En solidarité avec les peuples palestiniens et libanais, le Théâtre des 13 vents à Montpellier consacre la soirée du mardi 26 novembre aux dramaturgies palestiniennes et libanaises des années 60 à nos jours.
« Aujourd’hui, je devais partir à Beyrouth. Retrouver des camarades, en accueillir d’autres qui viendraient au Liban pour la première fois, revoir des pièces du Collectif Zoukak1 qui devait fêter, à l’occasion du Festival Zoukak Sidewalks, ses 18 ans d’existence, découvrir des pièces d’artistes libanais, syriens ou palestiniens invités au Festival… », confit la metteure en scène Nathalie Garraud qui dirige avec Olivier Saccomano le CDN de Montpellier. « Nous savions, bien sûr, que nous nous retrouverions cette année dans les circonstances terribles de la guerre qui dévaste la région, que nous devrions parler, partager analyses et hypothèses, travailler à établir de nouvelles solidarités, entre artistes et entre structures, que nous devrions continuer, malgré tout, à construire des ponts, du dialogue, des espaces communs. Mais nous n’allons pas à Beyrouth parce que Beyrouth est sous les bombes, et que le seul dialogue que nous tenons au quotidien consiste à s’enquérir du fait que personne n’ait été tué ou blessé. Alors c’est peu de chose, mais c’est une chose que nous avons décidé de faire malgré tout, modestement et collectivement, en solidarité : consacrer une soirée aux dramaturgies palestiniennes et libanaises des années 60 à nos jours. Ce sera le 26 novembre à 19h au Théâtre des 13 vents. »
Oui, ce peu de chose reste une chose, un lieu instable d’incarnation de l’art, de ce qu’il peut produire face au glacis idéologique, face à l’incapacité de nos dirigeants politiques à reconnaître et faire cesser l’invasion et la violence inouïe des suprémacistes juifs au pouvoir en Israël. Jusqu’où ira cette fascisation d’Israël ? Cette question relève des fonctions de nos responsables politiques qui pour ne pas y répondre, évitent de se la poser. « Plus que l’abandon d’une partie de l’humanité, dont la realpolitik internationale a donné maints exemples récents, c’est le soutien apporté à sa destruction que retiendra l’histoire », écrit l’anthropologue Didier Fassin2. C’est de l’histoire des dramaturgies palestiniennes et libanaises dont il sera question lors de cette soirée au CDN de Montpellier, pas de l’histoire politique bien que l’on puisse se demander avec René Char si le cerveau des artistes « plein à craquer de machines, peut encore garantir l’existence du mince ruissellement de rêve et d’évasion ? » Une question auquel le poète résistant répond : « L’homme, d’un pas de somnambule, marche vers les mines meurtrières, conduit par le chant des inventeurs… » Hommage aux inventeurs qui sont restés là-bas pour faire vivre ce chant, hommage à ceux qui sont disparus. Leurs chemins nous aide à formuler ce qui est sans nom, le rendant ainsi envisageable.
Jean-Marie Dinh
Photo 1 Zoukak Theatre Company, Ghalia’s Miles © Randa Mirza
L’art dramatique dans un monde désenchanté
Cette rencontre vise à faire connaître ces dramaturgies, leurs motifs, leurs richesses, et à éclairer la situation actuelle de la création en Palestine et au Liban, à l’heure où des lieux de formation, d’art et de savoir sont détruits, et où plus largement les espaces de pratique de la culture sont mis à mal. Ainsi, le festival Zoukak Sidewalks, qui devait nous réunir à Beyrouth en ce mois de novembre pour y poursuivre les conversations entre artistes engagées dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée, a été contraint à l’annulation.
Les lectures retraceront une part de l’histoire théâtrale de ces deux pays, donnant à entendre quelques-unes des voix qui ont fait vivre, des décennies durant, envers et contre tout, la création théâtrale. Les textes ont été choisis par Najla Nakhlé-Cerruti, chercheuse au CNRS, autrice de « La Palestine sur scène. Une expérience théâtrale palestinienne (2006-2016) », et Chrystèle Khodr, autrice et metteuse en scène libanaise (dont les dernières créations, « Augures » et « Ordalie » ont été présentées lors de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée), et seront présentés par Najla Nakhlé-Cerruti, en dialogue avec Olivier Neveux, professeur d’histoire et esthétique du théâtre à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon.
Textes de : Ghassan Kanafani, François Abou Salem, Henna Eady, Kamel El Basha, Amer Hlehel, Bashar Murkus, Elias Khoury, Chrystèle Khodr, Yehya Jaber, Ziad Rahbani (en cours).
Lecteur·ice.s : Marion Aubert, Alain Béhar, Valentine Carette, Julien Guill, Danya Hammoud, Florian Onnéin, Conchita Paz, Lorie-Joy Ramanaïdou, Charly Totterwitz, Marc Vittecoq.
D’autres partenaires s’associent à cette initiative à Montpellier et ailleurs : le Théâtre La Vignette, la Bulle Bleue et l’Atelline, ainsi que la MC93 à Bobigny, le Festival Sens Interdits et le Théâtre des Célestins à Lyon, qui proposeront également ce programme de lectures.
En pratique :
Entrée libre
Service navette 13 vents (aller/retour) disponible pour cette soirée Théâtres de Palestine et du Liban.
Rencontre/lecture mardi 26 novembre à 19h au Théâtre des 13 vents.
Lire aussi : Zoukak théâtre de Beyrouth. La représentation dans un champ de ruine
Notes:
- Zoukak a été créé en 2006 en tant que structure non hiérarchique, dédiée à la pratique théâtrale comme engagement social et politique, avec une croyance dans le théâtre comme espace de réflexion commune et dans la collectivité comme position contre les systèmes marginalisants. Zoukak se positionne en dehors des discours dominants dans le contexte du Liban par l’action directe au sein des communautés et mène des interventions théâtrales psychosociales à travers une approche spéciale de la thérapie par le théâtre dans des situations d’urgence et au-delà. Il organise depuis 2013 « Zoukak Sidewalks », un festival international et « Focus Liban », une plateforme de soutien et de diffusion du travail des artistes émergents locaux.
- « Une étrange défaite – Sur le consentement à l’écrasement de Gaza » (La Découverte, 2024).