Sans tenir compte du climat, ni du contexte politique toujours aussi chaotique, le Premier ministre français tient le cap du libéralisme économique1, en proposant, le 15 juillet, un effort de rigueur budgétaire supplémentaire de 43,8 milliards d’euros sur les dépenses publiques en 2026. Une annonce quasi spectrale, à la limite de la parodie, alors que son gouvernement entonne le chant du cygne avant les débats attendus au Parlement à l’automne.
Remarquable, François Bayrou parvient encore à nous surprendre en adoptant la méthode du teasing pour préparer le lancement de son plan d’orientations budgétaires. S’il n’est ni parvenu à susciter l’intérêt du public pour le lancement de son produit, ni à faire croître sa notoriété, on peut lui accorder un respect infini pour ses compétences en mise en scène. Très classique dans la forme, et radical sur le fond, après un flagrant délit de mensonge dans l’affaire Betharram, il fallait quand même oser intituler l’événement « Le moment de vérité » pour les finances publiques.
Aidé d’un prompteur pour la fluidité du propos, dans le costume du père de famille responsable enclin à vous faire la morale et à vous tirer l’oreille, le Premier ministre a dressé un tableau des finances publiques en parfaite conformité avec les objectifs néolibéraux. Réduire les dépenses sociales et les effectifs de fonctionnaires, évoquer une « contribution de solidarité » instaurée pour les plus riches sans en délimiter les contours, améliorer le quotidien des entreprises en réduisant leurs obligations, accentuer la pression sur les demandeurs d’emploi, ponctionner les retraités, supprimer des acquis sociaux, demander à tous.tes les Français.e.s de travailler comme des esclaves modernes sans augmenter les salaires, opérer des coupes dans le système de santé déjà cliniquement mort…
« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », disait la philosophe Christine de Pizan, et elle ajoutait : « Tu veux colporter de telles accusations, pour mieux couvrir ta fausse tromperie. Mais je ne suis pas, comme toi, faussaire, toi qui, trompeur, n’es fait que de menterie. » Faire peser la dette sur les droits sociaux et le coût des services publics revient à masquer les choix politiques. Le choix d’accroître les inégalités et d’enrichir les ultrariches et les multinationales.
La commission d’enquête sénatoriale vient de rendre un rapport édifiant sur les aides publiques aux entreprises. Plus de 2 200 dispositifs recensés, versés sans contrôle ni conditions. Le montant de ces aides s’établissait entre 205 et 223 milliards d’euros en 2019, selon l’origine des estimations, et à au moins 211 milliards d’euros en 2023. Elles représentent donc le premier budget de l’État. C’est à cet endroit qu’il faut chercher l’origine de « la malédiction » de la dette.
De quoi François Bayrou est-il le nom ?
Pour justifier cette politique, le Premier ministre déroule un scénario pathétique en faisant le parallèle entre le budget de l’État et un modeste budget familial. Peut-être s’appuie-t-il sur le constat que faisait De Gaulle dans ses mémoires : « Les Français sont des veaux. Les veaux sont faits pour être bouffés. » Et s’attribuera-t-il la suite de cette réflexion à l’automne : « Je ne veux pas rester à la tête des veaux. Je me retire ! » ?
La vérité dans le discours du Premier ministre sur le budget est sans doute à chercher dans ce qu’il a dit du gouvernement dont il a la charge. Il « ne cherche pas à se préserver et à durer, il veut changer les choses, qu’importe le risque ». C’est à cela qu’Emmanuel Macron devait penser quand il a choisi son Premier ministre en piochant au musée Grévin des personnalités politiques du XXe siècle. Le président vient encore de lui rendre hommage lors du Conseil des ministres en saluant un plan qui a « la vertu du courage, de l’audace et de la lucidité ». En somme, Bayrou réunit toutes les qualités de l’outsider docile et dépassé qui n’endossera jamais le maillot jaune. Alors quand le Poulidor de la politique monte sur le podium pour un « moment de vérité », qui peut-il encore convaincre ?
Jean-Marie Dinh
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