Le Sénat s’est opposé dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 novembre à un projet de transfert du recouvrement des cotisations du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco à l’Urssaf.


 

La réforme, votée fin 2019, devait entrer en vigueur début 2023 malgré l’opposition unanime des partenaires sociaux, de la CGT au Medef. Le gouvernement entendait repousser d’un an cette échéance à la faveur du projet de budget de la Sécu’ examiné depuis lundi en première lecture par les sénateurs. Le Sénat a annulé le transfert en adoptant par 302 voix (dont le RDPI1 à majorité Renaissance) contre 28 une série d’amendements venus de la droite comme de la gauche de l’hémicycle.

Risque de « captation »

Le gouvernement impose une réforme d’apparence technique qui lui donnera toute latitude pour puiser dans les réserves des retraites complémentaires du privé afin de « combler les trous » des régimes sempiternellement déficitaires, avertit le directeur de l’Iref (Institut de recherches économiques et fiscales, think-tank libéral).

« Le recouvrement est déjà bien fait » par l’Agirc-Arrco, a fait valoir René-Paul Savary (LR), rapporteur de la branche vieillesse, demandant au gouvernement comment il « avait réussi en si peu de temps à (se) mettre à dos autant de personnes ». « Quand on veut faire une réforme des retraites (…), il faut peut-être donner un gage de confiance » aux partenaires sociaux, a-t-il ajouté.

Les dirigeants du régime de retraite complémentaire des cadres et des salariés du privé Agirc-Arrco avaient dénoncé début octobre un risque de « captation » de leurs recettes (plus de 87 milliards cette année) par la Sécu’. « C’est une question d’efficacité de collecte », a souligné le ministre de l’Industrie Roland Lescure.

Ce bouleversement devait avoir lieu à partir de janvier prochain. Mais voilà, quelques jours après un débat parlementaire assez vif, l’article a d’abord été supprimé par les députés, puis rétabli par le gouvernement, avant d’être adopté dans le texte imposé par le 49-3. Seule concession faite par le gouvernement : repousser l’entrée en vigueur au 1er janvier 2024.

Les Urssaf récoltent plus de 500 milliards d’euros chaque année, soit environ 190 milliards de plus que le budget de l’État français. Leur mission est dans leur nom, « Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales ».

Au fil du temps, leur champ d’action s’est considérablement élargi. Recouvrement, à partir de septembre 2021, des cotisations jusqu’alors encaissées par la Sécurité sociale des indépendants (le RSI), soit 15,8 milliards d’euros ; récolte des fonds de la formation, soit 10 milliards ; et des fonds la Sécurité sociale des artistes auteurs ; idem pour la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), auparavant perçue par la Caisse nationale déléguée pour la Sécurité sociale des travailleurs indépendants. Les Urssaf recouvrent aussi l’argent de l’assurance-chômage, du fonds national d’aide au logement (Fnal), du fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la Puma (Protection universelle maladie, ex-CMU). Et bientôt, donc, des caisses de retraite complémentaire du privé…

Notes:

  1. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) — dénommé jusqu’en 2020 groupe La République en marche (LREM) — est un groupe d’élus au Sénat fondé en 2017 et composé majoritairement de membres de La République en marche. Les Partis membres sont : Renaissance, Guadeloupe unie, solidaire et responsable, Mouvement pour le développement de Mayotte, Guyane rassemblement, Nouvelle force de Guyane, Tapura huiraatira.