Des parents d’élèves barcelonais se sont spontanément mobilisés pour différer le plus possible le moment où les enfants commenceront à utiliser un téléphone portable. L’initiative s’est vite répandue dans toute l’Espagne.
« La mèche a été allumée en Catalogne, et, en un temps record, toute l’Espagne a vu proliférer les groupes de familles qui se sont joints au défi complexe de rompre la loi non écrite − mais suivie à la lettre − visant à fournir un téléphone portable personnel, avec accès à Internet, aux garçons et aux filles lorsqu’ils entrent en 1ᵒ de ESO [l’équivalent de la cinquième] (ou même avant) », commence le quotidien El Periódico de Catalunya.
Ce mouvement spontané, baptisé « Adolescence sans mobile » par la presse, est né dans des discussions entre parents d’élèves à Barcelone sur les messageries WhatsApp et Telegram. Il s’est répandu « comme une traînée de poudre » au-delà des frontières catalanes, entraînant dans son sillage des milliers de familles dans la plupart des régions autonomes, retrace le journal de centre gauche.
Au fil des échanges, les parents se disent inquiets face à « la croissance préoccupante de l’utilisation sans contrôle des réseaux sociaux, d’Internet et des jeux vidéo chez les mineurs », observe El Mundo.
Tous espèrent « inverser la pression sociale » qui pousse l’adolescent à avoir un téléphone portable dès son entrée dans l’enseignement secondaire, dit l’un de ces parents dans les colonnes du quotidien conservateur.
« Pose ton Tél ! »
Selon l’Institut national de la statistique espagnol, 85,7 % des Espagnols possèdent un téléphone portable dès l’âge de 13 ans. Et d’après une étude de l’Université ouverte de Catalogne, citée par El Periódico, près de 40 % des 12-18 ans en utilisent un « de manière continue dans leur vie quotidienne ».
En France 95 % des jeunes entre 15 et 17 possèdent un téléphone portable. En moyenne, les jeunes ont leur premier téléphone portable à 11 ans et demi. De nombreux facteurs peuvent expliquer ce besoin de consulter son téléphone portable. Pour l’ado’ qui veut avoir les mêmes choses que ses camarades, c’est un outil d’intégration sociale. Il lui sert à entretenir des relations avec eux.
Le téléphone portable offre des services attrayants et facilement accessibles. Il est comme un doudou réconfortant qui met en contact avec des gens que l’ado’ apprécie, qui lui permet de regarder les photos qu’il a prises, d’appeler ses amis, de regarder des vidéos, de réagir aux publications de ses proches… Sans faire d’effort, il a une source de plaisir immédiat à portée de main.1
Alors, faut-il interdire les mobiles aux adolescents ? Et sinon, existe-t-il « un juste milieu entre l’interdiction et la carte blanche », comme se le demande le journal de centre gauche El País ? « Ce n’est pas moi qui critiquerai cette initiative [“Adolescence sans mobile”], répond le journaliste d’El País, Adrián Cordellat. Il m’a toujours semblé aberrant que le smartphone soit devenu le cadeau star des garçons et des filles âgés de 8 à 10 ans. Et, dans la mesure du possible, j’essaierai de retarder le plus possible […] l’arrivée du premier smartphone dans les mains de mes enfants. »
Néanmoins, puisque « nous sommes une génération bien mieux préparée que celle de nos parents à relever le défi qu’impliquent les smartphones et les réseaux sociaux », nous sommes plus capables d’« expliquer à nos enfants les potentialités et les risques de la technologie », estime ce père de famille.
Face à cette « pression » parentale, le conseil scolaire de Catalogne, un organisme rattaché au gouvernement autonome régional, organisera « un débat extraordinaire » à ce sujet le 16 novembre, signale El Mundo.
Des manifestations sont également envisagées, de même que l’élaboration d’une initiative législative populaire afin de saisir le Congrès des députés, à Madrid. Actuellement, seulement trois régions autonomes (Madrid, Castille-La Manche et Galice) interdisent le téléphone portable dans les établissements scolaires, conclut le journal.
À noter que des relations parents-enfant réduites, avec peu d’échanges, favorisent la dépendance. Sans oublier qu’en matière d’éducation, ce qui marche quand même le mieux, c’est de montrer l’exemple et être cohérent. Si on dit pas de téléphone à table, c’est pour tout le monde…
Notes:
- Dans l’étude « Baromètre de la santé visuelle 2021 ASNAV-Opinion Way », les parents d’enfants de 10 à 16 ans ont estimé qu’ils passaient 3 heures 28 par jour sur les écrans. Les parents craignent que cette surconsommation du téléphone portable ne détourne leur ado’ d’autres activités. À raison, puisque dans cette étude les jeunes déclarent préférer passer du temps sur leur portable, plutôt que de lire (70 %), jouer dehors (63 %), de pratiquer une activité artistique ou créative (61 %), de regarder un film ou une émission avec leurs parents (59 %) ou de faire du sport (51 %).