Le prurit belligène des deux princes héritiers du Golfe.
Arabie saoudite, Emirats arabes Unis ; Le prurit belligène des deux princes héritiers du Golfe. En droite ligne des razzias…
par René Naba , in Golfe arabo-persique Moyen-Orient , le 8 août 2019
En droite ligne des razzias de l’ancienne Côte des pirates, le prurit belligène des héritiers pétro-monarchiques répond à un double objectif : consacrer, d’une part, le primat wahhabite, non seulement sur la Péninsule arabique mais sur l’ensemble de la sphère arabo-musulmane; doter, d’autre part, Abou Dhabi d’un empire maritime en compensation de son minuscule état, par l’accaparement des installations portuaires de la zone Golfe-Océan indien: Doubaï, Aden, Socotra, etc.
Se posant en chefs de file de la contre-révolution arabe, à l’ombre d’un gigantesque bouclier américain, en toute impunité, deux princes héritiers, sanguins et impétueux, Mohamad Ben Salmane (Arabie Saoudite) et Mohamad Ben Zayed Al-Nahyane (Emirats Arabes Unis), ont mis à profit le handicap pathologique de leur souverain respectif pour mener une guerre tout azimut en vue d’assurer la pérennité de leur trône décrié, sur les débris du Monde arabe, n’hésitant pas pour ce faire à brader la Palestine, en restaurant l’ordre néo colonial au niveau transrégional, sous l’égide israélo-américaine.
En guerre ouverte contre le petit frère ennemi wahhabite, le Qatar, et en Libye, en guerre larvée contre la Turquie dans la foulée de la disparition à Istanbul du journaliste saoudien Jamal Khashoogi, en guerre par procuration contre l’Iran en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban, le tandem maléfique a transformé la zone en polygone de tir permanent, semant la terreur pour y ancrer sa suprématie sur son voisinage immédiat.
Au nom de la guerre contre l’Iran, pôle de référence des contestataires de l’ordre hégémonique occidental dans la zone, le duo infernal a activé une pernicieuse guerre de religion entre sunnites et chiites, à grands renforts de mercenaires des compagnies militaires privées occidentales, -notamment Blackwater, de sinistre mémoire en Irak, dont le fondateur Erik Black, est résident d’Abou Dhabi.
Une guerre alimentée par un flot ininterrompu de livraisons d‘armes des trois pays occidentaux, membres permanents du Conseil de sécurité, promus au rang de cobelligérants de l’agression pétro-monarchique contre le Yémen: les États Unis et le Royaume Uni, par leur participation au blocus maritime du Yémen avec pour objectif d’aménager une base dans l’ancien protectorat britannique d’Aden à la jonction de la Mer Rouge et de l’Océan Indien; la France par son soutien logistique et technologique aux troupes d’Abou Dhabi, où elle dispose d’une base permanente.
Le chantage pétrolier qu’ils brandissent en permanence a conduit ainsi les «grandes démocraties occidentales» à soutenir une guerre d’agression caractérisée d’une coalition sunnite parmi la plus obscurantiste de la planète contre le plus pauvre pays arabe.
Une guerre d‘autodestruction du Monde arabe pour le plus grand bénéfice d’Israël et de ses anciens colonisateurs, mené par deux pays, constamment sous tutelle, passé sans coup férir du mandat britannique au protectorat américain, sans la transition par une guerre de libération.
Une équipée sauvage de cinq ans trébuchant sur une faute majeure du Saoudien, le dépeçage d’un opposant au consulat saoudien d’Istanbul, le 2 octobre 2018, Jamal Khashoggi.
Par son retentissement planétaire, ce « crime du siècle» selon l’expression de l’influent journaliste Abdel Bari Atwane (Ar Rai Al Yom) n’a pas pour autant brider les pulsions mortifères du tandem, en dépit de la réprobation universelle qu’il a suscitée. S’il a terni l’image du Royaume saoudien aux Etats Unis, il a permis à Abou Dhabi à supplanter son grand frère saoudien au titre de «meilleur allié arabe des Etats Unis».
