Selon le rapport de l’ancien secrétaire d’Etat en charge du Numérique, Mounir Mahjoubi, dont Le Parisien s’était fait l’écho fin septembre, les Gafam* devraient payer neuf fois plus au fisc français. Cette année, la taxe Gafam ne rapportera que 400 millions d’euros à l’Etat. Mieux qu’en 2018, où les Gafam n’avaient payé que 130 millions d’euros d’impôts sur les sociétés. « Une broutille », pour Mounir Mahjoubi, dont la parole s’est manifestement libérée maintenant qu’il est hors gouvernement. Selon ses calculs, les Gafam auraient cumulé 14,9 milliards d’euros de chiffres d’affaires, pour n’en déclarer au fisc que 3,4 milliards.
Annoncée en janvier 2019, la taxe GAFA a été adoptée définitivement le 11 juillet : d’un montant de 3 % du chiffre d’affaires, elle s’applique aux entreprises dont la facturation mondiale dépasse les 750 millions d’euros (et au moins 25 millions en France). Une petite trentaine de groupes seraient concernés en France. Le ministre de l’Economie, péchant par naïveté, a vraisemblablement pensé que, le groupe de Jeff Bezos qui enregistre ses ventes françaises directement auprès de sa filiale luxembourgeoise, puiserait dans ses deniers pour s’en acquitter. Mais pas du tout ! Le géant américain Amazon a aussitôt envoyé un mail à ses partenaires de ventes pour les informer que les frais seraient ajustés (bien évidemment à la hausse) pour tenir compte de la taxe Gafa. « A compter du 1er octobre, le montant applicables aux ventes effectuées sur le site Amazon.fr augmentera de 3 %. Ce sont donc les partenaires du groupe américain qui seront les premiers touchés par la taxe Gafa ; et très vraisemblablement, ils la répercuteront ensuite sur les clients finaux, c’est dire le grand public qui se verra donc imposé forfaitairement de 3 % sur ses achats !
Un emploi créé chez Amazon correspond à 2,2 emplois perdus pour le commerce de proximité
En 2019, le manque à gagner sur les Gafam sera donc une nouvelle fois colossal : « Si l’esprit de nos règles fiscales était appliqué, leur impôt sur les sociétés s’élèverait à 1,1 milliard d’euros », explique le député de La République en marche, qui qualifie ces géants du numérique de « hackers de la fiscalité ». Dans une note d’analyse publiée aujourd’hui que franceinfo a pu consulter, Mounir Mahjoubi estime que 7 900 emplois ont été détruits en France en 2018 par Amazon. Cette année-là, l’entreprise de Jeff Bezos a réalisé un volume d’affaires en France de 6,6 milliards d’euros selon Kantar Worldpanel, cité dans cette étude.
C’est « en déduisant les embauches d’Amazon et des vendeurs tiers (12 337 emplois créés) aux suppressions d’emplois dans le commerce physique à cause des activités du site d’achat (20 239 emplois perdus) », que Mounir Mahjoubi aboutit à ce chiffre de 7 900 emplois perdus en France. Une formule résume cette constatation, « pour un emploi créé chez Amazon », le commerce de proximité a perdu 2,2 emplois. Une étude américaine réalisée en novembre 2016 par l’Institute for Local Self-Reliance avait abouti au ratio de « deux emplois supprimés aux États-Unis pour un emploi créé par Amazon ».
Consommer un acte « citoyen et politique »
Dans son étude, Mounir Mahjoubi met en cause la « productivité élevée » chez Amazon où un seul salarié « supporte un chiffre d’affaires d’environ 600 000 euros », contre « 270 000 euros » pour un salarié d’une boutique. Cette compétitivité d’Amazon est due « à des pratiques managériales contestées« , dénonce-t-il. « Les hommes et les femmes des centres logistiques (de la plateforme) travaillent à un rythme effréné et minuté« , avec « des tâches répétitives et physiquement pénibles ». Cette logique sera poussée jusqu’au bout par Amazon, qui considère ses salariés « comme des robots ». La société « les remplacera demain par des machines autonomes« , ce qui pourrait augmenter davantage la productivité de la plateforme et aboutir à détruire plus d’emplois dans les commerces traditionnels.
. « Consommer est aussi un acte citoyen et politique », rappelle l’ex-secrétaire d’État au Numérique, pour qui « les internautes doivent cliquer en connaissance de cause. Leurs achats pèsent sur l’emploi national », explique-t-il. « Les Français doivent penser aux PME françaises pour leurs achats », car « elles sont foncièrement plus humaines ». Pour proposer une alternative, le député de Paris va lancer « la seconde édition du Noël des PME », il a créé « un annuaire d’entreprises locales, maîtrisant leur impact social et environnemental auprès desquelles les Français peuvent réaliser leurs achats ».
* Gafam : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft
Voir aussi : Lettre ouverte à Mr O, secrétaire d’Etat au numérique, GAFA : « Il faut prendre la Bastille numérique »,