« Pendant quinze mois, les habitants de la bande de Gaza ont vécu un enfer indescriptible. Ce n’était pas simplement une guerre, mais une extermination, une punition collective infligée à des civils innocents, dont le seul crime était d’être nés Palestiniens. »


 

« Le cessez-le-feu n’a pas marqué la fin de la souffrance, mais plutôt le début d’un nouveau chapitre du désastre. Ceux qui ont survécu se sont retrouvés à la rue, sans abri, sans nourriture, sans eau potable, avec pour seule compagnie l’air glacial qui transperçait leurs corps et l’odeur de la mort omniprésente. Comment pouvaient-ils reconstruire leur vie au milieu de tant de destruction ? Comment peut-on survivre dans une ville devenue un immense cimetière de béton et de cendres ? »

Ces mots sont un extrait d’un des derniers textes envoyés par Abu Amir le 15 Février. Et pour couronner la situation, on peut dire que maintenant l’avenir de Gaza est dans le vent ; dans le vent de la folie de la nouvelle équipe américaine, dans le vent du silence de la communauté internationale à ce plan totalement sinistre et scandaleux de Trump, un nettoyage ethnique !

Pour savoir et comprendre ce qui continue de se passer depuis l’accord de cessez-le-feu signé, penchons nous sur le rapport hebdomadaire communiqué par l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), département du secrétariat de l’ONU), qui donne des informations précises sur les morts, les blessés, les destructions, les blocages de l’aide qu’elle soit alimentaire, médicale ou structurelle.

« Le 9 février, dans le cadre de la première phase de 42 jours de l’accord de cessez-le-feu, les forces israéliennes ont achevé leur retrait du couloir Netzarim. Le 10 février, l’armée israélienne a annoncé que le mouvement de personnes à pied via la route de Salah Al Deen serait autorisé et que la circulation des véhicules vers le nord sur la même route continuerait d’être inspectée. »

Cette inspection, ou plutôt ces checkpoints sont tenus maintenant par des sociétés de sécurité privées américaines dont la seule mission semble être d’entraver la circulation et d’humilier les voyageurs. Des milliers de véhicules font la queue pendant des heures, leurs passagers souffrant de privations et d’humiliations en attendant d’être autorisés à traverser vers leurs zones.

 

Les habitants exposés à des risques accrus

En ce qui concerne les destructions de logement et les risques encourus pour les gazaoui.e.s qui retournent par exemple à Gaza-ville, voilà ce que dit le rapport de l’OCHA au 11 Février :

Avec 92 % des habitations endommagées ou détruites à Gaza, les habitant.e.s de Gaza sont exposés à des risques accrus, selon les clusters « Abri » et « Protection ». Entre autres, la grave pénurie de matériel de logement et d’abris adéquats a contraint de nombreuses familles à cohabiter dans des tentes uniques, créant des conditions de vie dangereuses et indignes, en particulier pour les femmes et les jeunes filles. En outre, elle a contraint certains enfants à vivre seuls, même lorsque des parents sont disposés à fournir des soins. Faute d’espaces séparés et sûrs, ils sont confrontés à des risques accrus de violence sexiste, d’aggravation des niveaux d’hygiène personnelle, y compris d’hygiène menstruelle, et d’une vulnérabilité croissante aux risques pour la santé mentale et physique.

En outre, la rareté des matériaux d’abri exacerbe les déséquilibres de pouvoir existants, laissant les groupes les plus vulnérables, tels que les ménages avec une femme chef de famille, les mineurs non accompagnés et les personnes handicapées, à un risque accru d’exploitation alors qu’ils ont du mal à accéder au logement dont ils ont besoin. De nombreux Palestiniens sont également contraints de chercher refuge dans des bâtiments endommagés et sont donc exposés aux dangers des restes explosifs de guerre. Avec l’hiver bien engagé, près d’un million de Palestiniens déplacés ont encore besoin d’aide immédiate pour se protéger des conditions météorologiques difficiles, des familles se contentant de coudre de vieux sacs de riz pour s’abriter. Dans le même temps, en l’absence de matériel d’abri approprié pour créer des espaces sûrs, la protection de l’enfance et les efforts d’intervention en faveur de la violence sexiste restent gravement limités.

En ce qui concerne l’évacuation prévue par l’accord des malades et des blessés nécessitant une intervention médicale urgente voilà la situation : Entre le 5 et le 10 février, 256 malades et blessés, dont 56 enfants, et 327 accompagnants ont été évacués en Égypte par le point de passage de Rafah pour y recevoir des soins spécialisés. Au total, les évacuations sanitaires ayant commencé par le passage de Rafah le 1er février, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appuyé l’évacuation médicale de 360 patients, dont 156 enfants. Entre 12 000 et 14 000 personnes, dont environ 5 000 enfants, ont encore besoin d’urgence d’une évacuation sanitaire.

 

Jeunes enfants et femmes enceintes en danger

En ce qui concerne la malnutrition qu’elle soit aigüe, grave ou chronique voici ce qu’écrit l’OCHA :
Alors que la malnutrition aigüe était quasiment inexistante à Gaza avant l’escalade des hostilités, le manque d’accès à une alimentation nutritive et aux services essentiels pendant 15 mois, y compris les soins de santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène, a entraîné sa propagation, en particulier chez les enfants de moins de deux ans et les femmes enceintes et allaitantes. On estime que 90 % ont connu une grave pauvreté alimentaire, consommant deux groupes alimentaires ou moins par jour et principalement des aliments de faible valeur nutritive tels que du pain et des légumes secs. Au total, le cluster Nutrition estime que l’ensemble des 290 000 enfants de moins de 5 ans et des 150 000 femmes enceintes et allaitantes ont besoin de compléments alimentaires et de micronutriments car chaque épisode de malnutrition aigüe a des effets à long terme, y compris sur le développement d’un enfant, et une mauvaise alimentation peut conduire à une malnutrition chronique (retard de croissance), ce qui rend la prévention essentielle.

Ce rapport hebdomadaire d’une dizaine de pages chaque semaine nous plonge dans un abîme sans fin de la réalité quotidienne aujourd’hui à Gaza, les bombes en moins… Et ne sont relatés dans cet article que certains éléments, la totalité étant effrayante.

 

Un enfer au quotidien

Deux des récits, parmi des milliers, rapportés par Abu Amir augurent de l’avenir sombre de Gaza :

Sawsan, une veuve de Jabalia, se tient chaque jour devant un amas de gravats où se trouvait autrefois sa maison pleine de vie. Elle attend, le cœur serré, que l’on retrouve sous les ruines les corps de ses trois enfants et de son mari. Chaque jour, elle observe les secouristes fouiller dans les décombres, et chaque jour elle retourne dans sa tente, l’espoir anéanti, priant pour un miracle qui tarde à venir.

Quant à Soumaya, mère de trois enfants à Gaza, sa vie est devenue une interminable file d’attente. Chaque jour, elle passe des heures devant les centres de distribution alimentaire ou devant les camions-citernes qui apportent de l’eau. Son mari a été tué au début de la guerre, et depuis, elle n’a connu aucun répit. « Je souhaite mourir mille fois par jour, mais quand je regarde mes enfants, je chasse cette idée de mon esprit. Ils sont ma seule raison de continuer, mais quelle vie est-ce que nous menons ? Ce n’est plus une vie, c’est un enfer. »

C’est un peuple qui est en train d’être anéanti sous les yeux du monde entier et pourtant Gaza continue de vivre et de crier, il est grand temps de l’entendre, d’intervenir !

Brigitte Challande

 

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.