Le journal Libanais «Al Akhbar» a eu accès à la correspondance diplomatique des ambassades du royaume saoudien et des Emirats Arabes Unis à Beyrouth avec leur administration centrale sur les manigances de ses deux états voyous, révélant le contenu des câbles diplomatiques dans une série de papiers dans un dossier intitulé «Abou-Dhabi Leaks».
Les deux princes irascibles ciblent un vaste spectre d’Etats: leurs cibles traditionnelles, (Syrie, Irak, Liban, Yémen, Soudan), mais aussi le pondéré Sultanat d’Oman, l’allié Maroc et le lointain Canada.
Pour mémoire, l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis sont des partenaires stratégiques de la France, qui n’a cessé de les alimenter en armes dans le conflit yéménite.
Cf à ce propos, la liste des équipements militaires français livrés à l’Arabie saoudite et à Abou Dhabi dans la guerre d’agression contre le Yémen.
Saad Hariri, le rendez-vous manqué avec l’Histoire.
Saad Hariri a raté son rendez-vous avec l’Histoire. Milliardaire bi-national libano-saoudien redevable de sa promotion gouvernementale au «fait du prince saoudien», le premier ministre libanais a raté l‘occasion de se doter d’une stature de «Héros national» et, du coup, raté son entrée dans l’Histoire. Pris en otage par le prince héritier saoudien et forcé à la démission, Saad Hariri a retrouvé sa liberté et son poste grâce à l’intransigeance du président libanais Michel Aoun et de son rival politique direct sur la scène libanaise, le Hezbollah, très sourcilleux sur la question de la souveraineté nationale.
Mais, symptôme d’une servilité pathologique, le rescapé du bagne saoudien se rendra à Canossa au premier claquement de doigts de ses maîtres saoudiens, participant, toute honte bue, au Davos économique convoqué par Riyad, sur les lieux mêmes de sa captivité, le «Ritz Carlton», moins d’un an après son humiliation.
Sans vergogne, l’homme trônera auprès de son ancien bourreau ironisant même sur son ancienne captivité: «Captif de mon plein gré», s’esclaffera-t-il, sans la moindre commisération pour la plus récente victime de la mafiocratie wahhabite, le journaliste Jamal Khashoggi, découpé à la scie au consulat saoudien à Istanbul.
Par sa reptilité envers la dynastie wahhabite, Saad Hariri aura pleinement justifié cette maxime du grand orateur de la révolution française Mirabeau: «Il y a quelqu’un pire qu’un bourreau, son valet».
Le duo se proposait pourtant de châtier Saad Hariri pour sa mansuétude à l’égard du Hezbollah libanais, qu’il accusait d’avoir fait des concessions à la formation paramilitaire chiite pour se maintenir au pouvoir. Il projetait de déporter le conflit du Yémen vers le Liban pour compenser l’échec pétro-monarchique face aux Houthistes, accréditant par là même l’idée d’un Liban comme défouloir à toutes les frustrations monarchiques.
L’ingérence flagrante de ces deux pays dans les affaires intérieures du Liban, – qu’ils considèrent non comme leur arrière-cour-, mais comme leur basse- cour, se révèle par deux câbles édifiants.
Alors que le premier ministre libanais dispose d’une garde prétorienne spéciale, émargeant sur le budget de l’Etat, -la «section du renseignement» des Forces de Sécurité Intérieure-, équipée d’une technologie de pointe fournie par les Occidentaux dans le domaine des transmissions et du décryptage des communications, Abou Dhabi a réussi le tour de force de placer sur écoute sa proie, grâce à une technologie israélienne, identique sans doute à celle mise en œuvre pour pister l’opposant saoudien Jamal Kashoggi.
