Une holding pour chapeauter France Télévisions et Radio France en 2025, puis leur fusion dès 2026, voulu par Rachida Dati mais combattu par les syndicats ; le big bang de l’audiovisuel public commence. Mardi, L’amendement gouvernemental a été adopté par 30 voix contre 18. Il prévoit un regroupement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA.


 

Sujet récurrent depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, cette réforme d’ampleur a pris corps à la vitesse de l’éclair alors que personne ne s’y attendait il y a encore six mois. Dès sa prise de fonctions en janvier, la ministre de la Culture avait dit vouloir « rassembler les forces » de l’audiovisuel public en allant plus loin que les rapprochements déjà en cours entre France Télévisions et Radio France.

Elle avait toutefois entretenu le flou, sans préciser si elle se contenterait d’une holding ou si elle voulait carrément fusionner l’audiovisuel public dans une entreprise unique. Une hypothèse encore plus inflammable pour un secteur déjà inquiet.

Pesant de tout son poids politique, Rachida Dati a finalement appuyé sur l’accélérateur : elle est venue défendre elle-même en commission la fusion dès 2026 de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde (RFI, France 24) et l’INA (Institut national de l’audiovisuel).

Un premier pas. Les députés ont voté en commission, mardi 14 mai dans la soirée, la fusion des sociétés de l’audiovisuel public au 1er janvier 2026, voulue par la ministre de la Culture Rachida Dati, mais décriée par la gauche et les syndicats. Après une « phase intermédiaire » sous un régime de holding en 2025, « la finalité » de cette réforme est « l’entreprise unique », a assuré Rachida Dati.

La société géante pèserait 4 milliards de budget et la réforme concerne potentiellement un total de 16 000 salariés.

Pour cette première étape législative, quelque 260 amendements sont au programme des parlementaires de la commission des Affaires culturelles jusqu’à mercredi, avant le passage du texte en première lecture dans l’hémicycle du Palais Bourbon les 23 et 24 mai, sauf embouteillage législatif qui la repousserait au 24 juin, voire à septembre. Opposés au projet, les syndicats ont déjà appelé à la grève pour les deux journées de mai.

La gauche, elle, est vent debout contre le projet même de holding. « Sa mise en place serait l’aboutissement d’un processus de dénigrement et de fragilisation financière de l’audiovisuel public mené méthodiquement depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir », considèrent les députés LFI.

 

Un bilan pour Dati avant Paris ?

 

Le chef de l’État avait prôné un rapprochement dès 2017 en dressant un constat sévère de l’actuel audiovisuel public. L’un des prédécesseurs de Mme Dati, Franck Riester, avait porté en 2019 un projet de holding mais la crise du Covid l’avait stoppé.

Pourquoi cette réforme maintenant ? La ministre assure qu’elle est indispensable face à la concurrence des plateformes internationales et qu’il faut la faire avant la fin du mandat de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, en 2025. Mais, selon un acteur du secteur de l’audiovisuel, c’est aussi un moyen pour elle d’avoir « un bilan » à la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026.

Pour tenter de rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé en parallèle avec l’élu LR Jean-Jacques Gaultier une proposition de loi afin d’acter un fléchage pérenne depuis le budget de l’État au profit du secteur (« prélèvement sur recettes »), sur le modèle du financement des collectivités.

Depuis la suppression de la redevance en 2022, l’audiovisuel public est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme provisoire. Pour aller vite et faire aboutir son projet à l’été ou au début de l’automne, Mme Dati a prévu de recentrer le texte sénatorial sur les questions de gouvernance, en supprimant les autres volets sur la publicité ou la concurrence.

 

Grève

 

Une délégation du syndicat des journalistes CGT a rencontré la ministre de la Culture, Rachida Dati, lundi 29 avril et a pu l’interroger sur ses intentions, jusque-là très floues, concernant l’audiovisuel public. Depuis, le SNJ CGT n’a cessé d’alerter sur les dangers de ce texte !

« Rachida Dati reste totalement hermétique aux enjeux sociaux d’une telle fusion qui nécessiterait une renégociation totale des différentes conventions collectives. À la question du risque pour certaines activités, en particulier la radio, de devenir le parent pauvre au sein de la future structure, elle répond simplement que chaque direction aura son mot à dire au sein du conseil d’administration de la holding ou de l’entreprise unique et qu’il ne faudrait donc pas s’en inquiéter ! Nous voilà rassuré », ironise  dans un communiqué le SNJ-CGT,

Le principal argument de Rachida Dati pour imposer cette réforme au pas de charge réside dans le calendrier. « Il faudrait, selon elle, agir maintenant avant la phase de renouvellement des PDG de l’audiovisuel public et avant la campagne électorale des présidentielles, qui repousseraient tout projet à 2028. S’il n’y a pas de réforme, le financement promis jusqu’à 2028 ne sera plus garanti affirme-t-elle. Un chantage inacceptable », selon le SNJ-CGT qui fait valoir qu’une holding ne préservera pas d’éventuelles coupes budgétaires.

Holding ou fusion se révèlent comme les deux faces d’un même projet : celui d’une restructuration potentiellement catastrophique qui risque de déstabiliser et d’affaiblir durablement l’audiovisuel public, en particulier la radio, au prétexte de le renforcer.

Toutes les organisations syndicales devraient déposer des préavis de grève pour les 23 et 24 mai, prochain.