Manifestations « historiques », grèves reconductibles, mais aussi ronds-points occupés ou spectacles annulés : les syndicats vont essayer de mettre la France « à l’arrêt » mardi, jouant leur va-tout face au gouvernement, à quelques jours d’une probable adoption de la réforme au Sénat.


 

 

Une France à l’arrêt, « c’est évidemment mauvais pour nos concitoyens », et « les premiers pénalisés, quand on a des grèves, ce sont les Français les plus modestes », a critiqué lundi soir la Première ministre Elisabeth Borne, défendant sur France 5 une réforme qui assurera la pérennité d’« un des piliers de notre modèle social ».

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a prédit lundi une « journée de mobilisation extrêmement puissante » et appelé le président de la République à ne pas « rester sourd ». « On peut faire plus fort que le 31 janvier qui était déjà la plus grosse journée de mobilisation depuis le début des années 1990 », a-t-il affirmé.

Les syndicats avaient alors rassemblé 1,27 million de manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats. Les renseignements prévoient selon une source policière entre 1,1 et 1,4 million de participants mardi, dont 60 à 90 000 à Paris. La CGT prévoit au total 265 rassemblements.

La manifestation parisienne s’ébranlera à 14h00 de Sèvres-Babylone, en direction de la place d’Italie.

Sondage après sondage, les Français restent très majoritairement opposés à cette mesure, même s’ils pensent qu’elle sera mise en œuvre in fine.

 

« Semaine noire »

 

Cette sixième journée depuis le lancement de la contestation marquera le lancement ou la poursuite de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs, des transports aux raffineries en passant par l’énergie, le commerce ou les déchets. La SNCF et la RATP prévoient un trafic très perturbé mardi mais aussi mercredi. Dans les airs, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies de réduire de 20 à 30 % leurs programmes de vols le mardi et le mercredi. Les routiers ont rejoint le mouvement, certains syndicats comme Force Ouvrière-UNCP appelant à se mobiliser dès dimanche soir.

Dans l’éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit « plus de 60 % » d’enseignants grévistes dans le premier degré » et « plusieurs milliers d’écoles » fermées mardi. Une vingtaine de blocages sont prévus dans les universités, selon Eléonore Schmitt, porte-parole de L’Alternative.

Le secrétaire général de la CGT Energie, Sébastien Ménesplier, a prévu une « semaine noire » dans le secteur, avec des baisses de production principalement dans le nucléaire.

Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) en France, ont été mis à l’arrêt pour « sept jours », a indiqué lundi soir la CGT Elengy.

Les syndicats s’attendent en outre à des initiatives plus inhabituelles : rideaux de magasins fermés, péages ouverts, ronds-points occupés — ces derniers modes d’action rappelant ceux des Gilets jaunes en 2018-2019 —, ou spectacles annulés, comme à Lille au Théâtre du Nord.

Plusieurs manifestants ont commencé à bloquer dans la nuit de lundi à mardi un important axe routier de Rennes (Ille-et-Vilaine), la route nationale 24, a constaté un vidéaste de l’AFP. Une cinquantaine de CRS sont présents sur les lieux, ainsi que des pompiers, et de nombreux foyers d’incendie sont visibles dans la zone.

La semaine sera émaillée d’autres mobilisations, en parallèle des débats au Sénat, qui s’achèveront quoi qu’il arrive vendredi : « grèves féministes » le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, avec « 166 points de mobilisation enregistrés contre 60-70 les autres années », selon Solidaires ; mobilisation de la jeunesse jeudi ; grève nationale pour le climat vendredi, une problématique que certains syndicats lient à celle des retraites.

« Demain ça va être réussi, ça va être salé », prévoit une source au sein de Renaissance. Une source gouvernementale dit s’attendre « à une mobilisation similaire à la première journée d’action », celle du 19 janvier qui avait réuni 1,12 million de personnes selon l’Intérieur. Le gouvernement compte sur l’adoption au Sénat de la réforme d’ici dimanche, et envisage « un vote le 16 mars » dans les deux chambres. « Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau », dit cette source, qui escompte un désengagement des syndicats réformistes.

Interrogé lundi soir sur RTL, Laurent Escure (Unsa) a prévenu que la mobilisation ne s’achèverait pas nécessairement avec le vote du projet de loi. « Une loi adoptée, elle peut être abrogée », a-t-il pointé.

L’intersyndicale se retrouvera mardi soir au siège de Force ouvrière, occasion d’annoncer un « autre temps fort ».

 

AFP