Ce mois de juillet 2022 le soleil a rougi. Rougi de feu derrière les nuages de cendres qui répandent des flocons légers comme des plumes.


 

Peut-être qu’ils étaient des plumes, calcinés sur le dos de l’oiseau resté auprès de ses petits incapables de rapides et grandes envolées pour fuir les flammes, ou les corps des mammifères et insectes, ou les peaux parcheminées des troncs de pins, de romarin, de thym, les tiges d’immortelles ? Immortelle. C’est ce qu’on croyait de la Montagnette qui entoure l’abbaye de Frigolet : immortelle. Alors on se retrouve sonné : toute la richesse qui constitue nos souvenirs d’enfance, les parties de foot, anniversaires, ballades en amoureux, pèlerinages, moments d’apaisement, dans ce lieu qu’on pensait toujours sûr de trouver, refuge aux vues et senteurs merveilleuses, parti en fumée.

À quelques kilomètres de là, la ville centrale et théâtrale pour un mois. Avignon joue, et se joue des flammes. Avignon où le touriste parigo-megévo-international clame avec grâce qu’il fait résolument trop chaud ici, après s’être repu de sa salade à 25 euros cuisinée et apportée par du personnel exposé à 10°C de plus dans les cuisines. Et les flocons tombent, salissent robes et beaux chapeaux, tables de restaurant. Et on les essuie d’un revers de la main. Et on fait comme si de rien n’était, continuant inlassablement le même cirque, pendant que les flammes se rapprochent.

Il faudra donc la pluie de braises. Il faudra donc que la langue d’enfer lèche les visages. Que le feu vienne jusqu’aux yeux des incrédules inconscients pour se la dire, l’urgence de se réinventer pour faire face aux seuls vrais dangers, ceux qui ravagent tout sur leurs passages, ceux qui ne font ni le distinguo entre un riche et un pauvre, un noir ou un blanc, un athée ou un musulman. Les flammes, l’eau, l’air dans leurs pires colères pour nous unir autant que pour stopper des habitudes malades, décalées, criminelles, continuelles selon le pognon qu’on met sur la table de la nation au nom d’une croissance factice. L’Enfer sur Terre, il faudra s’y adapter. Pourtant, que la Montagnette était belle…

Alice Beguet