Entretien avec Séverine Saur, conseillère départementale sur le canton de Cazouls-lès-Béziers, qui préside la Commission de gestion de l’eau sur le barrage des Olivettes, à Vailhan.
Vous avez la responsabilité, qui devient de plus en plus lourde, de gérer la répartition de l’eau, aujourd’hui, sur cette partie du territoire héraultais. Quelle est la situation dans le département ?
Nous sommes dans un département de plus en plus touché par le changement climatique et la sécheresse. L’enjeu est d’essayer de gérer les équilibres entre les différents besoins. Il y a d’une part l’eau brute et d’autre part l’eau potable. Considérant l’eau brute, la vocation première du barrage des Olivettes est de permettre l’irrigation agricole. L’espace irrigué concerne la vigne qui est peu gourmande en eau, mais il y a aussi du maraîchage et de l’arboriculture. Aujourd’hui, les acteurs agricoles sont sensibilisés au fait que la ressource en eau est devenue précieuse. Nous travaillons en étroite concertation avec eux et en période estivale nous estimons les besoins pour faire des lâchures. On travaille avec l’établissement public-association syndicale Asa Des Belles Eaux De Caux qui irrigue à peu près 700 hectares sur les communes de Caux, Roujan, Neffiès et Alignant-du-Vent, les premiers bénéficiaires de cette retenue d’eau sur l’étendue des Olivettes.
Est-ce que le niveau de remplissage du barrage vous inquiète ?
Que ce soit pour le barrage des Olivettes comme pour celui du Salagou, qui sont propriétés du Département, disons que le niveau permet d’assurer les usages cette année, dont l’irrigation. Mais la situation est tendue. Notre objectif est de préserver au maximum les stocks tout en répondant aux besoins des différents usagers et d’éviter les ruptures d’usages. En 2022 les barrages ont été remplis par des pluies au printemps, mais avec l’évaporation et l’absence de pluie cet hiver, en 2023 le niveau des retenues va baisser et il faudra partager l’eau…
Les barrages permettent, entre autres, de garder des réserves pour l’irrigation. Est-ce que le Département mène d’autres actions pour préserver l’agriculture face aux conséquences du changement climatique ?
La sècheresse que nous connaissons actuellement menace directement notre agriculture, c’est une évidence. Pour le Département, il ne s’agit donc pas simplement de réagir face aux conséquences, mais d’agir dès maintenant pour anticiper l’avenir. Sur le volet agriculture, je peux citer l’un des engagements du Président Kléber Mesquida, le « Plan Hérault irrigation ». Ce programme a été initié en 2019 et propose un ensemble d’actions concrètes et d’expérimentations qui seront déployées jusqu’en 2030. Il s’agit ici de venir en soutien aux agriculteurs, de mettre en place des pratiques résilientes, de miser sur l’irrigation concertée et raisonnée, de recycler les eaux usées, d’expérimenter des cépages résistants aux maladies et à la sècheresse, de moderniser les réseaux d’eau mais aussi de rechercher des ressources alternatives…
Des ressources alternatives, c’est-à-dire ?
Vu le contexte actuel et ce qui se dessine pour demain, il faut dès maintenant penser des nouvelles solutions pour récupérer de l’eau sans menacer les ressources. On travaille actuellement sur la création de retenues hivernales, à ne pas confondre avec les bassines, j’insiste là-dessus, qui vont nous permettre de stocker de l’eau pour irriguer les cultures, là où il n’existe aucune solution l’été. Le principe est de stocker le surplus d’eau pluviales de l’Orb et du Rhône en hiver pour l’utiliser l’été. Le Département mène actuellement des études de faisabilité sur 7 sites.
Pour ce projet, les différents usagers et acteurs de l’eau sont-ils consultés ?
Toutes les retenues d’eau ont une vocation multifonctionnelle, il faut en avoir conscience. Cela implique une concertation avec tous les acteurs concernés par les enjeux techniques, économiques et environnementaux. Il y a donc les communes, les acteurs agricoles, les associations, les institutionnels, mais d’autres comme le Service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault (SDIS 34) parce que les retenues peuvent éventuellement servir pour lutter contre les incendies. Aménager un plan d’eau permet de changer le paysage d’un endroit et d’augmenter la biodiversité. Un endroit où il y a de l’eau voit se développer une faune, une flore qui n’existaient pas auparavant. Et cette question d’équilibre concerne aussi les humains. Il faut savoir discuter avec tous les acteurs et que tout le monde comprenne que chacun doit y mettre un petit peu du sien pour qu’on arrive à travailler et à avancer ensemble.
Pour revenir aux agriculteurs, comment se traduit, selon vous, leur prise de conscience en matière d’évolution des pratiques ?
Je pense que la prise de conscience fait son chemin dans tous les esprits. Les vignerons font tout ce qu’ils peuvent pour se conformer à des bonnes pratiques, notamment en termes de cépages. Comme je le disais, le Département travaille sur des cépages plus résistants à la sécheresse et à certaines maladies avec des chercheurs qui se penchent sur la question pour déterminer ceux qui sont les plus adaptés. On constate par ailleurs une évolution dans les modes de pratiques culturales, notamment certaines qui essayent de garder une humidité au sol et ainsi évitent de désherber et de réintroduire des produits chimiques. Je crois que toutes ces bonnes pratiques sont en cours. Il reste des marges d’évolution, car il faut toujours évoluer vers du mieux, mais je pense que vraiment la prise de conscience est générale. Cela fait du bien de sentir une volonté partagée d’avoir une agriculture durable sur notre territoire.
Soutenir une agriculture durable, est-ce l’affaire de tous selon vous ?
Bien sûr, disposer d’une agriculture durable, et locale surtout, est un atout à conserver. Je trouve important de pouvoir aller découvrir une cave particulière, ou si l’on en a envie, d’aller découvrir un petit maraîcher… Et si on veut la conserver, il faut soutenir les agriculteurs pour que perdurent à la fois nos paysages et nos produits locaux. C’est ce que fait également le Département via le Plan Alimentaire territorial. Mais pour avoir une agriculture durable il faut arriver à maîtriser la gestion des ressources en eau et en même temps ne pas dénigrer sans arrêt les agriculteurs. Il faut rester vigilant face à l’agribashing.
Il y a des a priori portés par une partie de la population urbaine qui n’a pas vraiment conscience de ce que c’est que le monde rural. L’agriculture est assimilée aux pesticides, on stigmatise les activités agricoles en en donnant toujours une image négative. Je trouve cela malheureux parce que les agriculteurs apportent une plus-value aux territoires, non seulement pour nous nourrir, mais aussi à travers les paysages. Sans les paysages cultivés nous aurions des friches, ce serait moins beau et il y aurait moins de touristes. N’oublions pas que les deux points forts du département en termes de PIB sont l’agriculture et le tourisme. Donc oui, encore une fois, soutenir une agriculture durable c’est un engagement collectif. Nous œuvrons déjà en concertation et nous avançons dans le bon sens !
Cet entretien est un complément du cahier Le département de l’Hérault H2O à retrouver dans #altermidi Mag#8 disponible jusqu’au 15 septembre 2023 en kiosque 5€.