Prologue : De la softwar

Le terme Softwar a été popularisé par le roman éponyme  Softwar – La guerre douce, un thriller technologique de Thierry Breton et Denis Beneich publié en 1984 aux Éditions Robert Laffont. Softwar est un procédé oblique visant à susciter l’adhésion des cibles réticentes à un projet déterminé. La Softwar ne fait pas usage d’armes létales, qui entraîne une mort instantanée, mais d’une arme autrement plus redoutable… une mort lente mais atroce : l’asphyxie d’une population, puis la gangrène par la corruption des élites.

Par la contrainte, l’intimidation ou la résignation, la persuasion ou la séduction, voire même la corruption, le solliciteur conduit sa cible à se convaincre de la pertinence de son projet, ou pire de convaincre le sollicité de la pertinence, dans son propre intérêt, du projet de son solliciteur. Alternant bâton et carotte, les Occidentaux ont décidé de subvertir — soudoyer ? — la population libanaise en l’affamant pour la contraindre à s’abandonner au billet vert, nullement écologique mais au pouvoir hyper corrupteur.

Les sanctions économiques paraissent devenues un outil de la guerre moderne. Nicholas Mulder soutient dans son ouvrage The Economic Weapon: The Rise of Sanctions as a Tool of Modern War [L’arme économique : la montée des sanctions comme outil de guerre moderne] qu’un tiers de la population mondiale vit sous une forme ou une autre de sanctions économiques, parfois massivement meurtrières.

Washington peut faire au grand jour ce que l’on refuse aux autres pays, uniquement parce qu’on part du principe exceptionnel que les contraintes normales du droit international et les règles de la guerre ne s’appliquent pas à la superpuissance mondiale.

Les États-Unis auraient provoqué des « changements de régime » dans plus de 70 pays depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces dernières années, les États-Unis ont été impliqués directement ou indirectement dans des guerres en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Somalie, en Ukraine, auparavant en Iran (Mossadegh-1953) et au Guatemala (1954) et au Liban (1975-1990) et au Vietnam (1986-1975), sans parler du plan Condor de subversion anticommuniste  en Amérique Latine, dans la décennie 1970.

Depuis 2001, soit depuis le raid terroriste du 11 septembre 2001 contre les symboles de l’hyperpuissance américaine, les États-Unis et leurs alliés ont largué au moins 326 000 bombes et missiles sur des pays de la région Moyen-Orient élargi/Afrique du Nord. C’est la conclusion des nouvelles recherches  de Medea Benjamin et Nicolas J.S. Davies du groupe anti-guerre CODEPINK1.

L’Irak, la Syrie, l’Afghanistan et le Yémen sont les pays qui ont le plus souffert de la violence, mais le Liban, la Libye, le Pakistan, la Palestine et la Somalie ont été également visés. En moyenne, 46 bombes ont été larguées par jour au cours des 20 dernières années.

John Bolton, ancien représentant des États-Unis à l’ONU, s’est vanté de sa participation aux efforts déployés jusqu’en 2019 pour évincer le gouvernement de Nicolás Maduro au Venezuela et tenter d’installer à la présidence le candidat favori de Washington, Juan Guaidó.

Au Moyen-Orient, pas moins de six pays vivent sous blocus occidental : l’Iran depuis 1980, soit depuis 44 ans, la Syrie depuis 2011 (13 ans), Gaza depuis sa prise de contrôle par le Hamas en 2007 (24 ans), le Yémen depuis 2015 (9 ans) auparavant l’Irak de 1990 à 2010 (20 ans), enfin le Liban depuis 2019 (5 ans).


