Rien de réjouissant en ce qui concerne la Cité Européenne du Théâtre de Montpellier : des désaccords non résolus, le départ du directeur général. Mais toujours des levers de rideau !
L’annonce officielle du départ de Jean Varela de la direction générale de la « Cité Européenne du Théâtre et des Arts Associés – Domaine d’O » n’a pas été vraiment une surprise, bien qu’un silence général ait été observé pendant plusieurs semaines, étant donné les difficultés actuelles. Vendredi dernier, la Région, la Métropole et la Ville de Montpellier, et l’EPCC (Établissement Public de Coopération Culturelle), qui réunit Domaine d’0 et Printemps des Comédiens, ont publié l’annonce : « Aucun accord contractuel n’a été trouvé avec Jean Varela, pourtant pressenti pour assurer la direction générale. » Le communiqué salue ensuite l’engagement de l’artiste, son rôle dans le rayonnement artistique et culturel, et garantit la continuité de l’action grâce aux intérims de direction, Alexis Gangloff et Éric Bart. Surtout, il confirme la tenue des festivals en 2026 et prévoit un imminent appel à candidatures pour le poste quitté par Jean Varela.
Les finances sur le devant de la scène
Le même jour, le Printemps des Comédiens, qui est en cours de liquidation pour être absorbé par le nouvel EPCC, a publié les conclusions officielles de ses finances, et a pris position : « Forte de ce bilan, l’association (…) ne peut qu’exprimer son désaccord à l’annonce du départ forcé de son directeur artistique Jean Varela. » Le Conseil d’Administration rappelle qu’en quinze ans celui-ci a hissé le Printemps des Comédiens au rang de deuxième festival de théâtre en France, juste après Avignon.
Les conclusions financières publiées notent un compte positif et un excédent de 183 000 €, un solde reversé à l’EPCC de 60 000 €, la cession d’un matériel scénique évalué à 320 000 €, la cession de la marque du festival et d’une billetterie de 30 000 noms, et des revenus de la tournée internationale de Bérénice, spectacle créé par Isabelle Huppert avec le Printemps.
Le mystère reste entier cependant, et le départ de Jean Varela vient occuper les esprits, relancer les affrontements qui ont secoué le monde culturel suite à la diminution des subventions de la plupart des partenaires publics. D’autres départs ont été moins visibles, mais ils sont au nombre de trois : la démission de Céline Sala-Pons représentante au CA, celle de Jacky Vilacèque, journaliste et écrivain, qui soutient le Printemps depuis sa création, et celle du directeur technique Nicolas Missen, qui a préféré rompre à la fin de son CDI.
Pourtant, Jacky Vilacèque, vice-président de l’association, assurait le mois dernier : « Il n’y a pas eu de mauvaise gestion et on n’est pas dans le rouge ! Le festival va fêter son 40e anniversaire la tête haute ! » Mesquineries et rivalités politiques ne sont pas une nouveauté autour d’une personnalité connue comme Varela, et plutôt que d’imaginer les pressions subies, mieux vaut reconnaître les étonnantes créations récentes qui confirment l’identité du Printemps, la fameuse Bérénice bien sûr, mais aussi Après la répétition/Persona d’Ivo van Hove en 2023, deux créations montpelliéraines.
Un compte de fait…

Le nouveau chapitre de l’histoire avait plutôt bien commencé. Le 11 octobre 2024, après l’installation des statuts, du CA, du budget, de la présidence accordée au maire de Montpellier Michaël Delafosse (la vice-présidence à Éric Penso, vice-président de Montpellier Méditerranée Métropole, délégué à la Culture et Patrimoine historique), ce dernier annonce que le directeur général de la Cité Européenne sera Jean Varela, directeur du Printemps des Comédiens depuis 2011, dont le CDI devient un CDD de trois ans au 1er janvier. Il précise qu’il n’y a pas lieu de faire appel à candidatures, « un fait rare mais volontaire ». Tout cela est approuvé à l’unanimité et est suivi d’un discours de Jean Varela qui retrace l’histoire du festival depuis sa fondation par Jean-Claude Carrière, et présente sa vision politique et urbaine, son projet social, humain, économique et artistique à travers les festivals, la perspective du Domaine d’O et ses réussites théâtrales. Il conclut avec panache : « C’est ici que peuvent s’explorer les expérimentations de liens nouveaux, de langages nouveaux, des rafraichissements de la pensée. C’est au théâtre qu’on peut rire et pleurer, se défaire et se refaire et c’est au Domaine d’O que nous pourrons ensemble affirmer que oui, la pensée est le plus grand divertissement pour l’homme. »
Au printemps la situation devient tendue, et certaines informations en annexe du Conseil d’Administration ouvrent des questions financières. Renaud Calvat, qui remplace Michaël Delafosse et Éric Penso, souhaite une réunion avec le Président du Conseil Départemental Kléber Mesquida et la Région. Jean Varela présente le budget artistique : 350 000 € consommés après Saperlipopette, et 550 000 € restants pour finir la saison. Il estime impossible de faire ce qui est demandé, en dépit des annulations et de l’attente du public. Le représentant de la Métropole estimant que le budget n’est pas que ces 900 000 € et que d’autres budgets doivent être ajoutés, le directeur général insiste et évoque la réduction du festival, la baisse de la billetterie. Il est aussi question d’une Dailly du Printemps (financement bancaire court terme pour créances), du rachat du matériel scénique prêté gracieusement, de la vente de la Baraque Dromesko, des versements de la Région, de l’État… Des histoires anciennes. Jean Varela alerte sur le fait que si le CA ne réfléchit pas sur la situation de l’EPCC « celui-ci ne sortira jamais de l’ornière ». Sans doute une des raisons pour lesquelles un « accord contractuel » n’a pas été trouvé.

Sans Folies, quand la Cité trouve son EKilibr
L’objectif annoncé par les responsables culturels est de remplacer Jean Varela avant l’été. 2026 arrive à grands pas et on attend impatiemment l’annonce des programmes. Pas de « Folies d’O », le festival de cet été, qui ne comptait qu’un seul programme invité, « The Opera Locos », était vraiment le dernier… « Une structure forte » subventionnée doit démarrer.
Les festivals Saperlipopette et le Printemps des Comédiens — qui célébrera ses 40 ans sans Jean Varela — sont maintenus en 2026, tout comme Arabesques, Radio France, Les Nuits d’O et Ekilibr. Une reconduction qui laisse toutefois les acteurs culturels comme le public dans l’incertitude.
Michèle Fizaine
Photo 1. Le Théâtre d’O est un lieu magique, un amphithéâtre unique pour accueillir les festivals. Crédit photo Cité Européenne
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