Samedi 14 décembre, une mobilisation sans précédent des élus locaux s’est tenue sur le parvis de l’Hôtel du département pour alerter sur les menaces pesant sur les services publics et les finances locales. Près de 300 communes héraultaises étaient représentées autour de tous les conseillers départementaux, des parlementaires et des conseillers régionaux.


 

Cette démonstration d’unité des élu.e.s locaux s’inscrit au-delà des clivages politiques, autour de l’enjeu majeur qu’est la préservation des services publics de proximité. La satisfaction des besoins des usagers en la matière repose en grande partie sur un engagement personnel des agents, qui nécessite le soutien des élu.e.s. et des parlementaires. Samedi, ceux-ci ont répondu massivement présent à l’appel du Président du département de l’Hérault, Kléber Mesquida.

Depuis des décennies, la libéralisation des services publics menée sous le terme de modernisation de l’action publique a conduit à la rétractation des services publics de proximité. Certaines zones de l’arrière-pays voient les fermetures se succéder en cascade : d’abord la poste et les impôts, puis la maternelle, la maternité… L’érosion des services publics alimente celle des services de tous les jours ; la boulangerie, l’épicerie, le cabinet médical ferment à leur tour.

L’imposition d’une logique libérale aux services publics a des conséquences sur le prix, la qualité du service et la cohésion sociale. Ce décalage programmé entre les moyens accordés par l’État et les besoins sociaux se traduit politiquement à travers les exigences de la représentation comme l’a démontré le mouvement des Gilets jaunes, et sur l’échiquier politique avec l’irrésistible montée en puissance du RN qui en fait son carburant.

 

Que faut-il lire dans ce regroupement d’écharpes tricolores ?

Le lien fondamental entre l’État et les citoyens se distend. Face à cet effritement, la volonté d’un retour des services publics dans les territoires a été progressivement affirmée à l’instar du programme France services qui porte la promesse d’une plus grande accessibilité des services publics, mais si ses objectifs semblent faire l’unanimité son impact fait débat, certains y voyant la poursuite déguisée du désengagement de l’État.

Dans un contexte de recentralisation progressive, les collectivités locales font face à des choix budgétaires impossibles, affectant directement la qualité des services rendus aux citoyen.ne.s. Au premier rang desquels on trouve les départements dont la compétence sociale est consacrée par l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales1.

 

Rassemblement des élu.e.s pour la défense des services public samedi14 décembre devant le Conseil départemental de l’Hérault.

 

Les premiers à souffrir du recul des services publics sont les plus précaires, et souvent les populations pauvres des communes rurales ; les inégalités croissantes alimentent ainsi la fracturation de la société.

Samedi, le président socialiste du département de l’Hérault, Kléber Mesquida a tenu à souligner l’importance de la mobilisation des élu.e.s locaux : « Aujourd’hui, nous devons envoyer un signal fort. Les collectivités locales sont de véritables piliers de la solidarité et de l’efficacité de l’action publique. Aujourd’hui, elles sont à bout de souffle et doivent être préservées. Nous, élu.e.s de l’Hérault, restons mobilisés ensemble pour défendre nos territoires, nos projets, et surtout, les services auxquels chaque Héraultais.e a droit. L’avenir de nos collectivités et de leurs habitant.e.s dépend de notre action collective. »

À noter l’absence des élu.e.s du Rassemblement national qui se présentent comme les défenseurs des services publics et des territoires ruraux et périphériques. L’absence du député RN de la 7e circonscription, Aurélien Lopez-Liguori, qui vient d’être nommé au Conseil départemental sur la dotation d’équipement des territoires ruraux confirme la note de La Fondation Jean Jaurès sur le peu d’importance que l’extrême droite accorde à l’idée de service public et d’intérêt général. Elle pointe un positionnement contradictoire entre les votes du RN à l’Assemblée nationale et sa posture de façade pour séduire les populations défavorisées. « La série de baisses d’impôts que proposent Marine Le Pen et Jordan Bardella bénéficieront d’abord aux plus aisés, serait nécessairement accompagnée du démantèlement de nombreux services publics indispensables pour garantir l’accès des Français à la santé, à l’éducation et aux mobilités », soulignent les économistes signataires.

À l’heure où le nouveau Premier ministre doit tenter de sortir la France de l’impasse politique et faire adopter un budget, la mobilisation des élu.e.s locaux de l’Hérault vient rappeler que l’accès au service public relève d’un enjeu social et politique qui appelle des moyens à la hauteur des ambitions fixées. Réaffirmer l’universalité de l’accès au service public est la première des nécessités.

Jean-Marie Dinh

 

Notes:

  1. l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales dispose que le département « est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l’accueil des jeunes enfants et à l’autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l’accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge »
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.