À compter du lundi 1er janvier 2024, conformément à la loi pour le « plein emploi » retoquée par le Conseil constitutionnel, Pôle emploi deviendra France Travail. Critiquée de toute part, la mise en œuvre de la loi adoptée en novembre impose au gouvernement de revoir son calendrier.  Le conditionnement du versement du Revenu de Solidarité Active (RSA) à 15 heures d’activité hebdomadaires ne sera pas généralisé avant le 1er janvier 2025, a annoncé le gouvernement vendredi 29 décembre.


 

Après la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage, avec la loi pour le plein emploi le gouvernement s’attaque au marché de l’emploi. Selon la feuille de route gouvernementale, France Travail conservera les missions de Pôle emploi et sera intégré à un « réseau pour l’emploi » avec les missions locales, qui accompagnent les jeunes, Cap emploi, l’interlocuteur des travailleurs en situation de handicap, ainsi que les services de l’État et des collectivités territoriales. Ce réseau se donne pour mission de mieux coordonner ces différents acteurs dans le suivi des demandeurs d’emploi et des personnes en difficulté d’insertion.

« Derrière l’objectif du “plein-emploi”, le gouvernement s’attaque aux précaires plutôt qu’à la précarité », dénonce la CGT1 pour qui « le projet répond d’abord aux besoins immédiats des entreprises en forçant les plus précaires à accepter n’importe quel emploi vacant. »

Le projet du gouvernement visait initialement à instaurer un système de partage d’informations entre les différents organismes du réseau. Cette disposition a toutefois été retoquée par le Conseil constitutionnel qui a estimé qu’« aucune garantie » ne permettait d’encadrer ces transmissions de « données à caractère personnel, y compris de nature médicale ».

La loi prévoit de généraliser l’inscription des personnes sans emploi à France Travail d’ici 2025 au plus tard. Outre les demandeurs d’emploi jusqu’ici inscrits à Pôle emploi, cela inclut les jeunes et les personnes en situation de handicap sollicitant un accompagnement auprès des missions locales ou de Cap emploi. Les bénéficiaires du RSA seront quant à eux automatiquement inscrits dès le dépôt de leur demande d’allocation. Jusqu’ici, sur les 2 millions d’allocataires du revenu de solidarité active, 40 % étaient inscrits à Pôle emploi. La loi prévoit également l’inscription, si nécessaire, des conjoints des bénéficiaires.

Selon le texte de loi, l’ensemble des demandeurs d’emploi inscrits à France Travail feront l’objet d’un « diagnostic global » et signeront un « contrat d’engagement » qui doit définir un « plan d’action précisant les objectifs d’insertion sociale et professionnelle ». Concrètement, ce contrat impliquera des heures d’activité dédiées à la formation ou à l’insertion.

 

Les bénéficiaires du RSA devront effectuer des heures d’activité obligatoire

 

Dans le texte, le versement du Revenu de Solidarité Active (RSA) est conditionné à 15 heures d’activité hebdomadaires mais cette obligation ne sera pas généralisée avant le 1er janvier 2025, a confirmé le ministère du Travail et Pôle Emploi vendredi 29 décembre.

La réforme crée un « contrat d’engagement » qui obligera les personnes inscrites à France Travail à réaliser au moins 15 heures d’activité d’insertion professionnelle par semaine. Au total, le coût de cette transformation s’élèvera entre 2,3 à 2,7 milliards d’euros sur la période 2024-2026, selon un rapport publié en avril.

La loi fixe une obligation d’au moins 15 heures d’activité par semaine. Toutefois, cette durée minimum pourra être abaissée en fonction de la situation du signataire. Certains pourront en être totalement exemptés, en cas de problèmes de santé par exemple. « Cette durée devra être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé et limitée au temps nécessaire à l’accompagnement requis, sans pouvoir excéder la durée légale du travail en cas d’activité salariée », rappelle le Conseil constitutionnel.

 

Le gouvernement prévoit de renforcer les contrôles

 

Avec la mise en place de ce nouveau suivi, le gouvernement veut « doubler » le nombre de contrôles de recherche d’emploi. « Il y en a 500 000 aujourd’hui par an », estime Olivier Dussopt dans Les Échos. « On peut les concentrer et les renforcer sur les demandeurs d’emploi qui sortent d’une formation qualifiante et n’auraient pas accepté d’emploi correspondant à l’issue », avance le ministre du Travail.

