailes aux propositions de la Convention citoyenne. Alors que la Convention citoyenne pour le climat propose la suppression des lignes aériennes intérieures lorsqu’il y a possibilité de faire le trajet en moins de 4h par le train, le choix des 2h30 réduit considérablement les ambitions. Et exclut de fait la liaison entre Marseille et Paris par exemple. « Selon une étude coordonnée par le Réseau action climat, cela ne réduirait que de 6,6 % les émissions de CO2 issues des vols métropolitains et de 0,5 % les émissions de l’ensemble des vols au départ de la France »2Cet article du projet de loi paraît emblématique d’un art de la demi-mesure alors que le pouvoir se montre beaucoup plus « radical » dans d’autres domaines.

Bon nombre de dispositions de ce projet de loi jouent « petit bras » par rapport au travail considérable réalisé par les 150 et ressemblent fort à vœux pieux en l’état actuel des choses. Ainsi, qui ne souscrirait pas aux « mesures de tarification attractive des trains régionaux » (article 29) ? Sauf qu’entre développement des « bus Macron », libéralisation du rail avec la perspective de mise en place de lignes privées (certaines régions n’attendent que ça) et politique du tout TGV menée par la SNCF, on cherche la porte de sortie. L’article 30 sur « l’objectif de suppression de l’avantage fiscal pour les transporteurs routiers de marchandises »… mais seulement à l’horizon 2030 est du même acabit. Là aussi, la « libéralisation » du fret ferroviaire était censée favoriser le développement du transport de marchandises par le rail. C’est tout le contraire qui s’est produit avec une augmentation continue de la part de marchandises transportées sur la route.

Il y a fort à parier que « les professionnels de la manifestation » continuent à arpenter les rues ce printemps… et après. Comme dès ce samedi 17 avril à Montpellier, au lendemain de la fin des travaux de l’Assemblée nationale sur ce projet de loi Climat et résilience.

 

                                                                                                                J-F Arnichand

 


 

Notes:

  1. Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher : Les révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique 15e-20e siècle (Seuil, 2020)
  2. Anne Bringaut : La fuite en avant se poursuit dans l’aérien, Alternatives économiques, avril 2021 (l’autrice de la tribune est coordinatrice des opérations au Réseau action climat)
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"