Qu’on se le dise, cette enseigne de bouchers reconvertis depuis 2017 dans une chaîne de burger « à la française », ne se sent pas en faute d’avoir fait porter pendant des années des t-shirts aux slogans sexistes à ses salarié.es. « À poêle les dindes », « il faut se la farcir », « un restau très cochon », entre autres phrases « à l’humour décalé », selon la direction du groupe, qui ont fait réagir les syndicats Solidaires.


 

Vingt six restaurants en France, peu de salariés syndiqués et un seul restaurant disposant de représentants du personnel. Il aura fallu quatre années depuis la création de l’enseigne en 2017, et aujourd’hui pour qu’une réaction publique ait lieu à l’initiative de Solidaires. Un rassemblement avait été organisé devant les restaurants du Pontet et de Saint-Étienne, le 13 février à 11h35, alors que la chaîne continuait de vendre des repas à emporter, mesures sanitaires oblige.

Pour cette première protestation publique contre l’enseigne, ils étaient une vingtaine au Pontet — dont des militantes d’Osez le Féminisme — et un peu plus nombreux à Saint-Étienne où se trouve le siège de l’enseigne pour faire savoir le plus largement possible à quel point les slogans floqués sur les t-shirts imposés aux employés ne ressortent pas de « l’humour décalé », comme le prétend la communication du restaurant Brut Butcher.

 

Faire savoir publiquement

 

Thierry Juny, co-délégué de Solidaires Vaucluse, se félicitait de la présence de la presse, profitant de l’occasion pour rappeler les faits : « la direction prétend dans sa communication publique que jamais des salariés ne se sont plaints en cinq ans. Pourtant l’été dernier, la DIRRECTE a recommandé à l’enseigne de supprimer les slogans sexistes des t-shirts. Néanmoins, la DIRRECTE ne s’autosaisit pas… cela fait des années que les salariés dénoncent cet état de fait. Mais la présence de syndicats et de représentants du personnel est plus récente, à Saint-Étienne il y a un Comité Social et Économique, ce qui a permis d’interpeller l’Inspection du travail et de mettre la Direction devant ses responsabilités ».

Cette dernière s’est sentie obligée, quelques jours avant les rassemblements, d’émettre un communiqué dans lequel elle s’excuse auprès de ceux qu’elle aurait pu offenser mais maintient que personne ne s’est plaint et que son « humour décalé » est incompris. Côté salariés, parmi ceux qui témoignent sous couvert d’anonymat, il y va de remarques déplacées des clients en réponse aux slogans : « on peut se la farcir ? J’aimerais bien voir ça »,  à des salariées reconnues dans la rue et interpellées sur le même ton.

Le fameux « humour décalé »… Dans un courrier du 31 août dernier, la DIRRECTE a procédé à un utile rappel de « l’article 1142-2-1 du code du travail [qui] dispose que nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

 

Les salariés ont-ils le choix ?

 

Quant au personnel, la présence d’une badgeuse à la prise de poste, où il s’agit de se prendre en photo avec la tenue fournie, devait jusque-là permettre de faire taire les récalcitrant.es : la badgeuse en question a fait l’objet, après signalement, d’un avis de la CNIL qui la juge non conforme.

Le 13 février, assurait la Direction, les salariés s’étaient vus remettre des t-shirts neutres et de nouvelles tenues étaient à l’étude, qui devraient être proposées le 15 mars. « Nous espérons simplement que la direction a compris et qu’elle évitera les phrases sexistes sur les t-shirts. »

Brut Butcher, c’est le groupe Despi, fondé en 1933 par la famille Despinasse à Saint-Étienne et qui aujourd’hui contrôle les 160 boucheries Aloyau (à l’intérieur des magasins DIA, discounteur de Carrefour), 110 magasins Grand Frais (partenariat avec le Comptoir central du fromage, Prosol et Bahadourian) et une trentaine de Provenç’Halles (petit Grand Frais de 300 m²), ainsi que, depuis 2017, les fast-food Brut Butcher.

L’interpellation publique a eu pour effet que les t-shirts incriminés disparaissent pour l’instant, mais si la Direction a bien présenté des excuses, elle s’accroche à sa version d’un « humour décalé ». Aussi les syndicats Solidaires envisagent ils une tournée d’inspection après la livraison des nouveaux uniformes, le 15 mars.

À suivre.

Christophe Coffinier
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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.