 

 

1- Le Liban, abcès de fixation régional et polygone tir de la technologie militaire de l’après Vietnam

 

De la chute de Saïgon, bastion américain en Asie, à la première guerre du Golfe, le Liban aura été pendant quinze ans (1975-1990), le principal abcès de fixation de la guerre israélo-arabe et des conflits de puissance pour la maîtrise des ressources énergétiques de la zone ainsi que des grands axes de navigation transocéanique sur le flanc méridional de l’Europe, au paroxysme de la guerre froide soviéto-américaine. Sous l’effet de forces centripètes, alimentées d’ailleurs abondamment par les protagonistes locaux, la légendaire convivialité intercommunautaire libanaise va voler en éclats, pulvérisée par les rivalités interconfessionnelles, elles-mêmes amplifiées par les enjeux stratégiques des puissances régionales (Israël, Égypte, Arabie saoudite, Irak, Iran, Syrie, Libye) et de leurs parrains respectifs pour transformer ce minuscule pays en polygone de tir permanent de la technologie militaire de l’après-Vietnam.

Sur fond de normalisation égypto-israélienne (1979), de conflit pour le leadership régional entre deux pays pétroliers musulmans, l’un chiite, l’Iran, l’autre sunnite, l’Irak (1980-1989) et de la montée en puissance du phénomène islamiste tant dans l’Iran des Pasdaran chiites que dans l’Afghanistan des Taliban sunnites, la guerre du Liban a servi de dérivatif à tous les conflits latents de l’Arc de crise, allant de la Corne de l’Afrique à l’Afghanistan, à la faveur de l’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat politique. Un conflit de substitution visant à canaliser le mécontentement diffus du Monde musulman non contre les États-Unis, le protecteur d’Israël, mais contre l’Union soviétique, au prétexte de l’athéisme de la doctrine marxiste, quand bien même l’URSS était le principal ravitailleur en armes des pays du champ de bataille et des pays de soutien : Égypte, Syrie, Irak, Algérie, Libye, Soudan, Somalie, Sud-Yémen et OLP. Soit au total 9 pays arabes, soit approximativement la moitié des pays de la Ligue arabe.

En vue d’assurer la pérennité d’Israël et des intérêts pétroliers américains, les États-Unis se sont toujours appliqués à découpler le Golfe arabo-persique, zone de prospérité qu’il lui importait de maintenir sous sa coupe, de la Méditerranée, zone de pénurie rebelle qui lui importait de neutraliser sous la pression israélienne.

La première jonction dans l’ordre symbolique entre les conflits du Proche-Orient et du Moyen-Orient aura été opérée, paradoxalement, par Saddam Hussein avec le fameux troc du président irakien consécutif à son invasion du Koweît — le retrait irakien de la principauté du Koweît en contrepartie de la création d’un état palestinien indépendant. L’insolent sera châtié tant pour son  outrecuidance que pour son agressivité contre une principauté pétrolière. Pour mémoire, l’invasion de la zone turque de Chypre, en 1974, par la Turquie, membre de l’OTAN, n’avait pas donné lieu à de telles sanctions.

Au terme des ces péripéties guerrières, force est de constater que le Liban est le seul pays au Monde à avoir abrogé un traité de paix conclu avec Israël sous la pression populaire ; le seul à avoir provoqué le dégagement militaire israélien de son territoire, sans négociation ni traité de paix ;  Sans aviation, ni marine du fait du veto des États-Unis en vue de sécuriser l’espace aérien israélien, le plus petit pays arabe a réussi néanmoins à instaurer un équilibre de la terreur avec l’unique puissance atomique du Moyen-Orient, par une audacieuse guerre asymétrique conçue par le Hezbollah, contraignant l’État hébreu à consentir à une délimitation des frontières maritimes communes aux deux pays, sous la menace de l’usage de la balistique de la formation chiite. Et ceci pourrait expliquer cela.

 

2- Le Liban, État tampon, sur fond de confessionnalisme

 

En 70 ans d’indépendance, le Liban a connu 13 présidents  — dont deux présidents assassinés, Bachir Gemayel (1982) et René Mouawad (1989) au seuil de leur pouvoir —, deux autres dont le mandat a sombré dans la guerre civile, Camille Chamoun (1958) et Souleymane Frangieh (1975), et quatre présidents issus du commandement de l’armée : Fouad Chehab, Emile Lahoud, Michel Sleimane et Michel Aoun.

Les trois derniers se succédant sans discontinuer depuis 1998, soit depuis 22 ans.