La dépêche de l’ambassadeur du Koweït au Liban: Abou Dhabi manœuvre pour provoquer la désintégration du Royaume saoudien
Sous l’apparente unité des duettistes, une sourde rivalité oppose en fait les deux héritiers au point que l’ambassadeur du Koweït au Liban n’hésitera pas à câbler à son gouvernement les soupçons du corps diplomatique arabe à Beyrouth sur les arrière-pensées des Emirats Arabes Unis envers le Royaume saoudien. Dans un câble en date du 20 septembre 2017, l’ambassadeur de Jordanie à Beyrouth, Nabil Al Massarwa, rend compte d’un entretien avec son collègue koweitien dans lequel celui-ci, Abdel-Al Kannahi, un proche de son souverain, l’Emir Sabah Al Ahmad, tirant les conclusions des élections législatives libanaises remportées par le Hezbollah et les forces hostiles au royaume saoudien, lui livre le constat suivant: «L’Arabie saoudite a tout perdu. Ses démarches diplomatiques à Beyrouth relèvent du tapage médiatique en vue de faire acte de présence et de masquer son échec. Mohamad Ben Zayed manœuvre en fait pour provoquer la désintégration du Royaume saoudien».
Une tendance accentuée dans la foulée de l’éclipse relative des dignitaires saoudiens dans la gestion du conflit yéménite, consécutive à l’assassinat de Jamal Khashoggi.
La France: Démission de Saad Hariri et formation d’un gouvernement de technocrates.
Une économie flageolante commande la moralité politique en France où une diplomatie racoleuse assure le service après-vente. Soucieuse de ne pas perdre le marché saoudien, la France a paru pencher, dans un premier temps, en faveur de la thèse saoudienne, proposant la démission du premier ministre libanais captif du prince héritier et la formation d’un gouvernement de technocrates.
Une formule qui aurait eu le double avantage d’évincer son poulain du gouvernement à Beyrouth au prix de la préservation du marché saoudien de la France, tout en préservant la continuité du pouvoir au Liban, un pays jadis sous son mandat.
Mais l’intransigeance tant du président libanais Michel Aoun que du Hezbollah libanais, de même que la fermeté du clan Hariri, qui a refusé de prêter allégeance à l’aîné de la fratrie, Baha’a, ainsi que les réserves du président égyptien Abdel Fattah Al Sissi sur l’aventurisme du prince héritier saoudien, ont conduit les Occidentaux à durcir le ton à l’égard de Riyad et obtenir la libération de leur captif libanais, permettant à Emmanuel Macron de se poser en sauveur et de son poulain libanais et de la stabilité du Liban.
Le Sultanat d’Oman
Contre toute attente, le prurit belligène du duo s’est porté sur le Sultanat d’Oman, plaque tournante de la diplomatie régionale, et, sans aucun doute, la monarchie la moins belliqueuse du syndicat des autocrates du Golfe. «Faire plier Oman par la séduction ou l’intimidation pour le punir de sa trop grande indépendance. Le mettre au pas au besoin depuis le Yémen, une fois achevée la conquête de ce pays». Tel était le mot d’ordre du tandem.
Programmer des représailles contre le Sultanat d’Oman pour le punir de sa trop grande indépendance. Proche du Qatar, le Sultanat avait abrité les négociations secrètes américano-iraniennes sous le mandat du président Barack Obama pour la conclusion du Traité International sur le nucléaire iranien, dénoncé en 2017 par Donald Trump.
Le prince héritier d’Abou Dhabi a même été jusqu’à encourager la visite de son complice israélien, le premier ministre Benyamin Netanyahu à Oman, à l’automne 2018, afin de sonder l’état de santé du Sultan Qabous, atteint d’un cancer, en vue de préparer sa succession et favoriser la promotion d’un nouveau dirigeant omanais moins favorable à l’Iran.
Le Maroc : La famille du Roi est «infiltrée» par le Qatar
Le Maroc a fait l’objet d’une surveillance accrue de la part de l’Ambassadeur des Emirats Arabes Unis à Rabat à la suite de la visite de l’épouse du Roi du Maroc, Lalla Salma, au Qatar, le 11 décembre 2013.
