Jusqu’ici le ciel était toujours bleu. La métropole de Montpellier reste un lieu où les débats demeurent plutôt consensuels. Mais le débat d’orientation budgétaire qui s’est entrouvert lors du dernier Conseil métropolitain augure de passages nuageux liés à une situation financière incertaine.


 

La Métropole de Montpellier reste un lieu où la confiance dans les 92 élu.e.s représentant 31 communes n’est pas trop entamée et où les débats demeurent plutôt consensuels. Considérant la crise de la démocratie que nous traversons, c’est un élément qui doit être mesuré à sa juste valeur, même si faute d’avoir restauré les écosystèmes politiques la gouvernance n’est pas à l’abri des changements climatiques. Le débat d’orientation budgétaire qui s’est entrouvert lors du Conseil métropolitain mardi 13 février 2024 révèle une situation financière incertaine.

« Gouverner, c’est prévoir, c’est agir pour l’avenir, qui seul dépend de nous, surtout quand les défis sont complexes et de long terme. » Ces bons mots populaires renvoyant à la sagesse politique prennent aujourd’hui tout leur sens pour l’exécutif métropolitain appelé à faire des choix. Ce à quoi la mandature précédente n’avait pas vraiment été confrontée, du fait que l’exécution budgétaire s’est longtemps traduite par un solde excédentaire de la section de fonctionnement couvrant le solde déficitaire de la section d’investissement, et sans doute aussi d’un manque d’ambition.

Le délégué aux finances, Renaud Calvat, qui se fait habituellement le messager d’un projet ambitieux et optimiste1, a tracé à grands traits un contexte qui impacte à moyen terme les finances de Montpellier 3M : à l’inflation élevée qui gonfle les coûts d’énergie pour la collectivité, s’ajoute la hausse des taux d’intérêts, la Métropole de Montpellier ayant massivement eu recours à l’emprunt pour financer sa stratégie transports et mobilités. La capacité de désendettement avoisinera les 12 % en 2024 ; elle était estimée à 4,5 % en 2020. Une orientation ambitieuse en matière de transition écologique, qualifiée de coûteuse et inadaptée par la conseillère communautaire d’opposition Alenka Doulain.

Sur la feuille de route « mobilité » du président Michaël Delafosse figurent la gratuité totale du réseau des transports en commun pour les habitant.e.s de la Métropole — célébrée en grande pompe en décembre dernier —, l’aménagement d’un réseau vélo express baptisé « Vélolignes Montpelliéraines » et la construction de la ligne 5 du tramway. Le coût de la gratuité des transports pour les métropolitain.e.s fait débat. Il a été ré-estimée à 40 M€ par an (42 selon la cours des comptes) soit 240 M€ à 252M€ sur la durée d’un mandat. Côté recettes, la politique offensive menée depuis trois ans par la Métropole en faveur du développement économique commence a porter ses fruits. « La principale fiscalité de la Métropole de Montpellier provient de la fiscalité économique » , a rappelé Renaud Calvat.

Le plan transport mobilité, sur lequel repose une grande part du projet politique de Michaël Delafosse, ne peut pas pour autant faire passer au second plan les autres besoins urgents du territoire métropolitain. La gestion des ressources en eau figure comme un important défi budgétaire que doit relever Montpellier 3M sur les moyen et long termes. Le choix d’une régie publique a pour enjeu de protéger l’environnement et pour objectif de développer le réseau séparatif, eaux usées et eaux pluviales. La Métropole porte notamment le chantier de la modernisation et de la rénovation de l’usine d’épuration de MAERA, à Lattes, qui traite les eaux usées ; 52 M€ devrait être investis en 2024. La gestion de l’eau impacte aujourd’hui directement la capacité de croissance démographique du territoire métropolitain.

Dans l’Assemblée, l’adjoint au maire Hervé Martin est le seul à avoir soulevé la question du logement, rappelant l’existence des 35 000 personnes demandeurs de logements sociaux en attente sur le territoire.

 

Le coût politique des décisions à prendre

 

Autre source d’alerte saillante, la hausse exponentielle du coût des traitements des déchets. La Métropole planifie des moyens exceptionnels sans parvenir à extraire de manière conséquente les 15 à 20 000 tonnes de déchets qu’elle ne peut pas traiter. Outre l’augmentation continue du coût d’exportation des déchets (plus 26 M€ en 2023), le fait de ne pas gérer ses déchets paraît moralement insoutenable pour une ville qui souhaite se trouver à la pointe de la transition écologique. « On ne peut pas inciter les citoyens à s’engager dans le tri sélectif et augmenter constamment la Taxes d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM). C’est du tri punitif ! », fait valoir le conseiller Lattois Jean-Noël Fourcade. De fait, la TEOM de Montpellier est la plus élevée de France. « La question des déchets a été mise sous le tapis par tous nos prédécesseurs », souligne le maire de Grabel René Revol. « Les poubelles et la flotte, résume le Maire de Cournonterral William Ars, pour relever ces défis nous devons être réalistes et pragmatiques, ce qui ne veut pas dire être naïfs. »

La prospective financière établie par Michaël Delafosse pour sa mandature a-t-elle été rendue caduque par la survenance de la crise sanitaire et les conséquences économiques du contexte international ? C’est une question à laquelle le 62e maire de Montpellier doit répondre dans la perspective de 2026. Au sein du Conseil de la métropole la dégradation des performances budgétaires ne remet pas encore en cause sa soutenabilité, mais il impose des choix. Renaud Calvat a fait allusion à un aménagement du calendrier budgétaire mais il n’est pas donné que cette demi-solution soit satisfaisante. Le débat qui s’ouvre libère l’expression des conseillers métropolitains qui doivent rendre des comptes à leurs administré.e.s. L’adjoint au maire, Manu Raynaud, invite à « un big bang des déchets », à se « réinterroger sur la méthode, à inciter les citoyens et les industriels à des obligations contractuelles ».

Les crises budgétaires ont un coût politique. Elles peuvent non seulement infléchir les résultats électoraux mais aussi libérer la dimension critique et par là-même la capacité à penser autrement. Le débat démocratique est une réponse possible à cette crise, il est le gardien d’une authenticité, d’un engagement, d’une liberté de choix et d’expression.

Jean-Marie Dinh

 

Notes:

  1. Le budget primitif 2023 de la collectivité s’élevait à 1 569M€ dont 986M€ de dépenses affectées aux politiques publiques comprenant 456M€ d’investissements. Des dépenses, définissant les priorités de la collectivité, réparties entre les mobilités douces et alternatives (305M€, 31 %), les mobilités routières (169M€, 17 %), le développement économique (58M€, 6 %), la GEMAPI — Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations — (35M€, 4 %), la préservation de l’environnement comprenant la gestion des déchets (155M€, 16 %), la culture et le sportif (127M€, 13 %), les solidarités (64M€, 6 %) et les fonctions supports (73M€, 7 %).
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.