Le Collectif Palestine Vaincra tenait une table, vendredi dans le quartier populaire de Bagatelle et La Faourette, pour exiger la libération de Georges Ibrahim Abdallah, le plus vieux prisonnier politique de France et d’Europe. En moins de 2 heures, des centaines de signatures ont été recueillies. Drôle d’anniversaire pour ce militant révolutionnaire qui a eu 70 ans ce vendredi 2 avril.


 

INJUSTICE, le qualificatif est unanime dans la bouche et le cœur des habitant.es des quartiers populaires et au-delà. On fait la queue pour signer la Carte-Pétition demandant la libération du plus vieux prisonnier politique d’Europe et de France que Macron recevra prochainement.

Le Collectif Palestine Vaincra a dressé une table à la sortie du métro de Bagatelle, près du marché qui se tient chaque mardi et vendredi, avec une énorme banderole où l’on peut voir le portrait de Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais, combattant de la résistance palestinienne, emprisonné en France en 1984 et libérable depuis 1999.

Femmes, hommes, jeunes, toutes générations confondues posent leur signature pour la cause du peuple palestinien et d’un homme qui a fêté ses 70 ans derrière les barreaux d’une prison française, non loin de Toulouse, à Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Son seul crime : s’être battu toute une vie pour la liberté, l’anti-impérialisme, contre les forces d’occupation et de guerre israéliennes, soutenues par les États-Unis et la France, que ce soit en Palestine ou au Liban.

 

Algérien.nes et Palestinien.nes soudé.es

Fatiha, Josy, Habiba, Jamila, Fouzia souhaitent une Palestine Libre. Les Algériennes mettent en avant les liens indissolubles qui unissent les deux peuples. « Ça fait 22 ans qu’il fait de la prison pour rien, ça se fait pas », dénonce Houari, 21 ans, en BTS de mécanique. Un monsieur marocain connaît le sort de Georges Ibrahim Abdallah parce qu’il se tient informé par des médias arabes : « Je trouve sa situation injuste, on ferme les yeux pour tout ça. Il faut toujours garder cette cause vivante ». Reem, jeune maman gazaouie, est heureuse de voir les drapeaux palestiniens onduler au gré du vent, elle s’empresse de signer pour celui qui défend les droits de son peuple.

Les militant.es du Collectif Palestine Vaincra distribuent des tracts d’information sur le sort du combattant communiste anti-impérialiste et informent également de la manifestation qui se tient tous les ans en octobre devant la prison de Lannemezan. La dernière a eu lieu le 24 octobre 2020 et a rassemblé plus de 600 personnes. Pierre Stambul, porte-parole de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), s’y rend régulièrement avec le bus qui part de Basso Cambo (quartier du Mirail) comme chaque année. Il a rencontré le prisonnier politique trois fois.

 

Célébration des 70 ans de Georges Ibrahim Abdallah à Toulouse. Photo DR altermidi Corine Janeau

 

Georges Abdallah suit tout ce qui se passe dans le monde

Qu’est-ce qui fait tenir cet homme privé de liberté depuis 37 ans ? « Sa force, c’est qu’il est resté un militant qui a les mêmes valeurs que le jour de son arrestation, il avait 33 ans, répond Pierre Stambul. Il se tient au courant de ce qui se passe dans le monde. Quand les prisonniers politiques palestiniens font une grève de la faim, il fait une grève de la faim de solidarité. Lorsque la droite grecque gouvernementale enferme un militant révolutionnaire qui entame une grève de la faim, il en fait une aussi. » Il suit le mouvement des Gilets Jaunes, le Hirak en Algérie, la révolte populaire au Liban. « Il explique que dégager les voleurs qui gouvernent ça suffit pas, il faut un projet politique. » Solidaire à 100 % du mouvement contestataire de la population libanaise, il souligne l’acquis de son peuple et de son pays qui ont vaincu les troupes sionistes. « Il faudrait surtout pas les perdre », rapporte le militant de l’UJFP.

« Ce qui m’a frappée », témoigne Sarah Katz, militante de l’UJPF, qui a également visité Georges Ibrahim Abdallah, « c’est sa manière à lui de rester ce qu’il est, de continuer à analyser le monde, à le comprendre, d’où son soutien aux mouvements populaires. Il va bien dans sa tête et la lutte idéologique, il pense qu’on peut la poursuivre n’importe où ».

