Vote de confiance : une manœuvre risquée pour Bayrou qui tire sa dernière cartouche, un test politique pour les députés. Le Parlement est appelé à choisir son camp : celui de la soumission technocratique, ou celui de la démocratie vivante.
En annonçant un vote de confiance anticipé devant l’Assemblée nationale le 8 septembre, François Bayrou tente de reprendre la main sur une rentrée marquée par la contestation sociale et la défiance démocratique. Derrière ce geste présenté comme un sursaut de responsabilité, se dessine en réalité une stratégie typique de l’extrême centre : imposer un cadre autoritaire sous couvert de rationalité, contourner le débat citoyen, et verrouiller l’espace politique en disqualifiant toute opposition.
La méthode est désormais bien rodée. Plutôt que d’engager un dialogue ouvert avec une société civile en ébullition, ou de répondre aux aspirations populaires exprimées lors des dernières mobilisations et élections, François Bayrou choisit l’artifice. Le vote ne portera pas sur un programme précis — le budget ne sera connu qu’en octobre — mais sur la « nécessité d’un plan d’ensemble », formule floue qui masque mal une orientation ultralibérale assumée : austérité, privatisations, réformes structurelles.
Ce choix tactique n’a rien d’anodin. Il vise à neutraliser la journée de mobilisation nationale prévue le 10 septembre, en saturant l’espace médiatique deux jours plus tôt. Il vise aussi à piéger les députés, sommés de soutenir un Premier ministre affaibli sous peine de provoquer sa chute — et potentiellement une dissolution. Une stratégie de la tension, typique de ce que certains observateurs appellent désormais l’extrême centre : ce courant autoritaire, déguisé en modération, qui gouverne sans le peuple mais contre lui, en érigeant l’ordre budgétaire et les intérêts financiers en dogme absolu.
Depuis 2017, cette posture a été institutionnalisée. Elle s’est construite en opposant les “raisonnables” — les partisans du pouvoir en place — aux “déraisonnables” — tous ceux qui contestent le récit officiel. Les revendications sociales ? Disqualifiées comme populistes. L’écologie politique ? Réduite à du marketing vert. La démocratie participative ? Écartée au profit d’une verticalité technocratique. Le vote de confiance du 8 septembre s’inscrit pleinement dans cette logique : celle d’un pouvoir qui ne veut plus composer, mais imposer.
Pourtant, l’alternative existe. Une large partie des citoyens exprime aujourd’hui le désir d’une démocratie plus délibérative, plus ouverte, plus en prise avec les réalités sociales. Le refus d’ouvrir le jeu politique à la gauche, pourtant majoritaire dans certaines configurations parlementaires, comme le refus d’entendre les mobilisations sociales, illustrent une fermeture complète du système. Ce que François Bayrou propose n’est pas un débat, mais un ultimatum.
Dans ce contexte, la responsabilité des députés est immense. Continueront-ils à légitimer un gouvernement rejeté par une majorité de Français, ou choisiront-ils de s’émanciper de cette logique de contrôle pour renouer avec les attentes populaires ? Leur vote devra être observé de près, car il dessinera les contours du paysage politique à venir : celui d’un pouvoir de plus en plus vertical, ou celui d’un renouveau démocratique.
Le 8 septembre ne sera pas un moment anodin. Il dira si la démocratie parlementaire reste un contre-pouvoir ou si elle se transforme définitivement en chambre d’enregistrement d’un extrême centre sourd à la colère sociale.
Photo d’archive : François Bayrou et Emmanuel Macron, le 30 septembre 2022, à Pau. « Le Parlement a le pouvoir de renverser le gouvernement, c’est la motion de censure, mais, à l’instant où il renverse, forcément il met en jeu sa propre vie », soulignait déjà François Bayrou à cette occasion. Crédit Photo J-C Coutausse Le Monde