En outre, le nombre de demandeurs en « formations courtes et opérationnelles avant embauche » devrait croître de 25 % au premier semestre 2024. En parallèle, « nous allons augmenter de 50 % l’objectif fixé à Pôle emploi du nombre d’entreprises contactées pour les aider à recruter », ajoute Olivier Dussopt.

 

De nouvelles sanctions pour les allocataires

 

En cas de non-respect du contrat d’engagement, les demandeurs d’emploi pourront être radiés de France Travail. Les durées minimale et maximale de radiation ainsi que la sanction de suspension des allocations chômage seront précisées par décret, précise le site Vie-publique.fr.

La loi introduit un nouveau régime de sanctions graduées pour les bénéficiaires du RSA, s’ils refusent de signer un « contrat d’engagement » ou s’ils n’en respectent pas les conditions. Dans un premier temps, le versement de l’allocation pourra être suspendu. La somme non perçue durant la suspension sera versée au bénéficiaire dès lors qu’il se conformera à nouveau à ses engagements. Les sénateurs ont cependant limité le montant pouvant être versé rétroactivement à trois mois de RSA.

En cas de manquements plus graves, comme la réitération du non-respect du contrat ou le refus de se soumettre aux contrôles, ils s’exposeront à une suppression de l’allocation. La part maximale de RSA pouvant être suspendue ou supprimée sera détaillée par décret.

Ce RSA « sous condition » est déjà testé dans 18 départements depuis un an, l’expérimentation concerne déjà environ 15 000 personnes. Selon l’assemblée des départements de France, les premiers retours sont « encourageants ». Ces 18 collectivités ont reçu environ 21 millions d’euros de l’État pour les aider, notamment à recruter de nouveaux conseillers. D’autres territoires doivent entrer dans le processus d’expérimentation au cours de l’année 2024, confirme le ministère du Travail à Franceinfo, sans préciser lesquels, ni le nombre. Une deuxième enveloppe de 170 millions d’euros est déjà prévue pour cette deuxième vague.

La logique coercitive du projet de loi s’éloigne de la réponse aux besoins des travailleur·euse.s, respectant leurs parcours et leurs qualifications. Elle recueille l’opposition de toutes les organisations syndicales.

 

« Un projet flou, régressif et recentralisateur »

 

Les Régions, compétentes pour l’emploi et la formation professionnelle, déplorent la méthode unilatérale retenue par le Gouvernement. Les Régions ont exprimé leur opposition au projet de loi sur le plein emploi lors de son examen en mai dernier par la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dénonçant « un projet France Travail flou, régressif et recentralisateur ».

« Avec cette loi, la compétence exclusive des Régions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, issue de 40 ans de décentralisation, devient une compétence partagée État-Région, intégrée dans un ensemble de contraintes techniques nouvelles et dans une gouvernance complexe », souligne Région de France dans un communiqué. Seules les Régions qui accepteront de signer une « charte d’engagement » au contenu encore inconnu seront habilitées à coprésider avec l’État le comité régional France Travail. Pour les autres, l’État décidera donc seul de la politique de formation professionnelle et d’emploi à l’échelon régional. « Au final, nous avons une très désagréable impression de déjà vu, qui nous rappelle la loi de 2018 et la recentralisation de l’apprentissage », souligne David Margueritte, président délégué de la Commission précitée. « Entre le souhait du président de la République d’une “vraie décentralisation” et ce projet de loi, on ne peut faire plus contradictoire entre la parole et les actes ».

Si la religion n’occupe plus la place qu’elle occupait dans nos vies il y a encore 50 ans, comme on a pu le constater durant le confinement, la gestion gouvernementale tant à sacraliser le travail qui devient une nouvelle religion. Aujourd’hui, c’est dans l’entreprise que l’on doit communier avec les autres et participer à une mission qui nous dépasse.

 JMD

Notes:

  1. La CGT Pôle emploi a publié une analyse détaillée très critique du projet et dénonce une « libéralisation » du service public de l’emploi et de l’insertion pour « satisfaire uniquement les besoins des employeurs et contraindre les usagers ».
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.