Le rapport 2023 de la Fondation Abbé-Pierre (FAP) fait état de 12 millions de personnes touchées en France par le mal-logement et pointe particulièrement la région Sud PACA, notamment Marseille pour le retard dans la construction de logements sociaux.


 

Le rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, présenté le 1er février dernier, sonne l’alerte : le large spectre du mal-logement, qui va de la précarité énergétique aux situations d’impayés des locataires jusqu’au sans-abrisme, concernerait 12,1 millions de personnes, selon les calculs de la FAP, soit plus d’un sixième de la population.

La crise du logement ne cesse d’empirer, encouragée par une poussée de l’inflation en 2022, mais aussi une lente réduction des allocations telles que l’APL (Aide personnalisée au logement) et la hausse des expulsions locatives. Ainsi, de plus en plus de personnes basculent dans le mal-logement, particulièrement dans notre région. En cause, selon le directeur de la Fondation Abbé-Pierre en région Paca, Francis Vernède, le retard dans la construction du parc social.

La loi SRU qui impose aux communes la construction de 20 % de logements sociaux n’est, selon lui, pas assez coercitive. « Il n’y a pas de sanction suffisante pour les mauvais élèves et pas de mesures incitatives pour encourager les bons », confiait Francis Vernède à France 3 en février dernier.

À Marseille, les délais d’attente sont de plusieurs années et la mobilité au sein du parc locatif est quasiment nulle. Le directeur régional de la Fondation Abbé-Pierre pointe la question du parc social comme un point de bascule vers le mal-logement. « Ceux qui ne trouvent pas se tournent vers le parc privé et avec leurs faibles moyens se précarisent et peuvent devenir la proie de propriétaires malveillants ou de marchands de sommeil. »

 

À Marseille, plus qu’ailleurs

 

La question est complexe dans une ville marquée par la misère. Si les déclarations d’intentions vont bon train chez les élus, les moyens ne suivent pas toujours. Dans une cité où 26 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, (contre 15 % en France métropolitaine), 73 % des ménages marseillais sont éligibles au logement social. Beaucoup d’entre eux trouvent porte close chez les bailleurs sociaux.

En novembre 2022, Les états généraux du logement à Marseille recensaient 40 000 logements privés considérés comme potentiellement indignes à travers la ville, soit environ 100 000 personnes touchées par le mal-logement. 150 copropriétés, abritant quelque 5 000 ménages sont décrites comme dégradées, fragiles ou susceptibles de le devenir.

À propos du drame qui s’est produit dans la nuit du 8 au 9 avril à Marseille, selon le préfet : « il n’y avait pas d’arrêté de péril pour ce bâtiment » et les immeubles qui se sont effondrés « n’étaient pas dans un quartier recensé comme ayant de l’habitat insalubre », a précisé le maire de Marseille. Cependant, « ni le nombre d’arrêtés de péril ou d’insalubrité, ni les dispositifs incitatifs ne sont à la hauteur de ce défi dans les immeubles du centre-ville comme dans les grandes copropriétés dégradées à quelques kilomètres de là », s’indignait déjà la Fondation Abbé-Pierre au lendemain de l’effondrement des immeubles rue d’Aubagne en novembre 2018, « faute de logements sociaux en nombre suffisant, ce parc privé dégradé joue le rôle d’un parc social de fait, indigne pour les ménages contraints d’y vivre ».

On évalue aujourd’hui à 14 000 le nombre de personnes sans-abri à Marseille. Et de toute évidence, la loi contre l’occupation illicite des logements votée le 4 avril dernier par les députés de la majorité, le RN et Les républicains ne va pas améliorer la situation.

 

L’urgence d’agir

 

Selon la Fondation Abbé-Pierre, on compte en France 300 000 sans-abris, mais les chiffres ne sont pas fiables car le recensement est extrêmement difficile à l’échelle des communes. Pour faire avancer le dossier de l’hébergement, il faut pourvoir évaluer les besoins réels.

Dans le cadre de l’élaboration du Programme local de l’habitat métropolitain 2023-2028 (PLH), la Ville de Marseille a présenté un ensemble de propositions visant à permettre aux Marseillaises et aux Marseillais de « se loger dans des conditions plus accessibles, plus dignes et plus durables. »  Elle vise un objectif annuel de production de 4 500 logements neufs, dont 2 300 logements abordables par an ainsi que la réhabilitation massive du parc existant.

Depuis 2019, à Marseille, la Fondation Abbé-Pierre, au sein du collectif Alerte, réclame la création d’un Observatoire des pauvretés. Il s’agit de créer un pont avec les élus pour faire remonter des informations de terrain. « Nous avons l’oreille du Préfet de région, et de nombreux élus, mais le projet n’avance pas assez vite au regard de l’urgence à agir. »

La crise économique est installée. Les premières victimes sont les travailleurs peu qualifiés, souvent jeunes. Comme le souligne l’Observatoire des inégalités, il est temps de dresser un premier bilan des effets de l’épidémie et de l’inflation sur l’emploi, la pauvreté, les revenus. De mettre en lumière les oubliés d’un modèle social qui laisse encore de trop nombreuses personnes sur le bord du chemin.