« Yasmina Tellal, accompagnée d’autres ouvriers agricoles détachés, a levé le voile sur les conditions de travail très difficiles dans certaines exploitations du sud de la France. »


 

Pour Yasmine Tellal et une autre plaignante, ce procès qui se tiendra le 6 octobre 2025 devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence est sans doute l’ultime opportunité pour obtenir une reconnaissance juridique des préjudices subis dans leur exploitation en tant que travailleuses « détachées » dans l’agriculture en Provence.

Après avoir gagné en première instance aux Prud’hommes d’Arles1, puis au pénal à Avignon le 30 juin 2021 face à l’entreprise espagnole de travail temporaire (ETT) Laboral Terra, et aux entreprises utilisatrices françaises2, les travailleuses demandent réparation pour le détournement du système de travail détaché. Poursuivis pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’étrangers en France et pour travail dissimulé commis en bande organisée de juillet 2012 à mars 2018, les deux gérants ont été condamnés à cinq ans de prison (dont trois avec sursis), à 10 000 euros d’amende et à l’interdiction d’exercer une activité de mise à disposition de main-d’œuvre.

L’enjeu de ce pourvoi en appel est d’obtenir une requalification en CDI de ces faux contrats de mission, mais aussi de faire jurisprudence pour les milliers d’autres personnes concernées par ce système d’exploitation par les prestataires et par les entreprises agricoles utilisatrices. Signés sur le capot d’une voiture dans le sud de la France, parfois même non signés de leur main, les contrats « de mise à disposition », tout comme les prétendus déplacements d’Espagne sont entièrement fictifs, puisque les salariées vivent, résident et travaillent en France depuis 2012. L’ETT Laboral Terra qui n’a aucune activité agricole en Espagne, s’est spécialisée dans la mise à disposition travailleur·se.s étranger·e.s précaires en France, comme le procès pénal l’a reconnu.

À ce titre, la fraude au détachement doit conduire à une requalification en CDI, au versement des diverses indemnités dues3 et à la reconnaissance des délits de prêt illicite de main-d’œuvre et de marchandage envers des saisonnières agricoles dont la vulnérabilité économique (et sanitaire) était apparente et connue de l’ETT et des entreprises utilisatrices, constituant une discrimination liée à l’origine et au genre.

 

CODETRAS (Collectif de défense des travailleurs et travailleuses étrangères dans l’agriculture).

www.codetras.org

codetras@espace.asso.fr

Lire aussi : Droit du travail : Quels sont les droits des étrangers au travail ?

Notes:

  1. Le 22 septembre 2020, le Tribunal des Prud’hommes d’Arles a condamné l’entreprise de travail temporaire Laboral Terra pour manquement à ses obligations légales et conventionnelles en matière de respect de salaire minimum, de paiement des heures supplémentaires, de congés payés, de retenues frauduleuses sur salaires, de privation de visite médicale avant l’embauche.
  2. Le jugement du Conseil des Prudhommes a reconnu la responsabilité solidaire des huit entreprises utilisatrices françaises, sachant que l’entreprise de travail temporaire espagnole a déclaré faillite en 2020.
  3. Diverses indemnités : de requalification, compensatrice de préavis, de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de maladie et de perte de chance de protection quant à l’accident du travail.
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