Le comité Vérité et Justice pour Bilal appelle les habitant.e.s à témoigner pour faire toute la lumière sur les circonstances du décès de Thibault Weninger, surnommé Bilal, après sa chute en scooter, vendredi 24 janvier à La Faourette. L’enquête en cours doit conduire à la manifestation de la vérité.
Il y a foule ce vendredi 21 février au marché de Bagatelle1, situé dans le quartier La Faourette. En pleine vacances scolaires, les gens profitent des étals bien achalandés. À proximité, les militant.e.s ont posé une table avec des tracts et une banderole : « Comité Vérité et Justice pour Bilal ».
Créé début février, le Comité entend agir pour que la mort de Thibault Weninger, dit Bilal, ne tombe pas dans l’oubli. Il exige que toute la lumière soit faite sur les causes de sa chute mortelle en scooter au rond-point de la rue de l’Ukraine à La Faourette, vendredi 24 janvier.
« Un certain nombre de témoignages nous amènent à penser que Bilal n’est pas mort tout seul : la police nationale et la police municipale, présentes, sont à l’évidence à l’origine de son décès, soit en ayant provoqué sa chute, soit en n’ayant pas, ensuite, assuré une prise en charge adaptée », annonce clairement le tract. Et de continuer : « Nous ne pouvons qu’espérer et exiger fermement que les investigations policières révéleront la vérité en toute transparence. Nous serons patients, mais chacun peut comprendre qu’une famille endeuillée a le droit de savoir aussi rapidement que possible ce qui a causé la mort de l’un des siens. »
D’où la présence de ces militant.e.s, aux côtés de la famille, allant à la rencontre des personnes habitant le quartier, ou pas, afin de recueillir des témoignages du drame survenu il y a un mois.
« Un climat d’intolérance »
Nadia et Laayla, les belles-sœurs de Thibault, et Hanane ne comprennent pas pourquoi, malgré le nombre impressionnant de personnes déambulant, près du rond-point ce 24 janvier, peu de témoins se sont manifesté.e.s. Hanane, l’épouse courage de Bilal, dialogue avec une dame qui était sur place ce jour-là. « J’ai vu qu’il y avait beaucoup de monde et que la police le serrait ». Hanane et sa sœur Layla soulignent l’importance de ces propos, « j’ai peur de témoigner », répond-elle, puis se ravisant : « je vais réfléchir. »
La peur, enfouie dans les profondeurs de l’inconscient, paralyse la réflexion et l’action. Le climat d’intolérance actuel instigué par le pouvoir politique et les forces fascisantes, qui court depuis de longues années, n’est pas fait pour apaiser ce ressenti quand les populations des quartiers populaires sont systématiquement montrées du doigt. Dans ce contexte délétère, « on a peur des jeunes, on a peur pour les jeunes, on a peur des flics mais, en même temps, on est content de les avoir. Les gens voient des choses chez des policiers qui outrepassent la légalité. Alors que nous essayons de créer un climat de confiance auprès des institutions, ces comportements viennent tout démolir », analyse une éducatrice de terrain.
« Quand est-ce que ça va s’arrêter ? »
Des passant.e.s s’arrêtent. Patrice vit en Bretagne et trouve dramatique le décès du jeune papa, il emporte le tract pour le partager en famille. Ce couple de Verfeil est visiblement ému. Lui, médiateur social à Bellefontaine, comprend l’exigence de vérité qui anime la famille et ses soutiens. Un habitant constate que, « malheureusement », l’histoire continue. « Ils ont tous les droits, ça fait longtemps que ça dure, quand est-ce que ça va s’arrêter ? » Une maman vit à la Roseraie, un autre quartier de la ville. On lui tend quand même un tract, qui contient le numéro de téléphone de l’appel à témoins, parce qu’elle peut rencontrer quelqu’un.e qui a vu ou qui sait quelque chose, les gens circulent, se déplacent. Et cette initiative paye : une voix a laissé, sur le répondeur, un témoignage important sur ce qu’elle a vu.
Dépôt d’une plainte auprès du procureur de la République
Les avocats de la famille ont déposé plainte auprès du procureur de la République. Actuellement, la police judiciaire est chargée de l’enquête. Chaque vendredi, les militant.e.s du Comité Vérité et Justice pour Bilal resteront mobilisé.e.s au marché de Bagatelle2, le temps qu’il faudra, jusqu’à l’éclosion de la vérité. Le maire, Jean-Luc Moudenc, avait adressé une lettre de condoléances à Hanane quelques jours après le décès de son époux. Plus que des mots, tout réconfortants qu’ils soient, la famille a besoin d’actes concrets éclairant les conditions du décès de Thibault Weninger, appelé Bilal. Responsable de la police municipale, le premier magistrat de la Ville rose a le pouvoir et le devoir d’intervenir dans ce sens.
Piedad Belmonte
Appel à témoins : si vous avez vu quelque chose, il est essentiel d’en informer la famille au 07 73 09 34 87.
Crédit Photo altermidi Piedad Belmonte
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