A l’issue de la garde à vue et afin de poursuivre les investigations, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir samedi une information judiciaire pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations » et « organisation d’une manifestation non-déclarée », selon une source judiciaire.
A ce stade, la juge d’instruction a toutefois décidé de placer M. Bouhafs, 22 ans, sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre la mise en examen et le statut de témoin simple.
« C’est un dépassement inédit des atteintes à la liberté d’informer et aux droits des journalistes, à la demande de l’Elysée », a réagi auprès de l’AFP Me Arié Alimi, pour qui « ce n’est que le début d’une affaire d’Etat ».
Taha Bouhafs, qui s’est fait connaître par ses reportages au coeur des mouvements sociaux, avait été interpellé vendredi soir, son arrestation provoquant à la fois une vague de soutiens et de contestations de son statut de journaliste.
Ce soir là, le jeune homme est présent dans le même théâtre que le président, au 44e jour de grève contre la réforme des retraites.
Le reporter filme alors M. Macron assis devant lui puis diffuse la vidéo vers 21H00 sur Twitter, avec ce message: « Je suis actuellement au théâtre des Bouffes du Nord (Métro La Chapelle). 3 rangées derrière le président de la République. Des militants sont quelque part dans le coin et appellent tout le monde à rappliquer. Quelque chose se prépare… la soirée risque d’être mouvementée ».
– « je plaisante » –
M. Bouhafs demande ensuite à ses dizaines de milliers d’abonnés s’il doit lancer ses chaussures sur le président, à l’image du célèbre geste d’un journaliste irakien contre le président américain Georges W. Bush en 2008.
« Je plaisante (…) la sécu me regarde bizarre là », précise ensuite le reporter du site d’information Là-bas si j’y suis.
Vers 22H00, quelque 200 manifestants dans la rue se dirigent vers l’entrée, scandant « Macron démission », « Macron on vient te chercher », selon des rapports de police consultés par l’AFP.
Parvenu à forcer l’entrée, le groupe est stoppé dans le hall, mais certains réussissent toutefois « à ouvrir deux portes qui donnaient sur la salle de spectacle » pendant « environ 30 secondes, ce qui a perturbé la présentation mais ne l’a pas interrompue », rapportent les policiers.
Le président Macron, présent avec son épouse, est alors « sécurisé » pendant quelques minutes puis retourne voir la pièce jusqu’au bout, selon son entourage.
Mais alors que les policiers faisaient sortir les manifestants du théâtre, « M. Bouhafs, resté sur les marches pour filmer l’évacuation, nous a été désignés par un membre du GSPR (service de sécurité de la présidence, ndlr) comme étant celui qui était précédemment dans la salle et qui a appelé à participer à l’attroupement », selon les rapports.
– téléphone saisi –
Pour l’avocat de M. Bouhafs, son client s’est borné à transmettre une information, déjà diffusée par un autre compte Twitter quelques minutes avant.
Il dénonce enfin la saisie par la justice de son téléphone, dans lequel se trouvent les images de la scène mais aussi les contacts du journaliste.
« On arrête un journaliste pour avoir tweeté sur la présence du Méprisant au théâtre. Bienvenue en #Macronie », a écrit sur Twitter la député France Insoumise Danièle Obono, entre autres réactions de soutien.
« Lorsqu’on cherche à s’en prendre au président de la République, on cherche à atteindre l’institution », a rétorqué la députée et porte-parole LREM Célia de Lavergne.
Taha Bouhafs, aussi connu pour avoir filmé Alexandre Benalla en train de violenter un couple à Paris le 1er mai 2018, avait déjà été placé en garde à vue en juin lors d’une manifestation en banlieue parisienne, s’attirant le soutien d’une partie de la profession. Il doit être jugé le 25 février à Créteil pour « outrage et rébellion ».
AFP
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