Ce comportement tranche avec la traditionnelle solidarité qui lie les deux monarchies en ce que le Maroc constitue le lieu de villégiature privilégié de la dynastie wahhabite, avec laquelle il a d’ailleurs longtemps coopéré au sein du «Safari Club», le bras armé de l’Otan pour les menées contre-révolutionnaires en Afrique et dans les pays arabes.
«La famille du Roi est infiltrée». Infiltrer est le terme utilisé par le chargé d’affaires par intérim du gouvernement d’Abou Dhabi, Saïd Mouheir Al Katabi, pour expliquer le rapprochement Qatar-Maroc, dont il attribue l‘origine aux «solides relations liant Lalla Salma, épouse de Mohamad VI, à la princesse Mozza», la mère du prince Tamim.
En représailles, l’Arabie saoudite a voté en faveur des Etats-Unis contre le Maroc pour abriter la prochaine coupe du Monde de Football en 2026. Mohamad VI a rétorqué en recevant dans la foulée l’Emir du Qatar en villégiature au Maroc le 1er Aout 2018.
Finalement, exacerbés par le comportement indépendant du Maroc à l‘égard de l’Arabie saoudite, les médias saoudiens ont répliqué en janvier 2019 par la mise en valeur du Front Polisario, la bête noire du pouvoir chérifien, qualifiant la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) d’Etat bénéficiant d’une «reconnaissance internationale, reconnu par des dizaines d’Etats».
Riyad a en effet été ulcéré par le refus du Maroc de recevoir le prince héritier saoudien MBS lors de sa tournée au Maghreb en décembre 2018, en route pour le sommet des G20 de Buenos Aires et son refus de participer au boycottage du Qatar, de même que de sa décision de se retirer de la coalition pétro-monarchique dans sa guerre d’agression contre le Yémen. La chaîne saoudienne « Al Arabiya» s’est chargée de signifier le mécontentement saoudien, consacrant un long documentaire au combat du Front Polisario pour son indépendance, «un combat légitime contre l’occupation marocaine». Ce reportage a conduit le Maroc a rappeler son ambassadeur à Riyad et à annoncer la fin de sa participation aux organes de la coalition pétro-monarchique en guerre contre le Yémen.
Le roi Salmane a tenté de calmer le jeu, en prenant l’initiative de joindre au téléphone le Roi du Maroc, le 20 mars 2019, alors que l’Algérie était secouée par une vague de protestation populaire contre le prolongement de la mandature présidentielle de M. Abdel Aziz Bouteflika. Mais ce geste n’a pas eu l’effet escompté, le Maroc a voulu tirer profit de cette crise pour clarifier ses relations avec ses deux anciens alliés encombrants.
Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères et de la coopération internationale, s’est chargé de dire leur fait aux princes du désert: « Les relations internationales reposent sur des principes stables et permanents et ne se décident pas à la carte, au coup par coup», a-t-il rappelé en marge de la visite de son homologue jordanien à Rabat, le 29 mars, une semaine après le coup de fil royal.
Abdallah II de Jordanie et Mohamad VI du Maroc redoutent en effet que les Hachémites soient dessaisis de la tutelle de la dynastie sur la Mosquée Al Aqsa, troisième Haut Lieu de l’Islam à Jérusalem.
Le Jordanien, descendant de la famille du prophète, et le Marocain, Commandeur des Croyants et Président du comité Al Qods, sont convenus de mettre en échec le projet du rattachement de Jérusalem à la souveraineté totale et absolue d’Israël, selon les dispositions de l’arrangement conclu entre Mohamad Ben Salmane, le prince héritier saoudien, et Jarred Kushner, le gendre du président américain.
