Odile Maurin enfin innocentée en appel pour les faits de violences à l’encontre de policiers — qui lui étaient reprochés au moyen de… son fauteuil roulant.
Madame Odile Maurin a participé à de nombreuses manifestations organisées en 2018 et 2019 dans le cadre du mouvement Gilets jaunes. Militante associative de longue date, et interlocutrice régulière des pouvoirs publics sur les questions d’accessibilité et de handicap, elle a toujours pris part à ces manifestations de façon pacifique et en soutien de l’intérêt collectif. Pourtant, au terme de la manifestation qui s’est déroulée le 30 mars 2019, elle s’est retrouvée accusée d’obstruction aux secours pour s’être placée devant un canon à eau de la police (après avoir été victime de grenades lacrymogènes et du canon à eau), de violences contre des policiers avec pour arme… son fauteuil roulant, ainsi que de provocation à la violence pour s’être emportée contre les policiers qui l’ont blessée en manipulant de force les commandes de son fauteuil.
Par un jugement du 6 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Toulouse a constaté la prescription de l’infraction d’outrage et a relaxé Madame Maurin pour ces faits, de même que du chef d’entrave à l’arrivée des secours. Il l’a en revanche déclarée coupable des faits de violences sur les agents de police et condamnée à un emprisonnement délictuel de deux mois assorti du sursis, outre la peine complémentaire d’interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique pour une durée d’un an avec exécution provisoire, ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts.
Madame Odile Maurin a immédiatement relevé appel de ce jugement. Lors de l’audience qui s’est tenue devant la Chambre des appels correctionnels de Toulouse le mardi 21 mars 2023, elle a naturellement soutenu son innocence pour les prétendues violences dont elle aurait été l’auteur. En effet, projetée contre un camion de police par un agent qui avait pris les commandes de son fauteuil roulant, elle a subi de nombreuses fractures au pied avec arrachements osseux et a fini couverte de bleus. Alors que sa plainte déposée auprès du Procureur est longtemps restée lettre morte, et peine encore à ce jour à être traitée, des poursuites ont très rapidement été engagées à son encontre.
S’en est alors suivie une enquête menée très majoritairement à charge à l’encontre de l’une des figures emblématiques du mouvement Gilets jaunes : refus d’auditionner les nombreux témoins présents à proximité immédiate le jour des faits, absence d’exploitation de vidéos, etc. C’est sur la base d’une présomption de culpabilité et la volonté perceptible d’écarter Madame Odile Maurin des manifestations Gilets jaunes que reposait la condamnation du 6 décembre 2019, qui faisait fi de nombre d’éléments versés au dossier au soutien de son innocence.
Une condamnation pénale lourde de sens mais également de conséquences, puisqu’à compter de celle-ci, Madame Odile Maurin s’est injustement vue attribuer un rôle de « casseuse de flics », qui ne correspond ni à la réalité des faits, ni aux valeurs qu’elle prône au quotidien. Une condamnation qui lui a injustement fait endosser pendant plusieurs années le portrait d’une militante agressive, plutôt que celui de victime du comportement de certains policiers lors des manifestations et d’un système politique et judiciaire particulièrement répressif dans le cadre du mouvement dit “Gilets Jaunes”.
La Cour d’appel, qui devait initialement statuer sur l’affaire en juillet 2022, avait d’ailleurs confirmé que tous les éléments utiles à la manifestation de la vérité n’avaient pas été exploités en première instance et avait choisi de renvoyer le dossier à l’audience du 21 mars 2023 en sollicitant entre temps l’accomplissement de démarches complémentaires. Parmi celles-ci notamment, l’exploitation de la vidéo de la scène, objet des poursuites qui avait été prise par un observateur de la Ligue des droits de l’Homme présent en cette qualité lors de la manifestation, que la juridiction de première instance avait refusé de soumettre au débat.
Fort heureusement, et après une étude plus exhaustive de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour d’Appel de Toulouse vient de relaxer Madame Odile Maurin des faits de violence qui lui étaient reprochés. La rigueur juridique de cette décision ne peut qu’être saluée et vient rappeler l’indépendance que doit revêtir la justice dans le traitement de toutes affaires, mais plus particulièrement encore dans celui des affaires comportant une dimension socio-politique. Néanmoins, la décision rendue en première instance en décembre 2019 par le tribunal correctionnel de Toulouse n’a pas été sans conséquences et cette relaxe ne répare pas l’intégralité des préjudices subis entretemps :
– Interdiction de manifester pendant un an avec exécution provisoire, avec au bout de 11 mois, une participation à manifestation qui lui a valu une autre condamnation correctionnelle à 500 € d’amende ;
– Un préjudice financier qui ne sera pas réparé avec frais de justice en première instance et en appel ;
– un préjudice moral conséquent qui ne sera pas réparé et qui s’est trouvé accentué par la durée de l’instance ;
– Un préjudice politique puisque la majorité municipale n’a eu de cesse d’exploiter cette affaire contre Mme Maurin avant et après son élection, la dépeignant comme une personne qui voulait du mal aux policiers ;
– Pour une personne autiste, se voir accuser alors que l’on est innocente, a des effets bien plus délétères que sur une personne neurotypique.
En conclusion, pour Odile Maurin : « La justice a lavé mon honneur après 4 ans d’attente insupportable à se voir traitée de personne capable d’exercer des violences sur des tiers alors que je défends la non-violence. C’est un soulagement que cela soit enfin reconnu et j’espère que ceux qui ont exploité politiquement ma condamnation de 2019 et n’ont eu de cesse de me diffamer depuis vont reconnaitre leurs torts. »
Source : Communication d’Odile Maurin et de son avocate Lucille Paupard à l’issue de la décision rendue par la Cour d’Appel de Toulouse.
Lire aussi : Un portrait d’Odile Maurin. Est-ce la justice qui court après elle ou elle qui court après l’injustice ?