Indice de l’indépendance des Libanais, la pesante tutelle occidentale dans le choix de l’heureux élu à la magistrature suprême : La France a été le grand électeur de 1926 à 1943, soit une période allant de la mise en œuvre du Mandat français sur le Liban à l’indépendance du Liban, adoubant 10 présidents, notamment Émile Eddé et Charles Debbas. Le Royaume Uni lui succédera de 1943 à 1958, soit de l’indépendance à la 1ère guerre civile libanaise, où elle adoubera les deux premiers présidents libanais de la période postindépendance, Béchara El Khoury et Camille Chamoun. Depuis 1958, les États-Unis ont pris le relais de leurs alliés occidentaux imposant son choix à propos de dix présidents, après, parfois, consultation du Vatican, de la France, de l’Égypte du temps de Nasser, de l’Iran du temps du chah d’Iran et de la Syrie, du temps du mandat syrien sur le Liban octroyé par la Ligue Arabe (1976-2005).

Pis, durant cette séquence le Liban a enregistré 3 cas de vacance de pouvoir pour des périodes anormalement longues pour un pays situé à l’épicentre des conflits du Moyen-Orient :  En 1952, au moment de la démission de Béchara El Khoury et l’élection de Camille Chamoun ; De 1988 à 1989, 498 jours de vacance entre la fin du mandat d’Amine Gemayel et l’élection de René Mouawad ; de 2006 à 2007, 184 jours de vacance entre la fin du mandat d’Émile Lahoud et l’élection de Michel Sleimane, indice patent du dérèglement du système politique libanais et du nanisme de son personnel.

Mieux, sur fond de querelles byzantines dont ils sont friands, de guerres picrocholines2 engagées par des clans factieux aux mœurs florentines, le centre  de gravité du leadership maronite3 s’est déplacé du Mont Liban — traditionnel vivier politique de la Présidence de la République — vers le Nord-Liban.

Le Mont Liban a ainsi fourni 10 présidents : Béchara El Khoury, Camille Chamoun, Fouad Chéhab, Charles Hélou, Elias Sarkis, Bachir et Amine Gemayel,  Elias Hraoui, Michel Sleimane et Michel Aoun. Pour la compétition présidentielle de 2022, pas moins de trois dirigeants originaires du Nord-Liban se trouvent en lice, dont deux animés par un lourd contentieux sanglant : Soleymane Frangieh, petit-fils d’un ancien président de la République, dont il porte le nom, et fils du chef du clan… assassiné par son concurrent direct, Samir Geagea, chef des forces libanaises, responsable au premier chef de la décapitation du leadership maronite avec l’assassinat de deux de ses dirigeants, Tony Frangieh et Dany Chamoun.

Un lourd passif assumé en toute impunité par le fossoyeur du leadership chrétien en ce que Samir Geagea, l’ancien allié d’Israël, durant  la guerre civile libanaise (1975-1990), bénéficie du soutien absolu de l’Arabie saoudite et d’une manière discrète du camp occidental. Soleimane Frangieh est originaire de Zghorta et Samir Geagea de Bcharré, les deux fiefs maronites rivaux du Nord-Liban.

Le 3e candidat, Gebrane Bassil, originaire de Batroun, gendre de l’ancien président Michel Aoun, brigue dans l’ordre subliminal la magistrature suprême en vue de pérenniser l’héritage de son beau-père, artisan de l’alliance stratégique avec le Hezbollah libanais.

 

A- Les ravages du confessionnalisme

État Tampon, le Liban est un des rares pays au Monde à avoir connu deux guerres civiles (1958, 1975-1990) depuis son accession à l’Indépendance en 1943, sans compter les révolutions faussement « spontanées », c’est dire la fragilité du sentiment d’appartenance à la même nation supposée être animée d’un « commun vouloir de vivre en commun ».

Invention française destinée à privilégier le primat maronite sur la vie politique libanaise, le confessionnalisme constitue en fait une négation de la démocratie en ce que la citoyenneté libanaise est conditionnée et handicapée par la naissance. Il prédétermine les membres d’une communauté à des fonctions indépendamment de leur compétence. Elle conforte une communauté dans un sentiment de supériorité ou de frustration. La répartition des pouvoirs et des postes d’autorité au sein de la haute administration se faisant selon un critère d’appartenance religieuse.