 

Les pires criminels ont été libérés

Des voix s’élèvent pour exiger sa libération définitive, des député.es des différents bancs politiques. Des municipalités communistes l’ont fait citoyen d’honneur. Les autorités libanaises sont prêtes à l’accueillir. Le criminel Maurice Papon a été libéré ainsi que celui qui a égorgé l’opposant politique iranien Chapour Bakhtiar. Alors, qu’est-ce qui explique cet acharnement contre une personne qui devait être sortie de prison dès 1999 ? « Washington a gagné, sous les applaudissements de Tel-Aviv (…). Le procès Abdallah a été de bout en bout piloté pour et par une puissance étrangère », écrivait Claude Cabanes dans l’Humanité au lendemain du procès devant une Cour d’assises spéciale de Paris (le 28 février 1987) qui le condamnait à la prison à perpétuité sans que des preuves soient apportées de sa culpabilité dans les assassinats de l’attaché adjoint de l’ambassade des États-Unis en France, agent de la CIA, et du diplomate israélien appartenant au Mossad.

Yves Bonnet, ex-directeur de la DST1, se mobilise également pour que justice soit faite. « Après son arrestation en 1984, nous l’avons identifié comme chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises2, un groupe marxiste pro-palestinien, responsable d’attentats en France. Mais nous n’avons rien de sérieux contre lui, juste une histoire de faux papiers, de détention d’armes et d’explosifs », martèle-t-il depuis des décennies sans qu’il soit entendu.

L’ancien patron des services secrets français « considère les actes des FARL comme des actes de résistance. Après, on peut ne pas être d’accord, c’est un autre débat. Mais il faut se souvenir du contexte aussi, des massacres de Sabra et Chatila dont les coupables n’ont jamais été punis ».

 

La France n’est pas un pays indépendant

Plusieurs dirigeants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont été assassinés à Paris, par les services secrets israéliens sans aucun doute, et aucune arrestation n’a eu lieu. Dulcie September, représentante de l’ANC3 en France, a elle aussi été abattue sans qu’aucun assassin n’ait été arrêté, et que dire de l’enlèvement et de la disparition de l’opposant marocain Medhi Ben Barka en pleine capitale française ? Aucun coupable trouvé. Yves Bonnet demande à ce que la justice l’entende dans cette affaire.

À partir de 1999, il est libérable sous condition, neuf demandes ont été déposées dans ce sens. « C’est le gouvernement des États-Unis qui oppose un véto intolérable à sa libération », affirmait son ancien avocat Jacques Vergès, ce que confirme son nouvel avocat Jean-Louis Chalenset. Pourtant, il suffirait que l’actuel gouvernement, par la voie du ministère de l’Intérieur, signe un arrêté d’expulsion. Il est temps de laisser respirer un homme qui réclame depuis toujours une Palestine libre et le droit des peuples à résister face à l’oppression.

 

Piedad Belmonte

 


À lire aussi : Le livre de Saïd Bouamama L’affaire Georges Ibrahim Abdallah. Éditions Premiers matins de novembre.


 

Notes:

  1. Direction de la Surveillance du territoire
  2. FARL : Organisation communiste et anti-impérialiste. L’objectif des révolutionnaires libanais est de poursuivre le combat contre l’occupation israélienne en Palestine et l’invasion au sud Liban, en dehors aussi des frontières sur le sol des pays alliés à l’État sioniste, la France et les États-Unis, entre autres.
  3. Le Congrès national africain (en anglais : African National Congress, abrégé en ANC) est un parti politique d’Afrique du Sud membre de l’Internationale socialiste. Fondé en 1912 pour défendre les intérêts de la majorité noire contre la minorité blanche, il fut déclaré hors-la-loi par le Parti national pendant l’apartheid en 1960. Il est à nouveau légalisé le 2 février 1990 alors que l’apartheid est aboli en juin 1991. Il aura également été classé comme organisation terroriste par les États-Unis de 1986 à 2008.
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Passée par L'Huma, et à la Marseillaise, j'ai appris le métier de journaliste dans la pratique du terrain, au contact des gens et des “anciens” journalistes. Issue d'une famille immigrée et ouvrière, habitante d'un quartier populaire de Toulouse, j'ai su dès 18 ans que je voulais donner la parole aux sans, écrire sur la réalité de nos vies, sur la réalité du monde, les injustices et les solidarités. Le Parler juste, le Dire honnête sont mon chemin