Entretien avec Philippe Martinez, descendu à Montpellier à l’invitation de l’UD 34 dans le cadre de la célébration du 120e anniversaire du Congrès CGT à Montpellier qui marque l’histoire sociale en France. Le Secrétaire Général de la CGT dénonce un simulacre de négociation sur le dossier des retraites et de la réforme de l’assurance chômage.


 

 

Les salaires sont au cœur de la mobilisation du 29 septembre1 avec comme revendications l’augmentation du Smic, l’augmentation de l’ensemble des grilles de branche et du point d’indice dans la fonction publique ; sur quel constat ?

Le constat est simple, contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire, la France est un pays de bas salaires. On le voit actuellement, beaucoup de postes ne sont pas pourvus. La première cause de ce dysfonctionnement est liée au problème d’attractivité. Les gens ne sont pas payés au niveau de leur qualification. On observe ce phénomène dans beaucoup de professions, notamment dans les métiers de la santé et du médico-sociale où les personnels sont très qualifiés et les salaires ne suivent pas. C’est la raison pour laquelle il faut augmenter le salaire minimum, et par ricochet, l’ensemble des grilles de salaire et des échelons qui les composent. C’est ce que propose la CGT.

 

Comment le financer ?

Tout le monde le constate, il y a dans cette période de crise des entreprises qui font de très gros profits. Nous pensons qu’à travers une meilleure répartition de la richesse créée par le travail existe la possibilité d’augmenter les salaires. On me dit souvent que c’est problématique dans les PME-TPE, mais l’on sait bien que l’argent dégagé par des entreprises comme Total est le fruit du travail des salariés de petites entreprises, de tout un réseau de sous-traitants. Il s’agit de mieux répartir les richesses — qui finissent dans la poche des actionnaires — au niveau de l’ensemble des salariés qui travaillent dans une filière.

 

Le financement de la Sécurité sociale arrive sur l’agenda des parlementaires en octobre, quelle est la position de la CGT sur ce dossier ?

On parle beaucoup des retraites et de l’assurance chômage, le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites montre qu’il n’y a pas péril en la demeure ; pour l’instant les finances sont excédentaires, à court terme et à moyen terme, elles demeurent relativement stables. Par contre nous avons besoin, par l’augmentation des salaires justement, de financer la Sécurité sociale par le biais des cotisations. Il faut aussi revoir les aides accordées aux entreprises. Depuis de nombreuses années, elles bénéficient de beaucoup d’exonérations de charges avec deux conséquences majeures : le manque d’entrée d’argent pour la Sécurité sociale, mais aussi ce qu’on appelle les trappes à bas salaires, puisque les employeurs ne veulent pas franchir le seuil qui permet de profiter des exonérations et maintiennent ainsi une partie des salariés avec des bas salaires. Il y a des solutions qui permettraient d’améliorer largement le financement de l’allocation chômage et d’augmenter sensiblement les pensions des retraités. Au lieu de venir à bout du chômage, le gouvernement vient à bout des chômeurs en les écartant de l’indemnisation ! Aujourd’hui en France, plus d’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé. L’exécutif ne cesse de vouloir réaliser des économies sur le dos des personnes privé.e.s d’emploi, mais aussi sur le budget global du système de protection sociale. Le rendez-vous du 29 septembre est une occasion pour combattre toutes les réformes de paupérisation des salarié.e.s, des retraité.e.s et des privé.e.s d’emploi.

 

Le gouvernement a promis d’associer les partenaires sociaux, notamment autour du projet de loi des réformes du travail. Comment ont débuté ces premières négociations ?

Le président de la République fait tous les deux mois le même discours, il dit qu’il faut plus de négociations. On le voit sur la question des retraites : alors qu’il a réuni un certain nombre d’organisations syndicales dans ce qu’il appelle le Conseil National de la Refondation, deux jours après il annonce qu’il va réformer les retraites malgré une opposition unanime des organisations syndicales. Sur la méthode rien n’a changé, le président décide et les syndicats servent d’alibi, au mieux. Au pire il leur oppose : vous pouvez dire ce que vous voulez, je fais ce que je veux.

 

Le ministre du travail Olivier Dussopt s’attaque à plusieurs chantiers dont le développement des Contrats d’Engagement Jeune (CEJ), un nouvel accompagnement des personnes aux RSA, l’insertion des séniors sur le marché du travail… Quels sont ceux qui vous paraissent prioritaires et ceux où vous restez vigilants ?

On est vigilant sur tout parce que la méthode n’a pas changée. Elle consiste a culpabiliser tous ceux qui n’ont pas de travail. On le voit avec le vivier que met en place Pôle emploi en forçant les gens qui n’ont pas de boulot a accepter ce qu’on leur propose quels que soient la rémunération et les conditions de travail. Il faut lutter contre cette précarité. L’attractivité des métiers, je l’ai dit, c’est la reconnaissance par le salaire mais c’est aussi s’attaquer à la pénibilité. Il faut prendre le problème à l’envers. Comment posons-nous la question de l’attractivité des métiers ? Comment règle-t-on les questions de pénibilité et comment fait-on en sorte que le CDI soit la règle plutôt que de maintenir dans la précarité, dans l’intérim, les contractuels de la fonction publique, des gens qui sont utiles dans leur boulot et qui devraient avoir un emploi stable et pérenne.

 

Sur la réforme des retraites, êtes-vous pour une remise à plat du système actuel ?

On est pour une évolution du système actuel. On est lucide, les choses ont changé et donc il faut prendre en compte la nouvelle donne. Par exemple, les jeunes font des études plus longtemps qu’au moment de la création de la Sécurité sociale en 1945 ; comment prend-on en compte les années d’études dans le relevé de ces jeunes qui rentrent sur le marché du travail, comme on dit, à 27 ou 28 ans ? Contrairement à ce que veut le gouvernement, il faut rétablir la retraite à 60 ans. Si on veut donner du travail à tout le monde, il ne faut pas que les plus anciens restent plus longtemps au boulot, au contraire il faut qu’ils quittent le travail plus tôt. Cela créera de l’emploi pour ceux qui n’en n’ont pas.

 

Le Rassemblement national tenait ce week-end ses journées parlementaires dans l’Hérault. Il estime que l’élection de 89 députés devrait se conclure par son arrivée au pouvoir en 2027. Comment la CGT poursuit-elle son combat localement contre les idées d’extrême droite ?

Nous formons déjà nos militants à la lutte contre les idées d’extrême droite, mais il faut intensifier ces formations. Outre les valeurs de solidarité et d’antiracisme que nous défendons, il faut montrer que le Rassemblement national est un usurpateur social. On l’a vu à l’occasion de la première loi votée à l’Assemblée nationale ; ils ont voté avec le gouvernement une loi sur le pouvoir d’achat qui, contrairement à ce qu’on a pu entendre durant leur campagne, ne comporte aucune mesure sur l’augmentation du SMIC, aucune mesure sur les salaires. Le RN c’est l’usurpation sociale, c’est ce que nous devons démontrer au monde du travail en général et aux citoyens plus particulièrement.

Propos recueillis par Jean-marie Dinh

Lundi 19 septembre à l’Opéra Comédie.

 

Lire aussi : Entretien avec le maire de Montpellier Michaël Delafosse : « C’est autour du travail que l’on construit une société »

Notes:

  1. Le 29 septembre prochain, la CGT, Solidaires et FSU appellent à une mobilisation en faveur du pouvoir d’achat et de l’augmentation des salaires, dans un contexte de forte inflation.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.