Le confessionnalisme devait faire office d’instance de sécurisation des diverses composantes de la mosaïque libanaise en vue de son dépassement symbiotique. Il constituera la force d’inertie majeure à la modernisation de l’administration libanaise, le meilleur tremplin à la prédation de l’État libanais par la féodalité clanique.

Terreau du clientélisme, ce système favorise la surenchère communautaire et le népotisme, en ce que les chefs politiques et religieux de ces communautés entretiennent leur clientèle parmi leurs électeurs via l’achat de voix lors des scrutins, l’offre de postes dans la fonction publique, l’accès aux écoles, à certains emplois et des passe-droits. Quant au statut personnel, du mariage à la succession, il est régi par les tribunaux confessionnels propres à chaque communauté et constitue une source de revenus pour les officiants.

Le confessionnalisme fige le système en ce que n’importe quel crétin des Alpes, de confession maronite, peut aspirer au poste de président de la République ou de commandant en chef de l’armée, voire même de gouverneur de la Banque Centrale —trois emplois réservés aux maronites — et un génie militaire chiite de l’importance du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, se contenter d’un strapontin. Néanmoins, les congrégations maronites libanaises ont assumé un rôle considérable destructeur et subversif sur le plan politique et militaire lors de la guerre civile libanaise (1975-1990), par leur soutien aux milices chrétiennes qui collaboraient avec Israël. Véritable va-t-en guerre, le Père Charbel Kassis, supérieur de l’Ordre des Moines libanais, qui visait comme objectif la partition du Liban, se trouvait en Israël, le jour du déclenchement de la 2e guerre civile en avril 1975.

Mais la partition du Liban a été remplacée par un projet plus vaste, « le plan de domination des Chrétiens maronites sur le Liban dans son ensemble », prévu dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban par le général Ariel Sharon. Le leadership maronite, responsable du feu initial, en paiera le prix par le déclassement de ses prérogatives constitutionnelles.

 

B- De l’importance stratégique du port de Beyrouth

« Le port de Beyrouth doit demeurer à l’Occident ». Telle a été la ligne directrice de la stratégie occidentale à l’égard du Liban depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création de l’État d’Israël. Cet impératif catégorique, formellement officialisé  par le secrétaire d’État américain Alexander Haig et ancien commandant en chef de l’OTAN, lors de l’invasion israélienne du Liban, en 1982, de même que le siège consécutif de la capitale libanaise, demeure l’axe fondamental de la stratégie atlantiste.

Le port de Beyrouth, dont le pillage a constitué le trésor de guerre du chef milicien phalangiste Bachir Gemayel, a implosé en 2020, provoquant dans sa déflagration la mort d’un autre chef milicien Nazo Nazarian, et par ondes de choc successifs, la chute du leadership sunnite libanais représenté par l’éphémère dynastie Hariri — le milliardaire saoudo-libanais Rafic et son fils Saad —  faisant office en la circonstance de sas de sécurité du clan saoudo-américain au Liban.

Il éclaire l’épreuve de force permanent entre les États-Unis et le Liban, de même que les déboires et les avanies subis par la première puissance militaire planétaire face au plus petit pays arabe du fait du refus des États-Unis d’autoriser le Liban de se doter d’une aviation militaire, au prétexte de sécuriser l’espace aérien israélien ; son refus d’autoriser l’armée libanaise à s’équiper d’armes offensives afin de la cantonner, au delà des parades, à un rôle de super gendarme chargé du maintien de l’ordre et de réprimer au besoin les manifestations qui pourraient mettre à mal le capitalisme sauvage qui règne dans ce pays de cocagne.

En vertu de cet axiome stratégique, les États-Unis s’opposent à toute ouverture à l’Est du Liban malgré les offres alléchantes de la Russie de fournir des avions de combat Migs à l’armée de l’air libanaise. Malgré les offres de la Chine de fournir des unités de production d’électricité en remplacement de celles détruites par l’aviation israélienne.

