« Nuée » a vu le jour…. L’improbable a jailli autour de la richesse et de la valeur artistique du « dépaysement ». Les planches et un petit groupe de spectateurs en ont tremblé vendredi dernier lorsque la scène s’est ouverte sur la danseuse Emmanuelle Huynh  artiste associée au Théâtre de Nîmes.


 

Comment exprimer la jubilation ressentie lorsque la plateforme éclairée, le silence quasi religieux qui suivit, soulignait l’attente de ce petit bout de public qui y croyait à peine, heureusement soulagé de ce que cette « Nuée » ne soit pas virtuelle mais allait s’incarner à travers la force talentueuse d’une conscience artistique qui ramenait de son pays de naissance le Vietnam des alluvions mouvants de ce voyage rappel des méandres du delta du Mékong avec « les lacets du fleuve Saigon, les méridiens du corps acupuncture, les arbres aiguilles du sol épiderme, des berceuses inouïes et aussi ma trajectoire de danseuse chorégraphe ».

Sa démonstration chorégraphique accomplit magnifiquement cette transmutation d’une terre dans un corps, un pays qui peu à peu se dévoile à travers une énergie gestuelle précise mais aussi inédite qu’un pays qui ne se définit pas fatalement mais s’invente au fil des jours des saisons et des ans « un pays qui surgit à la lisière, au point de contact entre mon corps et la nature » (l’oiseau bleu est le prénom de la danseuse) qui dans quelques séquences d’une lenteur quasi hallucinogène, signe la quête mystérieuse d’un tracé entre deux rives.

Simplicité et ralenti dans un mélange de fragilité et de force expriment aux travers d’une gestuelle, replis, extensions, désarticulation une multiplicité d’états, le tout relié à la puissance d’un profond désir d’être et à sa pure et juste expression jusqu’à la caresse brutale ou à la tendresse torturée, jusqu’au final pacifié. Un exposé physique mais aussi intellectuel et spirituel inspiré, dans lequel ceux qui ont eu la chance d’être présents se sont lovés et déployés.

Un spectacle réparateur qui soigne en direct les frustrations actuelles des corps engourdis, qui nous font toucher dans l’éprouvé, pour un moment libéré, ce qu’il en est de la cruauté des gestes barrières, leur empreinte toxique dans notre humanité. Un pur moment de puissante respiration dans un climat de souffle court.

MJ.L

 

Nuée Copyright Photo Marc Domage
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Journaliste, ancienne responsable Culture du titre La Marseillaise (Nîmes). Marie-joe Latorre a joint le peloton fondateur du média altermidi. Voyageuse globe-trotteuse, passionnée par les arts, les gens, les lettres et le cinéma. Passés ses carnets de voyage et ses coups de coeur esthétiques, cette curieuse insatiable est également spécialiste du cinéma d' Ingmar Bergman. Marie-joe a également contribué à de nombreuses monographies d'artistes (Colomina.2017, Ed Le Livre d'Art - Edlef Romeny.1997, Edisud.)