Des idées pour les fêtes : suite et fin… provisoire !
Par Michèle Fizaine
Noël et Jour de l’An sont l’occasion d’offrir les musiques qu’on aime, et surtout d’en écouter de nouvelles. Dans ce domaine il s’agit toujours de faire une surprise ! Dernières suggestions
A voce di a terra, Eléonore Pancrazi, mezzo, Acte Six, Octav Records
La voix de sa terre, Eléonore Pancrazi a décidé de la faire entendre. Révélation des Victoires de la Musique Classique en 2019, elle possède un palmarès incroyable, cumule les prises de rôles, récemment à Montpellier, Toulon, Marseille. Elle rend hommage à son origine corse, et à cette fête personnelle elle invite Maurice Ravel, qui a l’âge de 20 ans harmonisa douze chants populaires corses, ayant pour thèmes : l’épopée, la politique, le foyer, l’amour, le travail, « Au mâquis », le sang et la mort. Ces manuscrits méconnus sont conservés au musée de Corte, ville natale de la mezzo. Elle croise ce répertoire avec le cycle de mélodies tziganes de Dvořák, un folk de Britten, un zeste de Rossini et d’Ambroise Thomas, un air connu de Canteloube. Tout cela est magnifiquement interprété, et la bravoure de ses graves, son timbre du Sud, chaleureux et charnel, évoquent les racines de chacun, un patrimoine musical. Elle le dit clairement : « J’ai voulu établir un programme illustrant le mariage entre la musique classique dite “savante” et la musique dite “folklorique” ».
Dédicaces, Laure Favre-Kahn, piano, Opus47
Faites-vous plaisir ! Imaginez que vous êtes parmi les invités de la pianiste Laure Favre-Kahn… Le confinement Covid lui a donné l’idée de dédicacer des œuvres : « J’avais envie de faire plaisir à des artistes que j’aimais et à des personnalités que j’admirais pour leur œuvre et leur engagement ». Sempé n’est plus présent mais aimait le Clair de lune de Debussy. Radulović, premier consulté, opte d’emblée pour Beethoven. Pour le clarinettiste Genisson, ce sera Gershwin, pour le jazzman Lagrène ce sera Liszt. Charles Berling, qui avait été la voix de son spectacle « Chopin confidences », maintient son choix, et Christian Lacroix, son couturier, choisit Ravel. Les 14 dédicataires ont inspiré le programme de cette soliste vedette qui a enregistré son premier album à 20 ans. Dans ce florilège qui est son 13e album solo, elle fait un pari peu ordinaire, dans un double hommage dont elle est le miroir. Elle est convaincante, a beaucoup à dire pour chacun, pour tous.
LELEU X 2 : Folies parisiennes, Romain Leleu, trompette, Julien Gernay, piano, Harmonia Mundi, et Virtuosi, Romain Leleu, trompette, Thomas Leleu, tuba, La Dolce Volta
Il n’y a pas que les anges qui jouent de la trompette, les cuivres sont de la fête, et Noël est aussi une belle fin d’année pour Romain Leleu. Avec les cinq compagnons à cordes du Sextet qui porte son nom il a traversé une passionnante Nuit fantastique où Nino Rota succède à Mozart, Cole Porter à Schubert, et Rossini à Sakamoto… Mais le rêve éveillé se poursuit avec un flash-back vers la Belle Epoque, ces « Folies parisiennes », où l’artiste ressuscite des instruments français, cornets et trompettes, conservés au Musée de la Musique. Cette drôle d’aventure dans le Paris de l’Exposition Universelle jusqu’aux années 50, partagée avec trois cuivres complices et Julien Gernay au piano Gaveau 1929, est aussi fantaisiste qu’époustouflante. Romain Leleu est bien loin du catalogue ou de la démonstration, il lâche toutes les couleurs, toutes ses forces expressives. Bien sûr Enesco et Honegger ouvrent le feu, mais il y a beaucoup à découvrir : Ravel, Debussy, Poulenc…
Ce n’est pas fini côté cuivres, car Thomas Leleu rejoint son frère, et son tuba est à l’honneur. On en rêvait. « Virtuosi », ils le sont, car le cadet est Victoire de la musique Révélation 2012, succédant à son frère couronné en 2009. C’est leur premier CD ensemble, incontournable pour ceux qui n’ont pas encore découvert les délices du tuba. Bach en tête, yess… Couperin et ses Barricades aussi… mais bien sûr l’incontournable Piazzolla, la formidable « Manhã de Carnaval », les inventions perso de Thomas Leleu, et même les « Ocells » de Pau Casals. Un grand bonheur.
Jardins d’hiver, Lucienne Renaudin-Vary, trompette, Warner Classics
Trompette non moins éloquente, Lucienne Renaudin-Vary n’a pas fini de surprendre, et les sorties hivernales de la jeune soliste aux pieds nus permettent de réaliser l’étendue de son talent. Encore une atypique Révélation des Victoires de la Musique, à 16 ans, en 2016. Dans son nouvel album, on redécouvre avec elle les grands classiques — Bach, Dvorak, Vivaldi, Rossini, Falla, Kreisler — qui côtoient des standards de Charlie Chaplin, Richard Rodgers, Matt Dennis ou encore Hugh Martin, soutenus par l’Orchestre de Chambre de Paris dirigé par Sascha Goetzel. C’est de saison, mais printanier ! Elle est vraiment formidable, toujours en liberté, rayonnante et solaire, et on est dans l’attente de l’enregistrement de son « Perfect Match » avec son complice, l’accordéoniste Félicien Brut…
Pour conclure, DIMASH sur le Web !
Au risque d’un peu trop secouer les branches « classiques », il faut quand même penser à un nouveau venu, qui mérite d’être reconnu depuis plus de six ans. Dimash Qudaibergen est maintenant célèbre dans le monde entier, auparavant surtout du côté de l’Asie, sa voix couvre plus de 7 octaves, avec de généreux suraigus. Son « SOS d’un terrien en détresse » a récemment bouleversé l’Elysée, mais a été surtout bellement partagé à Singapour avec le violoncelliste croate Stjepan Hauser (Balavoine serait heureux). Ambassadeur de bonne volonté du Kazakhstan, ce chanteur de 30 ans, musicien complet multi-instrumentiste, a composé en 2022 « The story of one sky » pour son court-métrage « Requiem », un appel à s’unir pour la paix. Les ténors Placido Domingo et Andrea Bocelli ont reconnu son talent et chanté en duo avec lui. A suivre sur réseaux et plateformes. Sans CD.
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