Captif du nœud coulant suspendu autour de sa nuque par les États-Unis avec la complicité du leadership maronite et de la grande bourgeoisie sunnite inféodée à l’Arabie saoudite, le Liban, à tout le moins les forces hostiles au Diktat américain, s’appliqueront à répliquer par des ripostes asymétriques, d’une redoutable efficacité dont les plus plus illustres sont notamment :

  • Le dynamitage des Quartiers Généraux américains et français de Beyrouth, le 23 octobre 1983 qui ont fait 241 soldats américains tués, ainsi que 58 parachutistes français et 6 Libanais.
  • Le dynamitage de l’ambassade américaine à Beyrouth, le 18 avril 1983, faisant  63 tués, dont 17 Américains parmi lesquels huit officiers de la CIA, dont le chef de la division Moyen-Orient, Robert Ames.
  • L’annulation d’un Traité de Paix entre Israël et le Liban, la même année, 1983, sous l’effet d’une révolte de la population de Beyrouth — fait unique dans les annales diplomatiques internationales.
  • Le retrait israélien du Sud-Liban sans négociation ni traité de paix, 17 ans plus tard — là aussi un fait unique dans les annales de la polémologie internationale.
  • Enfin la menace du Hezbollah de bombarder les installations pétrolières israéliennes offshore en vue d’accélérer la conclusion d’un accord de délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël pour l’exploitation offshore des ressources pétrolières des deux pays.

Devant un tel environnement hostile, l’ambassade américaine a déserté Beyrouth Ouest, jadis poumon intellectuel et bancaire de la capitale, pour se loger dans le réduit chrétien, où, depuis 2020, l’administration américaine s’applique à édifier une « Forteresse Amerika N° 2 » sur le modèle de l’ambassade américaine à Bagdad. La somme d’un milliard de dollars a été allouée à l’édification de ce bunker qui sera équipé de la technologie la plus sophistiquée de brouillage électronique pour neutraliser les cyberattaques ainsi que les attaques par drone ou missiles.

En superposition, les États-Unis disposent librement de la base aérienne de Hamate, Nord-Liban, bénéficiant d’une extraterritorialité de facto, hors contrôle du gouvernement libanais, où il contrôle tant les activités des drones d’espionnage de l’armée libanaise, de même que la banque de données des gardes frontières et des services de renseignements libanais.

 

3- Le Liban vaste dépôt d’armement de l’Otan depuis l’opération “déluge Al Aqsa” du Hamas contre Israël

Le Liban a d’ailleurs été transformé en vaste dépôt d’armement de l’Otan à la faveur de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l’opération “Déluge Al Aqsa” menée par le mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, première incursion d’une telle ampleur sur le territoire israélien depuis la création de l’État hébreu en 1948.

Cinquante cinq (55) avions militaires de l’Otan ont atterri au Liban entre le 8 et le 20 octobre, soit dès le lendemain de l’opération palestinienne, au prétexte de renforcer la sécurité des ambassades occidentales au Liban et de préparer l’évacuation des ressortissants occidentaux de ce pays dans l’hypothèse de l’extension au Liban du conflit entre Israël et le Hamas.

Trente deux (32) appareils (dont 9 américains, 9 hollandais et 9 britanniques) ont atterri à Hamate, dans le nord du Liban et 23 à l’annexe militaire de l’aéroport de Beyrouth venant de France, Canada, Italie, Espagne et Arabie saoudite. Les États-Unis ont obtenu du Liban de bénéficier de l’extraterritorialité pour leur usage de la base de Hamate. Certains avions venaient directement d’Israël, mais en raison de l’absence de relations diplomatiques entre le Liban et l’État Hébreu, ces appareils faisaient brièvement escale à Chypre, à la base de souveraineté britannique d’Akrotiri, avant d’atterrir à Beyrouth.

Un avion canadien transportait un lot de “silencieux”. Un appareil hollandais de matériel de « brouillage électronique » et un avion belge de bombes fumigènes. Du matériel davantage destiné à la répression de manifestations qu’à la défense du Liban.

