Les 22 et 23 octobre 2025, le tribunal correctionnel de Paris a jugé sept personnes pour cyberharcèlement aggravé et menaces de mort à l’encontre de Rébecca Chaillon, metteuse en scène de Carte noire nommée désir. Derrière leurs écrans, ces internautes ont déversé un flot d’insultes racistes contre l’artiste noire et ses comédiennes.


 

Au tribunal correctionnel de Paris, face aux juges, sept prévenus âgés de 45 à 70 ans écoutent la lecture des messages qu’ils ont publiés sur les réseaux sociaux entre le 25 et le 28 juillet 2023. Des propos d’une violence inouïe, visant Rébecca Chaillon, metteuse en scène de Carte noire nommée désir, un spectacle qui interroge les stéréotypes sur les femmes noires.

« Ce n’est pas un artiste. C’est une truie. Noire. Raciste. Immonde. »
« Il ne lui manque que l’os dans les narines. »
« Regroupez-moi tout ça en Afrique, ça n’a rien à faire en France. »

Autant de phrases glaçantes, d’une brutalité raciste assumée, qui ont profondément marqué l’artiste et dégradé ses conditions de vie. Ces internautes – pour la plupart n’ayant jamais vu la pièce qu’ils prétendaient dénoncer – ont participé à une campagne de haine collective sur les réseaux sociaux, entraînant des conséquences physiques et psychologiques graves pour la metteuse en scène.

 
Un spectacle féministe et panafricain pris pour cible

 

Dans Carte noire nommée désir, Rébecca Chaillon met en scène huit performeuses afrodescendantes qui explorent, à travers le corps, la parole et la mémoire, la manière dont les femmes noires ont été réduites à des fantasmes et à des clichés. Le spectacle célèbre la sororité, la dignité et la pluralité des identités noires. Mais cette œuvre, saluée par la critique, a déclenché une vague de haine en ligne. Pour une partie du public, la seule idée de femmes noires s’exprimant librement sur scène a suffi à raviver les réflexes racistes les plus nauséabonds.

Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) a salué le courage de Rébecca Chaillon et de toutes celles et ceux qui refusent de se taire face à la haine. Il s’est constitué partie civile. A la barre, l’avocate du MRAP, Maître Vanessa Zencker, a rappelé que ces propos, loin d’être de simples « débordements », relèvent du droit pénal. « Nous sommes ici pour rappeler que le racisme n’est pas une opinion, mais un délit. Internet n’est pas une zone de non-droit », a-t-elle souligné. Au-delà du cas individuel, cette affaire met en lumière l’urgence d’une éducation citoyenne au numérique. Les réseaux sociaux, trop souvent espaces d’impunité, deviennent le théâtre d’un racisme décomplexé. « Il faut apprendre dès le plus jeune âge à mesurer la portée de ses mots en ligne », a plaidé un représentant associatif présent au procès

Sept parmi des centaines : c’est le chiffre de ceux qui ont été retrouvés et poursuivis. D’autres, anonymes, ont disparu derrière leurs pseudonymes, mais la procédure a valeur d’exemple. Elle rappelle que la haine raciale, qu’elle s’exprime dans la rue ou sur Internet, reste une infraction pénale. Des peines allant de 3 à 6 mois d’emprisonnement avec sursis ont été requises mercredi à Paris contre sept personnes accusées d’avoir cyberharcelé Rébecca Chaillon. Au-delà de la sanction, pour les artistes concernées c’est la reconnaissance de leur dignité et de leur droit à exister pleinement comme femme, artiste et femme noire, qui se joue.