Mohamad VI a mis à profit la visite du pape François au Maroc, fin mars 2019, pour proposer conjointement avec le souverain pontife une internationalisation de la ville sainte afin de «conserver» et de «promouvoir le caractère spécifique multi-religieux, la dimension spirituelle et l’identité culturelle particulière de Jérusalem».
Six câbles diplomatiques traitent de la question des rapports entre le Maroc et les pétromonarchies du Golfe : le premier préconise d’ «écarter Mozza Bint Misnad de la famille royale marocaine» en infiltrant l’entourage du Roi par la multiplication des occasions de sociabilité mondaine (congrès, visites) de manière à être en mesure d’influencer les décisions du Palais.
Câble signé du premier secrétaire de l’ambassade des Emirats Arabes Unis à Rabat Seif Khalifa Al Taniji.
Décrivant la stratégie du Qatar envers le Maroc, la mission émiratie relève que l’entrisme de Doha s’est fait par le biais du «Parti de la Justice et du développement» en raison des affinités idéologiques de ce parti avec la confrérie des Frères Musulmans.
Il note à ce propos les éléments suivants:
-«Renforcement des liens du Qatar avec le «Parti de la Justice et du Développement» de manière à élargir son assise sociale et partant sa base électorale.
-Soutien aux associations de bienfaisance relevant du PJD et amplifier la couverture médiatique du Parti en vue de favoriser les adhésions ce mouvement. Un budget d’un milliard de dollars a été alloué pour cette diplomatie d’influence tant au Maghreb que dans les pays voisins.
Le câble en date du 21 novembre 2017 s’attache au rôle de la princesse Lalla Salma dans la visite du Roi du Maroc au Qatar. La missive relève à cette occasion «l’usage pour la première fois par Mohamad VI de l’expression « les liens de fraternité et de considération mutuelle qui lient nos deux pays », déduisant par là un infléchissement de la traditionnelle politique de proximité de la monarchie chérifienne avec la dynastie wahhabite.
Le diplomate recommande d’amplifier les relations entre les deux cours royales en vue d’écarter la princesse Mozza, dont le Qatar s’en sert pour développer les relations avec les épouses des chefs d’état arabe.
En fait, le Maroc était engagé au sein de la coalition monarchique dans sa guerre d’agression contre le Yémen, mais le traitement cavalier des saoudiens et des émiratis lors de la destruction d’un avion marocain par les tirs houthistes et la mort du pilote marocain ont quelque peu refroidi les ardeurs du Maroc devant une guerre jugée incompréhensible à ses yeux par la population marocaine. Une crise larvée s’est développée entre Riyad et Rabat, accentuée par le vote de l’Arabie saoudite en faveur des Etats Unis, -et contre le Maroc-, pour l‘attribution de la coupe du Monde Football 2026 et le refus de Rabat de livrer à la justice saoudienne un prince saoudien refugié au Maroc.
Profitant de la crise provoquée par l’assassinat de Jamal Khashoggi, Mohammed VI a tenté de se démarquer d’un allié devenu infréquentable et de jouer la carte d’un multilatéralisme pragmatique fondé sur une stratégie d’endiguement des forces islamistes
Mère du Prince Tamim, la Princesse Mozza, alias «Banana Princess», selon la traduction littérale de son nom, est surtout la fille d’Abdallah Bin Minsad, surtout fille de l’ancien chef de l’opposition du Qatar avant le mariage de sa fille avec le souverain de l’époque Hamad Ben Khalifa Al Thani.
Le diplomate émirati ne mentionne jamais le titre de Princesse quand il évoque le cas de la princesse Mozza, se contente de la désigner sous son nom de jeune fille: Mozza Bint Misnad, comme pour suggérer que ses origines politiques d’opposante anti-monarchique l’habilite à assumer un rôle d’ambassadrice informelle auprès des pays arabes.
Le Soudan : Tenir en laisse le Soudan pour prévenir toute défaillance dans les rangs de la coalition.