La France a même demandé l’autorisation de faire accoster un bateau transportant 500 soldats et 50 véhicules blindés, mais la requête française a été refusée.

L’armée libanaise, laconique, a assuré que ce matériel était destiné à son usage personnel et aux besoins de la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unis au Liban) qui stationnent à la frontière libano-israélienne depuis 2006, sans toutefois préciser la répartition de ses équipements. Touche supplémentaire à cette ténébreuse affaire, l’armée libanaise a transféré la totalité de ses exercices militaires aériens et terrestres vers Hamate (Nord-Liban), à l’abri des regards du Hezbollah libanais, la formation chiite qui tétanise Israël et rend l’Otan insomniaque.

 

 4- Un projet de mandat britannique sur le Liban

Le Royaume-Uni se propose, pour sa part, d’établir un nouveau mandat sur le Liban, dans le prolongement de son rôle déstabilisateur de ce pays lors de la guerre de Syrie, via ses ONG.

Prenant prétexte de la guerre Israël-Hamas à Gaza, Londres a soumis directement au commandement de l’armée libanaise — et non au gouvernement libanais — un projet visant à autoriser le déploiement et la protection des forces britanniques au Liban.

Présenté avant l’opération « Déluge Al Aqsa », ce projet concerne la protection des navires de guerre britanniques et des appareils de la Royal Air Force, les membres des forces armées britanniques et leurs collaborateurs locaux, sans toutefois préciser ni leur lieu de déploiement, ni le nombre des équipements pas plus que leur volume.

Le document spécifie que le gouvernement libanais ne saurait entraver la libre circulation des forces britanniques ni dans l’espace aérien libanais ni dans les eaux territoriales du Liban et lui recommande d’accorder la priorité absolue à l’accès des forces britanniques à l’espace libanais et aux eaux territoriales de ce pays.

Le Royaume Uni, auteur de la « promesse Balfour » portant création du « Foyer national juif » en Palestine, songe-t-il à aménager un nouveau « foyer national » à une quelconque minorité sur le territoire libanais afin de purger les turpitudes occidentales à l’égard d’une composante de sa population, en un lointain remake de la promesse Balfour ?

René Naba

 

Cet article est publié dans le cadre de notre partenariat avec Madaniya Info

Pour le locuteur arabophone, ce lien sur le projet britannique

Pour aller plus loin sur le rôle du Royaume Uni en Syrie et au Liban, cf. ce dossier en trois volets.

 

Notes:

  1. Code Pink – Women for Peace : groupe anti-guerre international. Ce groupe a commencé à se faire connaître en affichant son opposition à la guerre d’Irak. Sa signature visuelle est la couleur rose. Le groupe a mené des marches et des manifestations pacifiques.
  2. Conflit dont les causes paraissent obscures, dérisoires ou ridicules
  3. La plus importante communauté chrétienne du Liban, les maronites, sont des chrétiens catholiques orientaux, qui sont en pleine communion avec le Saint-Siège, c’est-à-dire avec le pape, évêque de Rome.
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René Naba est un écrivain et journaliste, spécialiste du monde arabe. De 1969 à 1979, il est correspondant tournant au bureau régional de l’Agence France-Presse (AFP) à Beyrouth, où il a notamment couvert la guerre civile jordano-palestinienne, le « septembre noir » de 1970, la nationalisation des installations pétrolières d’Irak et de Libye (1972), une dizaine de coups d’État et de détournements d’avion, ainsi que la guerre du Liban (1975-1990), la 3e guerre israélo-arabe d'octobre 1973, les premières négociations de paix égypto-israéliennes de Mena House Le Caire (1979). De 1979 à 1989, il est responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP], puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, chargé de l'information, de 1989 à 1995. Membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), de l'Association d'amitié euro-arabe, il est aussi consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) depuis 2014. Depuis le 1er septembre 2014, il est chargé de la coordination éditoriale du site Madaniya info. Un site partenaire d' Altermidi.