Le mot « police » vient du latin politia qui, lui-même, trouve son origine dans le grec politeia (art de gouverner la cité), lequel dérive du mot polis (cité, ville). En vieux français, pollice signifiait « gouvernement ». La police consiste donc à assurer le repos du public et des particuliers, à protéger la ville de ce qui peut y causer des désordres.
Si un modèle communautaire plaide pour une police bienveillante chargée de servir les citoyens en limitant l’usage de la force, aujourd’hui, en France comme dans presque tous les pays, ce n’est pas le choix qui est fait. En effet, les dirigeants des forces de l’ordre ont décidé de commander aux citoyens. Alors que le soutien de la population devrait permettre la prévention du crime, on y a choisi la peur du gendarme (Boucher M. 2010).
C’est donc une méfiance mutuelle qui s’installe, méfiance qui conduit à une haine réciproque symbolisée par l’acronyme ACAB « All Cops Are Bastards », en français : « Tous les flics sont des bâtards » et son alter ego « 1312 » (le A étant la 1re lettre de l’alphabet, etc.) ou encore le slogan : “Tout le monde déteste la police”.
Le droit assoit généralement la légitimité de la force sur deux paramètres : la nature de la situation (légitime défense de soi ou d’autrui, ou exécution d’un ordre légal) et la proportionnalité de la réaction policière. La force qu’emploie la police (à la différence de la force militaire) est pensée comme une force défensive : c’est contre une menace ou une violence particulières que l’on autorise son recours.
La police est dépositaire du monopole de la violence physique légitime. Cette définition de la police, inspirée de celle de l’État, livrée en 1919 par Max Weber (Le savant et le politique), réunit depuis les années 1950 l’immense majorité des sociologues de la police, principalement sous l’influence de l’ethnométhodologue Egon Bittner (The Functions of the Police in Modern Society, 1970).
Le journaliste indépendant, écrivain et documentariste, David Dufresne, a signalé 860 cas, vérifiés et documentés, de violences policières au début des mobilisations de « gilets jaunes » avant d’en écrire un roman réaliste, à mi-chemin entre l’essai et le document, Dernière sommation, paru début octobre 2019 chez Grasset.
Selon lui, dans sa tentative d’explication, par rapport à la chaîne de commandement des forces de l’ordre, il n’y a pas d’ordre écrit. Mais le déni politique de l’État face aux manifestants blessés, c’est quand même une façon de dire aux policiers « allez-y, on vous couvre ». Il n’y a même pas besoin d’ordre. Ensuite, quand on donne des munitions et des armes qui ne sont pas utilisées dans les autres pays d’Europe comme les GLI-F4, on donne l’outil qui permet la répression.
Ainsi, écrit-il, la police française a blessé en quelques mois autant de manifestants qu’en vingt ans. D’autre part, la quasi totalité des plaintes et des recours des manifestants mutilés n’a pas abouti. C’est aussi David Dufresne qui déclare plus récemment : « Ce que dit Camélia Jordana [il y a des milliers de personnes, dont elle-même, qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic] est évident, c’est l’étonnement qu’elle rencontre qui est surprenant ».
En fait, selon le sociologue Manuel Boucher (2013), nombre de membres des forces de l’ordre auraient fait le choix de leur profession en raison de leur « goût pour l’action ». Malgré tout, ils mettent en avant le souhait d’agir de façon professionnelle, de n’utiliser la force coercitive contre un individu « qu’à partir du moment où celui-ci a commis un délit ou n’a pas eu une attitude correcte ».
Alors, justement, qu’est-ce qu’un délit ? les mouvements sociaux sont-ils des délits ? La conclusion de l’État est affirmative, à partir du moment où l’on conteste sa politique dans les rues et sur les ronds-points. Force est de constater que les forces de l’ordre obéissent alors sans scrupules aux directives données, ce qui est normal puisqu’elles sont rétribuées pour cela, mais que l’on peut considérer comme étant bien trop excessives (yeux crevés, mains arrachées, etc.).
D’un autre côté, le préfet de police de Paris Didier Lallement vient d’adresser son soutien ce mardi aux policiers face aux « accusations de violence et de racisme », alors que des rassemblements dénonçant justement « les violences policières » (dont un à Paris le même jour a rassemblé, malgré l’interdiction préfectorale, plus de 20 000 personnes), et ce dans un contexte international marqué par les émeutes américaines (affaire George Floyd). « Mais je n’accepterai pas que quelques actions individuelles remettent en question le rempart républicain que nous sommes contre la délinquance et ceux qui rêvent de chaos et d’anarchie », prévient le préfet de police Lallement.
L’utilité de la coercition exige que celui qui a le pouvoir de l’exercer soit considérablement plus sage que celui qui la subit. Ainsi, l’imperfection de l’homme censée justifier la coercition est ce qui en détruit le principe (Gourney H. 2017).
Thierry Arcaix
Illustrations : Moss Artiste, 2020
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