Le collectif « Nos services publics » a analysé deux décennies de politiques publiques et les a comparées à l’évolution des besoins, dans l’éducation, la santé, la justice, la sécurité ou encore les transports.


 

Selon les auteurs, les politiques publiques n’ont pas su s’adapter aussi rapidement à l’évolution de la société. Le secteur privé en profite donc pour se développer, en proposant une réponse à ces besoins non assouvis. Pour arriver à ce constat, le rapport s’appuie sur l’analyse de deux décennies de politiques publiques, en comparaison à l’évolution des besoins dans l’éducation, la santé, la justice, la sécurité ou encore les transports.

Des services d’urgence fermés certains soirs, des enseignants qui manquent à l’appel, des magistrats qui alertent sur leurs conditions de travail… Comment expliquer que les services publics “craquent” alors que la dépense publique augmente ? Ce paradoxe fait l’objet de nombreux débats, qui ont souvent pour point commun de se concentrer sur la question des moyens : les services publics coûteraient « trop cher » ou seraient à l’inverse « sous-financés », il y aurait « trop » ou au contraire « pas assez » d’agents publics.

Or, « débattre de l’évolution des services publics n’a de sens qu’au regard des évolutions sociales auxquelles ils répondent », écrit le collectif transpartisan Nos services publics dans son Rapport sur l’état des services publics, diffusé le 14 septembre. Ce texte de 160 pages, organisé autour de cinq thématiques (santé, école, transports, justice et sécurité, financement des services publics), propose de changer de prisme et de comparer l’évolution des besoins avec l’investissement dans les services publics.

« À l’arrivée, dans tous les domaines, on retrouve une courbe des besoins qui augmente et une courbe des dépenses qui progresse beaucoup moins vite », résume Arnaud Bontemps, magistrat financier co-porte-parole du collectif. Il s’agit du premier rapport de synthèse réalisé autour de ce collectif fondé en 2021, avec la contribution d’une centaine de chercheurs, de hauts fonctionnaires et d’agents publics. Si les constats ne surprendront pas les spécialistes de chaque secteur, la démarche a le mérite de poser de manière transversale la question de l’adaptation des services publics aux évolutions sociales.

Santé

Le nombre annuel de passages aux urgences est passé de 17 millions en 2010 à 21 millions en 2019, soit une hausse de « plus de 20 % en moins de dix ans ». Le vieillissement de la population et la « croissance massive » des maladies chroniques pèsent sur le système de santé, alertent les auteurs du rapport. Cela « nécessite une meilleure coordination et répartition des soins ». Dans le même temps, les cliniques privées « augmentent leur nombre de places ».

Justice

Concernant la justice et la sécurité, le « sentiment d’insécurité ressenti par la population demeure élevé ». Mais malgré l’augmentation des moyens alloués, les auteurs notent une « dégradation de la qualité et de l’efficacité de la réponse judiciaire ». Le délai de jugement d’une affaire civile devant le tribunal de grande instance, par exemple, est passé de sept mois en 2005 à 14 mois en 2019.

Éducation

Le rapport note aussi un « phénomène de massification » dans l’éducation : il y a de plus en plus de bacheliers et d’étudiants. « La proportion de diplômés du supérieur a été multipliée par deux en 25 ans chez les 25-34 ans. » Dans ce contexte, de plus en plus de parents se rabattent sur les écoles privées et les cours particuliers, mais majoritairement des « familles favorisées ». La « part des enfants à fort capital culturel » dans les écoles privées sous contrat est passée de « 29 % en 2003 à 40 % en 2021 ».

Les politiques publiques en matière d’éducation ne « parviennent pas à se renouveler » pour prendre en compte ces inégalités et le bien-être des élèves, insiste le rapport. D’après ses auteurs, les services privés sont plus coûteux pour l’État, et ils ne permettent pas un « accueil inconditionnel », contrairement aux services publics. Les inégalités ont donc encore tendance à se creuser.

« Ce développement d’un service privé entraîne progressivement la transformation du service public en un service minimum et dégradé, et, donc, la perte progressive de sa vocation universelle », alerte le collectif, qui espère susciter un débat public après ce rapport inédit.