Hétéroclite, la coalition pétro-monarchique a constitué au choix, un nœud de vipères ou un panier de crabes pour les participants au sein de laquelle Qatar et Abou Dhabi se sont livrés une vive compétition pour l’aménagement de zones d’influence respectives dans le Yémen qu’ils ne sont pourtant pas parvenus à occuper après quatre ans de guerre.
Le Qatar s’est retiré depuis lors de la coalition ainsi que la Malaisie, alors que le Pakistan, traditionnel «Body Guard» de la dynastie wahhabite, a refusé se de joindre à cette équipée sauvage, de même que l’Egypte et la Turquie. Redoutant une débandade, le duo a décidé de serrer les boulons pour prévenir de nouvelles défections, avec en tête de ses priorités, le Soudan.
Le duo a ainsi décidé de mettre sous pression le Soudan pour le contraindre à maintenir sa présence au sein de la coalition sunnite dans la guerre contre le Yémen, invoquant la duplicité du régime de Khartoum, notamment ses sympathies à l‘égard des Frères Musulmans, une accusation récurrente du tandem.
Dans son «offre globale» présentée par Mohamad Ben Salmane au président Donald Trump en vue de faire accéder l’Arabie saoudite au rang de partenaire privilégié des Etats Unis au même titre qu’Israël, le prince héritier saoudien s’était même engagé à faire pression sur le président Omar Al Bachir en vue de le contraindre à octroyer une base américaine au Soudan, sur la Mer Rouge, sans se donner la peine de solliciter l’avis du président soudanais.
L’alerte a été jugée suffisamment sérieuse pour que les scribes diplomatiques des deux cobelligérants lui consacrent une série de câbles alarmistes:
Duplicité du Soudan: Il combat avec nous mais son cœur est avec les Frères Musulmans ?
Khartoum manœuvre, priorité aux pressions contre le Soudan
Epilogue: Omar Al Bachir, la chute d’un opportuniste à tout crin
Pantin désarticulé aux mains de ses commanditaires successifs, opportuniste à tout crin, le président soudanais, le général Omar Al Bachir, a été évincé du pouvoir le 11 avril 2019 au terme de 30 ans de pouvoir marqués par l‘amputation du territoire national du sud Soudan et des ressources énergétiques y afférentes.
Pour sa survie politique, le Soudanais s’est débarrassé de tous ses alliés encombrants aux yeux des pays occidentaux, livrant l’internationaliste Carlos à la France, expulsant Oussama ben Laden de Khartoum vers le Pakistan, souscrivant à l’amputation du sud Soudan du territoire national.
Appâté par une promesse saoudienne de subvention de 3 milliards de dollars en vue de relancer son économie chancelante en contrepartie de son engagement dans l’agression pétro-monarchique contre le Yémen, Omar Al Bachir va transformer son armée nationale en une armée mercenaire. Mandaté par les pétromonarchies, il boira la coupe jusqu’à la lie en se rendant en mission officielle auprès du président syrien Bachar Al Assad pour lui faire part de l’intention des roitelets du Golfe de faciliter la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue Arabe, avant que ses commanditaires ne se rétractent.
Le coup de semonce lui sera asséné toutefois par le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, -en s’engageant à l’insu du Soudanais et pour complaire à son partenaire américain Jared Kushner-, d’aménager une base américaine au Soudan sur les rives de la Mer Rouge. Une demande difficile à satisfaire dans un pays au bord de l’explosion populaire.
Arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’état, le général Omar Al Bachir en sera évincé trente ans plus par une révolution de palais articulée sur un soulèvement populaire. Placé en résidence surveillée, il vit sous la menace d’une comparution devant la Cour Pénale Internationale pour «crimes contre l’humanité». La servilité extrême à l’égard de l’Occident ne garantit pas une impunité. Cela vaut pour le Soudan, comme auparavant pour le Chah d’Iran comme éventuellement à l’avenir pour Abou Dhabi ou l’Arabie saoudite.
René Naba
SOURCE: Article publié en partenariat avec Madaniya info